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Une vie en forme d'homélie
Vous connaissez, j'en suis certain, la scène inaugurale du ministère de Jésus, d'après l'Évangile selon saint Luc. Jésus, après sa retraite au désert, revient chez-lui à Nazareth. Le jour du sabbat venu, il se rend à la synagogue du village. Au cours de l'office, on faisait la lecture d'un extrait de la Torah et ensuite des Prophètes. On sait que l'extrait de la Torah, vu son caractère sacré, était d'abord lu en entier en hébreu, et ensuite dans sa version araméenne. En ce qui concerne l'extrait des Prophètes, on traduisait au fur et à mesure en araméen le texte lu dans son original hébreu. Il arrivait parfois, lors de la traduction, que l'on ajoutât de petites notes explicatives.
Après la lecture du passage prévu de la Torah, le chef de la synagogue invite ensuite Jésus à lire celui des Prophètes. C'était une coutume, lorsque l'occasion se présentait, d'inviter un rabbi de passage ou un membre éminent de la communauté, à faire cette lecture et ensuite de la commenter. Jésus reçoit donc cet honneur. Il s'exécute et proclame l'extrait d'Isaïe : L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a conféré l'onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d'accueil par le Seigneur (Luc 4, 18-19; Isaïe 61, 1-2). Vient suite le commentaire : Aujourd'hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l'entendez (Lc 4, 21).
On ne peut trouver d'homélie plus brève que celle-là. Isaïe s'adressait aux déportés qui espéraient le retour au pays après des années d'exil. Jésus actualise cette espérance en présentant sa mission comme une œuvre de libération qui conduira les êtres humains dans la maison du Père. Par analogie avec l'homélie, on pourrait dire que toute la vie de Jésus est un commentaire familier de ce passage d'Isaïe. Toute rencontre avec Jésus verra s'accomplir l'aujourd'hui de la libération offerte par Dieu à l'humanité.
Quand Jésus fait entendre un sourd, redonne la parole à un muet ou la vue à un Bartimée, rend la vie à Lazare, il permet à ces gens d'entendre la parole de salut, de proclamer les merveilles de Dieu, de voir l'action puissante de Dieu ou de goûter dès maintenant à la plénitude de la vie que Dieu réserve à tous ceux et celles qui croiront en Jésus. Ce sont là des signes de la nouveauté que Dieu apporte à l'humanité par l'amour dont témoigne Jésus.
Quand Jésus s'approche avec tendresse des pauvres et des petits, il leur fait recouvrer à coup sûr leur dignité humaine, mais il révèle surtout à ces gens le prix qu'ils ont aux yeux de Dieu. Quand Jésus suscite la conversion d'un Zachée, d'un Matthieu, d'une Marie de Magdala, il leur fait connaître l'insondable richesse de l'amour de Dieu qui ne veut pas qu'un seul de ses enfants soit séparé de lui; mais il révèle à ces personnes ce qu'elles étaient parvenues à ignorer: leur capacité d'aimer, de se donner, d'entrer en communion avec Dieu et avec les autres.
Quand Jésus enseigne les foules par des paraboles, il révèle la croissance du Règne de Dieu, la manifestation de sa miséricorde, l'universalité du salut. Chaque fois, Dieu se dit, à travers la parole de Jésus, à tous ceux et celles dont l'espérance de vie et de bonheur les pousse à s'attacher à Jésus dans la foi et l'amour. Qu'en est-il de l'aujourd'hui de Jésus dans nos vies ?
Yves Guillemette, ptre
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