INTERBIBLE
Une source d'eau vive
la lampe de ma vie bible et culture coups de coeurau fémininjustice socialeRencontres de foi
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Coups de coeurs
  image
Imprimer
chronique du 7 novembre 2000
 

Devine qui vient dîner

 

L'histoire raconte que, en recevant une pomme sur la tête, Newton commença ses recherches qui l'amenèrent à la découverte de la théorie de la gravitation universelle. Plusieurs siècles auparavant, ce n'est pas un gland du chêne de Mambré qui tomba sur la tête de notre père Abraham, mais trois visiteurs venant de beaucoup plus haut. Le récit de la manifestation du Seigneur Dieu à Abraham, au chêne de Mambré, est l'un des plus touchants que la Genèse ait incorporé dans le cycle d'Abraham (Gn 18, 1-15). Abraham exerce à l'égard des trois visiteurs toutes les règles de l'hospitalité sémitique.

Trois pour un

     Dieu se manifeste à Abraham dans le cadre de la vie domestique, à l'entrée de sa tente. De façon étonnante, le Dieu Très-Haut brise la distance et se fait proche des hommes. Dieu garde l'initiative de son passage. La scène a lieu dans la pleine chaleur du jour, comme la scène où Jésus rencontrera la Samaritaine (Jean 4), et cette autre où le Ressuscité rejoint les deux disciples d'Emmaüs (Luc 24, 13-35). Abraham est pleinement éveillé, contrairement à la torpeur dant la-quelle Dieu l'avait plongé pour conclure une alliance avec lui (Genèse 15). La pleine lumière du jour est toujours le moment privilégié où la foila discerne et accueille la révélation de Dieu.

     Dieu, accompagné de deux hommes, se présente à Abraham comme un étranger. Remarquons que l'auteur du récit joue sur la confusion: tantôt il est question de trois visiteurs, tantôt d'un seul. Dieu arrive comme un cheveu sur la soupe, pendant qu'Abraham vaque à ses occupations journalières. L'expérience de la rencontre de Dieu n'a pas nécessairement besoin de mise en scène grandiose; elle peut nous rejoindre dans notre milieu de vie habituel. Notons toutefois qu'Abraham est dans une situation qui le rend disponible: il est assis à l'entrée de sa tente, peut-être à regarder le temps passer ou à s'inter-roger sur son avenir.

     Abraham lève les yeux et voit trois hommes qui se tiennent debout devant lui. Ils sont étrangers, voyageurs, pèlerins, alors que lui, Abraham, a installé son campement. Dieu, puisque c'est bien l'identité que l'auteur prête à l'un des visiteurs, se présente comme celui qui a tout à recevoir, comme le fera Jésus qui demandera à boire à la Samaritaine. Dieu se laisse regarder, observer, attendant d'être reconnu et accueilli.

     Abraham engage la conversation et invite l'étranger à s'arrêter chez lui, tout en respectant sa liberté: Mon Seigneur, si j'ai trouvé grâce à tes yeux, veuille ne pas passer loin de ton serviteur (v. 3). L'élan d'Abraham est généreux. Il s'empresse de briser la distance avec son visiteur. Dieu se laisse approcher et interpeller. Il se laisse inviter et désirer. Abraham désire que Dieu s'établisse chez lui. Le geste d'Abraham indique que l'expérience spirituelle exige une prise de conscience de la présence de Dieu au cœur de notre activité quotidienne. En voulant que Dieu s'arrête chez lui, Abraham souhaite que Dieu devienne un de ses familiers.

Le désir de Dieu

      Il y a dans ce geste d'accueil d'Abraham le même intense désir que l'on retrouve chez Moïse qui veut voir la gloire de Dieu; ou chez les premiers disciples de Jésus qui veulent savoir où il demeure et qui, l'ayant suivi, demeurent auprès de lui; ou la volonté de Pierre de dresser trois tentes pour que Jésus, Moïse et Élie restent avec eux; ou le désir brûlant de Paul de saisir le Christ.

      La vie de foi porte en elle-même l'ardent désir de demeurer auprès de Dieu, de ne pas le perdre de vue, de l'accueillir chez soi. En se présentant comme un étranger sur la route, Dieu veut attirer notre attention. Il veut que nous soyons toujours en situation d'accueil et d'ouverture à sa présence. C'est une façon pour lui de nous mettre en garde contre le danger de nous habituer à lui, au point de ne plus savoir le reconnaître. Dieu préfère arriver à l'improviste. Il demeure libre de se manifester comme il le veut tout en respectant notre propre liberté. La foi se situe au point de rencontre de ces deux libertés. Dieu veut être accueilli et, ce faisant, il développe en nous le sens de l'autre.

Prendre le temps qu'il faut

     Le visiteur accepte l'invitation de son hôte. Comme on avait pas encore inventé la livraison à domicile ni les mets surgelés, Abraham se met en frais d'organiser un véritable festin. Il met toute sa maisonnée à contribution. Les préparatifs sont élaborés et ils anticipent déjà la joie de la rencontre à table. Les préparatifs ne trahissent pas seulement le sens de l'accueil, mais aussi la manière de vivre les moments importants de la vie. L'exemple d'Abraham nous indique qu'il faut prendre le temps nécessaire pour nous préparer à la rencontre de Dieu. On ne peut le faire à la sauvette, sinon la rencontre risque d'être superficielle et ne pas apporter les fruits que l'on en attend. Un tel comportement est d'autant plus difficile que nous sommes habitués à courir en tous sens. Et cela se vérifie aussi dans nos rencontres interpersonnelles. Il faut sans cesse lutter contre la tentation de faire vite. Imaginons-nous que, comme dans le cas d'Abraham, chaque rencontre de Dieu est comparable à un repas que l'on prend ensemble et pour lequel on se donne le temps qu'il faut. Dieu a be-soin de partager la nourriture de notre vie, de même que nous avons besoin de nous alimenter de sa parole et de sa présence.

 

Yves Guillemette, ptre

Chronique précédente :
La maison du Père