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Bible et culture
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JÉSUS À L'ÉCRAN (1/6)
 

Jésus à l'écran : un défi pour les cinéastes

sources | contexte | figure | miraculeux | mort et résurrection | conclusion |

Deuxième partie : D'hier à aujourd'hui

PAR JEAN-FRANÇOIS PERREAULT
 

Sisto       Powell       Neeley


Affirmer que Jésus de Nazareth est une figure incontournable en Occident n'est sans doute pas exagéré. On ne peut nier l'impact profond que cette figure à la fois historique et mythique a eu à travers les âges. Depuis longtemps, l'art en a fait un de ses sujets privilégiés et de nombreux peintres et sculpteurs de grande renommée se sont inspirés des évangiles pour réaliser de véritables chefs-d'oeuvre. Ce courant christique a été tellement prégnant dans l'histoire de l'art occidental qu'à l'avènement du cinéma, il s'imposa presque naturellement. Des premiers temps du film muet jusqu'à aujourd'hui, on compte un grand nombre d'oeuvres cinématographiques inspirées des évangiles. L'étude de cet aspect de l'art occidental est loin d'être sans intérêt et peut même se révéler fort utile pour mesurer l'évolution de la pensée religieuse. Examinons comment la personne de Jésus et les évangiles sont traités et présentés dans les oeuvres du septième art.

Le lien avec les sources évangéliques

     La première question qu'on peut se poser concernant une oeuvre cinématographique sur « l'Homme de Nazareth » est la façon selon laquelle les évangiles sont transposés à l'écran. Avant de parler de cet aspect, disons quelques mots au sujet des écrits évangéliques. Rappelons tout d'abord que les évangiles sont un type très particulier de littérature et qu'ils ne constituent pas des biographies sur Jésus, pas plus qu'ils ne sont des récits journalistiques rapportant des éléments factuels s'étant déroulés voilà 2000 ans. Il s'agit plutôt d'un ensemble de récits dont le but est de susciter la foi chrétienne. Les évangiles canoniques, au nombre de quatre (Marc, Matthieu, Luc et Jean), sont donc des enseignements catéchétiques, très riches en récits symboliques et allégoriques. Écrits de 40 à 70 ans après la mort de Jésus, chacun des évangiles était destiné et adapté à une communauté bien précise de l'Église primitive.
 

Jésus de Nazareth       Jésus

     Partant de ces informations, l'une des première choses qu'on remarque des drames bibliques sur Jésus est la tentative faite par plusieurs réalisateurs d'harmoniser les quatre évangiles dans leur scénario. Dès l'époque du cinéma muet, dans des films comme De la crèche à la croix (Sydney Olcott, 1912) ou Le Roi des Rois (Cecil B. DeMille, 1927), on observe cet essai d'harmonisation, repris par la suite dans d'autres productions telles que Jésus de Nazareth (Franco Zeffirelli, 1977) et Jésus, la mini-série (Roger Young, 1999). Il faut admettre que les résultats d'un tel procédé sont, d'un point de vue exégétique, plus ou moins satisfaisants. Le fait de piger inconsidérément dans chaque évangile pour donner une vision éclectique de Jésus conduit immanquablement à perdre l'essentiel de l'interprétation proposée par chacun des évangélistes.
 

Enrique

     Certains cinéastes ont préféré se baser sur un évangile en particulier pour élaborer leur scénario. Ce fut le cas de Pier Paolo Pasolini dans L'Évangile selon saint Matthieu (1964). Le film de Pasolini réussit à concilier fidélité textuelle et lyrisme cinématographique et s'avère une réussite assez impressionnante.

Le baptême

La scène du baptême dans Jésus, le film (1979)

     Un autre problème qu'on peut relever dans les films sur la vie du Christ est leur traitement souvent proche du documentaire. Nous avons vu précédemment que les évangiles ne sont pas des récits biographiques ou journalistiques. Le genre narratif du drame documentaire n'est donc pas le plus approprié pour transposer la vie du Christ à l'écran. En effet, par ce procédé, tout le langage richement symbolique des évangiles est, la plupart du temps, totalement évacué du film. Ceci est très perceptible dans Jésus, le film (Peter Sykes et John Kirsh, 1979). Cette fidèle et très littérale transposition de l'évangile lucanien se présente même ouvertement dans le prologue comme un « documentaire tiré de l'évangile de saint Luc ». Le fait de transposer mot pour mot un évangile à l'écran assure certainement la fidélité textuelle mais pas nécessairement celle de l'esprit évangélique. C'est pourquoi les oeuvres bibliques qui se signalent par leur aspect poétique réussissent souvent à mieux présenter le contenu des évangiles et ce, malgré les libertés parfois prises par rapport au texte. On n'a qu'à visionner le film de Georges Stevens, La plus grande histoire jamais contée (1965), pour s'en rendre compte. La poésie et le symbolisme visuels qui se dégagent de cette oeuvre permettent un contact tout à fait unique avec l'esprit des évangiles.

Jésus et le contexte social


vers le Golgotha

Le supplicié escorté par les Romains
dans Jésus de Nazareth, 1977

     On sait que Jésus vécut et mourut dans une société juive sous occupation romaine. La brutalité et l'oppression des autorités romaines sont très bien illustrées dans beaucoup de films, au moyen d'impressionnantes parades militaires et de rangées de suppliciés en croix. Il s'agissait aussi d'une société dont l'injustice sociale était criante, les gouvernants et les propriétaires terriens s'enrichissant au détriment des plus démunis. Il y avait également une très forte ségrégation en fonction de l'appartenance et de la « pureté » religieuses. Ce contexte d'injustice et d'ostracisme n'est pas toujours très bien rendu dans les productions sur la vie de Jésus. Bien souvent, on a l'impression que les réalisateurs ont tout simplement projeté dans le film les catégories sociales de leur propre époque. Ceci est assez visible dans le drame musical Jésus Christ, Superstar (Norman Jewison, 1973) où semble être recréé le contexte social et politique des années 1970. Jésus y est d'ailleurs présenté grosso modo comme le relais des revendications sociales formulées par les jeunes des mouvements hippies.

Hérode Antipas

Hérode et Hérodiade
dans Le Roi des Rois, 1961

     Dans d'autres productions, c'est surtout la dépravation morale des hautes classes dirigeantes qui est illustrée, bien plus que les conséquences occasionnées par l'injustice sociale. Par exemple, dans Le Roi des Rois de Nicholas Ray, la cour d'Hérode Antipas (Frank Thring) est dépeinte comme une lie de pitoyables sybarites, aussi prisonniers d'eux-mêmes et de leur palais que les oiseaux le sont des cages dorées ornant la salle du trône. La plupart des films reprennent, à un degré ou à un autre, cette illustration des supposées moeurs dépravées de l'aristocratie de l'époque et ne prêtent qu'un intérêt assez mince pour les conditions des plus démunis. C'est dommage, car si on se fie aux évangiles, Jésus a eu un parti pris très net en faveur des exclus et des appauvris. Seul le marxiste Pasolini s'est un peu plus intéressé à cette dimension dans son oeuvre, L'Évangile selon saint Matthieu.

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