festin

Banquet céleste. Fresque de la crypte de Gaudentius (arcosolium).
Catacombe des saints Pierre-et-Marcellin, Rome (photo © A. et U. Held / Art sacré).

Le festin des ressuscités

Sylvain CampeauSylvain Campeau | 17 avril 2023

Le banquet rituel est un symbole très ancien que l’on retrouve non seulement chez les premiers chrétiens mais également dans les traditions de l’ancien Israël [1]. Ce repas traduit un esprit de communion et est associé, chez le prophète Isaïe, au Jour de Yahvé.

Le Seigneur, le tout-puissant, va donner sur cette montagne un festin pour tous les peuples, un festin de viandes grasses et de vins vieux, de viandes grasses succulentes et de vins vieux décantés. Il fera disparaître sur cette montagne le voile tendu sur tous les peuples, l’enduit plaqué sur toutes les nations. Il fera disparaître la mort pour toujours. (Isaïe 25,6-8a)

En relisant ce texte prophétique, les premiers chrétiens ont associé le rituel à leur foi en la résurrection. Ce n’est pas un hasard si la fresque représentée plus haut se retrouve à l’intérieur d’un complexe funéraire situé au cœur de l’Empire. On avait l’habitude, chez les Romains, de partager un repas familial près de la tombe des défunts. Les chrétiens de Rome ont conservé cette pratique en y célébrant l’eucharistie, le rite de communion par excellence. Ils actualisaient ainsi la promesse de Jésus après la multiplication des pains : « Je suis le pain vivant descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra pour toujours. Et le pain que je donnerai, c’est ma chair, que je donnerai pour que le monde ait la vie. » (Jean 6,51)

Le thème du festin se retrouve dans les évangiles. Même si le repas apparaît frugal, l’abondance et l’aspect communautaire de la multiplication des pains et des poissons (Marc 6,31-44 et parallèles) est bien mise en évidence et la tradition ecclésiale y voit depuis longtemps une préfiguration de l’eucharistie. Dans la parabole du père miséricordieux, on mange le veau gras pour souligner le retour de l’enfant retrouvé (Luc 15,11-32). Et le récit des noces de Cana (Jean 2,1-11) attire notre attention sur le bon vin qui est servi jusqu’à la fin du banquet en l’honneur des nouveaux mariés.

Le repas communautaire est un thème qui revient à plusieurs reprises dans les récits qui racontent la mort et la résurrection de Jésus. Au cours de la Cène, par exemple, Jésus déclare à ses disciples : « Je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le Royaume de mon Père. » (Matthieu 26,29) Et les apparitions du Ressuscité surviennent souvent lors d’un repas : on pense immédiatement à l’apparition aux disciples d’Emmaüs (Luc 24) et à celle qui survient au bord du lac à la fin du quatrième évangile (Jean 21,12-14)

Finalement, le dernier livre de la Bible reprend le thème pour parler de l’importance d’écouter la voix de Dieu : « Voici que je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je dînerai avec lui, et lui avec moi. » (Apocalypse 3,20) Si la dimension communautaire est absente de ce repas intime, qui rappelle celui d’Emmaüs, elle est mise en relief dans un autre récit qui décrit les noces de l’Agneau (Apocalypse 19,6-9). Tous ces textes ont contribué à développer une riche symbolique du banquet en lien avec la résurrection [2].

Diplômé en études bibliques (Université de Montréal), Sylvain Campeau est responsable de la rédaction.

[1] Les textes les plus anciens parlent de « sacrifices de communion » célébrés dans les hauteurs, en présence du Dieu d’Israël (voir Exode 24,9-11 et 1 Samuel 9,11-14).
[2] Cet article reprend plusieurs éléments de : Maurice Cocagnac, Les symboles bibliques. Lexique théologique, Cerf, 2009, p. 392-394.

Les mots pour le dire

Symboles bibliques

Cette rubrique est consacrée aux symboles bibliques et paléochrétiens. L'écriture de la Bible n'aurait pas la même saveur sans ces images et leur puissance d'évocation qui réussissent souvent à exprimer l'indicible.