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chronique du 19 mai 2006
 

Le nombre douze : une histoire de mères
famille | frères | mères |

PAR YOLANDE GIRARD

Les douze ont reçu leur identité du père. Mais, à leur naissance, c’est la voix de leur mère qui se fait entendre (Gn 29,31-30,24; 35,15-19). Les matriarches sont des femmes qui n’ont pas peur de découvrir à ce Dieu qui les aime, leur finitude, leurs problèmes de stérilité, de rivalité, leurs craintes, la relation difficile qu’elles ont parfois avec leur mari. Ce sont des femmes qui ouvrent à Dieu toute leur humanité. À l’origine des douze tribus d’Israël, à l’origine de ce peuple, il y a des voix de femmes et de femmes croyantes! Cette foi, elles l’expriment dans le nom qu’elles donnent à leur fils!

     Léa a d’abord quatre fils. Ruben, c’est le voir : Ruben vient de « réhou » qui signifie « voir » en hébreu et de « ben » qui signifie « fils ». Il exprime l’expérience du voir de Dieu : elle dit : « le Seigneur a vu mon humiliation ». Le vocabulaire de la vision est souvent utilisé dans la Bible pour décrire l’expérience de Dieu. Le « voir de Dieu » est inscrit dans le nom de son premier enfant. Siméon, c’est l’entendre : Léa dit : « Oui, le Seigneur a entendu ». Dieu s’est approché d’elle. On peut voir de loin, mais pour entendre, il faut être près de la personne. Lévi, c’est le lien : Cet enfant fera le lien entre le voir et l’entendre : c’est le rite. Les lévites feront le liens entre Dieu et les hommes. C’est par leur intermédiaire que s’effectuera la miséricorde et le pardon. Juda : c’est la louange. Juda vient du verbe hébreu hodot qui signifie « rendre grâce » Léa dit : « Cette fois je louerai le Seigneur ». Yéhoudah porte dans son étymologie le début du nom de Yahvé (comme celui de Jésus : Yéshoua). La conscience de la Présence de Dieu éveille chez Léa, la louange.

     Ensuite Bilha, la servante de Rachel a deux enfants. Dan : c’est la justice. Rachel s’écria : « Dieu m’a fait justice!… C’est pourquoi elle l’appela Dan. » « Dan » signifie « justice » en hébreu. Dieu a écouté la prière de Rachel et l’a exaucé. Nephtali : c’est la prière. Nephtali a le même radical que tephila qui signifie « prière ». Prier, c’est s’en remettre à la capacité de Dieu de pouvoir faire.

     Zilpa, la servante de Léa, lui donne aussi deux autres fils. Gad : c’est la chance en hébreu. Une chance nouvelle s’ouvre à Léa par sa servante, car elle a un nouvel enfant. Asher : c’est le bonheur. Léa s’écriera : « car les filles me diront heureuses ». Les Psaumes commencent souvent par « Ashré » : « Heureux celui qui… ». Elle est heureuse! « Asher », c’est le bonheur. Elle est heureuse car elle a beaucoup d’enfants!

     Puis Léa devient à nouveau enceinte. Elle aura trois autres enfants. Issachar : c’est le salaire. Léa dit : «  Dieu m’a donné mes gages » : Les gages, c’est ce que la personne reçoit après une journée de travail. Cet enfant n’était pas attendu, mais il est une récompense. Il y a dans ce nom le mot femme : isha et le mot récompense : sakar. C’est son septième fils. Zabulon : c’est un cadeau. « Dieu m’a fait un beau cadeau! » Zébed en hébreu signifie « cadeau ». Ce fils est le nouveau don de Dieu. Puis elle a une fille : Dina, qui sera qualifiée de bat-léa de la fille de Léa et non pas de la fille de Jacob (Gn 34). Dina vient de la même racine que Dan qui signifie « justice ». Ses frères lui ont fait justice lorsqu’elle fut violée par le fils d’Hamor. Mais lors de sa naissance, c’est le seul nom qui n’a pas d’explication étymologique.

     Finalement Rachel enfante deux fils. Joseph : Rachel dit « Dieu a enlevé ma honte! » Elle l’appela Joseph en disant « Que le Seigneur m’ajoute un autre fils! » Joseph est compris par Rachel comme don de Dieu. Mais elle joue sur les deux sens de ce nom : Joseph vient de la racine asef qui signifie « enlever » : Dieu a enlevé sa honte. Joseph vient aussi de la racine isef qui signifie « ajouter » : elle demande à Dieu de lui ajouter un autre fils. Joseph, tout à la fois, enlève et apporte quelque chose à Rachel. Tout se passe comme si, en recevant ce fils, elle recevait un double don de Dieu : il met un terme à son humiliation et il ouvre son espérance : celle d’un autre fils.

     Benjamin est « cet autre fils » que voulait Rachel. Elle l’avait appelé : Ben Oni : « Fils de ma douleur » car elle est morte à Éphrata (Bethléem) en lui donnant naissance. Benjamin fut plus tard une tribu qu’a voulu s’approprié parfois les tribus du nord et parfois les tribus du sud. Il ne prend jamais la parole dans le récit de la Genèse. Jacob changera son nom pour Ben-Yamin : « Fils de Yamin ». Yamin, c’est le sud, la lumière, le bonheur. Il est fils de la droite : signe de bon augure.

     Léa donnera à Jacob une grande postérité. Elle sera la mère de 8 des douze tribus qui donneront naissance à la prêtrise et à la prophétie d’Israël par la tribu de Lévi, au Messianisme et à la royauté et par la tribu de Juda. De Rachel, la tradition garde le souvenir d’une femme qui est aimée, mais qui reste avec le désir d’enfanter. Rachel est une femme de désir…

     Dans le judaïsme, les deux matriarches, Rachel et Léa deviendront les modèles des futures épousées. À l’époque des Juges, les anciens et tout le peuple souhaiteront à Ruth, la femme de Booz, d’être « semblable à Rachel et Léa qui, à elles deux, ont édifié la maison d’Israël » (Rt 4,11). Leurs enfantements étaient le signe de la présence de Dieu dans leur vie.

La voix de ces matriarches dans le Magnificat de Marie (Lc 1, 47-56)

     On entend dans le Magnificat, l’écho des paroles des matriarches à la naissance de leurs fils. On y entend dans la voix de Marie, la voix des mères des douze tribus d’Israël. Tout se passe comme si les douze fils de Jacob étaient présents dans son chant d’action de grâce comme si l’espoir de tout un peuple renaissait en elle...

     Juda, fils de Léa, signifiait « louange », Marie commence par louer le Seigneur : « Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit est remplie d’allégresse à cause de Dieu, mon Sauveur ». À la naissance de Ruben, Léa dit que « Le Seigneur a regardé (voir) mon humiliation… ». Marie affirme à son tour que Dieu «  a porté son regard sur son humble servante  ».

     Asher signifie « Heureux », Zilpa, à la naissance de son enfant dit que « les filles m’ont proclamée bienheureuse ». Marie affirme que « désormais, toutes les générations me diront bienheureuses ».

     Rachel, par sa servante, Bilha, a un fils qu’elle appelle « Dan » qui signifie « justice ». Rachel s’écriera : « Dieu m’a fait justice! » ; Marie dit que Dieu « est intervenu de toute la force de son bras.. Il a jeté les puissants à bas de leurs trônes… Il est venu en aide à Israël son serviteur, en souvenir de sa bonté, comme il l’avait dit à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais. »

     La « bonté » de Dieu « s’étend d’âge en âge »… : le concept d’histoire en hébreux se traduit en terme de générations. Or, il y a, dans ce chant, trois rappel de l’histoire du peuple d’Israël (Lc 1,48.50.54-55). Comment ne pas entendre, dans le Magnificat de Marie, la voix des matriarches à la naissance de leurs douze fils? Comment ne pas entendre, dans les paroles de Marie, le chant de tout un peuple réuni?

Yolande Girard

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