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chronique du 19 mai 2006
 

Le nombre douze : une histoire de famille
famille | frères | mères |

PAR YOLANDE GIRARD

Le nombre douze dans son sens qualitatif désigne l’ensemble du peuple d’Israël. Dans son sens quantitatif, il est le nombre des fils de Jacob, dont les générations subséquentes formeront les douze tribus. Comment cette histoire de douze, comme structure familiale ancienne, peut nous rejoindre en tant que chrétien et chrétienne aujourd’hui? Que pouvons-nous tirer de cette histoire qui nourrisse notre foi?

Une histoire de couples

     L’arrivée d’une famille déstabilise toujours quelque peu les usages. De même, cette famille de douze fils, reconnus comme étant issus de Jacob, produit une mutation dans la pensée biblique. Auparavant, on n’avait que l’histoire d’individus : on avait l’histoire d’Abraham… d’Isaac… ou de Jacob. Mais, à partir de la naissance des douze fils, nous avons l’histoire d’un multiple, l’histoire d’une famille qui a comme caractéristique :

1) D’avoir connu la stérilité : cette famille avait tous les pré-requis pour ne pas naître. La grand-mère, la mère et la femme que Jacob aime ne peuvent pas avoir d’enfant! Dans cette famille, la stérilité rebondit de génération en générations. Sarah, Rébecca, Rachel sont à l’origine des femmes stériles. Leur fécondité est dû à une intervention de Dieu. C’est Lui qui changera leur stérilité en fécondité pour que la famille puisse naître et pour que la suite de l’histoire puisse advenir…

2) D’avoir eu des mères qui n’ont pas été répudiées de leurs maris en raison de leur stérilité alors que la loi le permettait… d’avoir eu des mères qui ont été des femmes aimées malgré leurs limites, en dépit de l’évidence, en dépit du sens commun.

3) D’avoir eu des mères d’origine diverses qui avaient des statuts différents au sein de la famille.

     Donc le nombre douze signe une mutation d’une unité à un multiple, un multiple qui doit son existence à l’ouverture de ses membres à un intervention de Dieu, à l’obéissance de ses membres à des lois du cœur en dépit des lois juridiques à l’acceptation en son sein d’une diversité.

L’histoire d’un père

     Cette structure de douze fils possède globalement, comme famille, une identité qui lui est propre. Cette identité lui provient du nom qu’elle porte. Ce nom lui a été, bien sûr donné par son chef de famille, par le père, mais ce nom il l’a reçu, suite à une expérience de foi, et cette expérience est encore aujourd’hui la marque d’un peuple.

     En effet, Jacob était un « talonneur », un « usurpateur » (Gn 25,26) : il avait usurpé le droit d’aînesse de son frère Ésaü et la bénédiction paternelle. Il était marqué du sceau de cette histoire de famille : catalogué, classé, étiqueté. Or voilà qu’il fait, à son retour de Mésopotamie, alors qu’il est en compagnie de ses douze enfants (Benjamin n’est pas encore né, mais Dina est déjà là), à Pénuel (Pénou signifie littéralement « tourner » changer de direction… « el » vers Dieu), l’expérience d’une lutte spirituelle et reçoit, suite à ce combat, un changement de nom. S’identifiant auparavant à un conflit familial, il devient « Israël », il devient désormais lié à un « Dieu fort » (Gn 32,29).

     Sa vie sera désormais déterminée non plus par un fraternel conflit mais par sa relation à Dieu. Cette expérience de foi de Jacob signe un point tournant dans la compréhension des douze car le nom qu’il recevra lors de cette expérience deviendra le leur. C’est ainsi qu’avant même d’être constitué, le peuple qui naîtra de la descendance des fils de Jacob deviendra non pas un peuple « de talonneurs » ou « d’usurpateurs », mais « le peuple de Dieu », un peuple fort de sa foi en Dieu, un peuple uni à un Dieu fort. Cette désignation d’Israël comme « peuple de Dieu » vient souligner la conscience de cette identité présente dans le nom qu’il porte. Les douze étaient déjà une famille. Ils deviennent à partir de ce moment une famille de Dieu.

     Ce Dieu a comme caractéristiques d’être unique, à la différence de ce qui existait à cette époque en Mésopotamie ou en Égypte; personnel qui parle au cœur de l’homme; sans visage et sans nom, sans représentation : ce Dieu n’est qu’expérience; nomade, qui déstabilise, qui oblige à marcher, à se déplacer. De plus, cette famille de douze porte le signe de l’errance. Pour deux raisons : 1) elle a comme ancêtre des nomades « Mon père était un araméen errant  »; 2) tous les fils de Jacob (à l’exception de Benjamin) sont nés en exil, à l’étranger. Ils ne sont pas nés sur la Terre Promise, mais à Haran, en Mésopotamie.

     À l’origine, les douze signent donc un mouvement qui va de l’extérieur vers l’intérieur, un mouvement qui converge vers la Terre Promise, vers ce désir de la Terre Promise. Ce n’est pas un mouvement qui est issue d’un lieu particulier. Les douze ont, à l’origine, le caractère de l’errance, tout comme l’avait leur père Abraham. Ils sont en cheminement… Ils sont en mouvement. Ce mouvement, de l’extérieur vers l’intérieur se répétera ensuite à plusieurs reprises dans l’histoire d’Israël, à la suite de différents exils, en Égypte, en Babylonie, et de partout dans le monde après avoir été dispersés suite à la chute du Temple de Jérusalem… Ce qui n’était au point de départ que cheminement deviendra par la suite l’objet d’une quête.

     En résumé, douze est un nombre qui a une origine et qui tire son identité de cette origine : par sa naissance, tributaire du geste de Dieu qui change la stérilité des mères en fécondité et par son appellation « Israël » qui tourne son regard vers Dieu. Douze est donc un nombre qui est associé à une famille qui a comme mode d’être le mouvement qui évoluera de l’errance à la quête.

Suite de l'article :
Une histoire de frères

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Deux symboles chrétiens de la Résurrection : le phénix et le coq