JÉSUS À L'ÉCRAN (6/6)
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Jésus
à l'écran : d'hier à aujourd'hui
Première partie : Un défi pour les cinéastes PAR JEAN-FRANÇOIS PERREAULT Jésus, la mini-série Pour coïncider avec les festivités du Jubilé de l'an 2000, une mini-série télévisée a été produite par l'italien Lorenzo Minoli, qui a aussi donné une « collection de films bibliques » sur des personnages du Premier Testament. Cette production, très conventionnelle, n'offre rien de vraiment nouveau sur la représentation du Christ, si ce n'est d'essayer de rendre ce dernier plus humain et plus accessible. Il y a bien certaines touches d'originalité (telles que l'illustration des trois tentations), mais le film ressasse de nombreux clichés et les excès mélodramatiques ne sont pas toujours évités. Jeremy Sisto est tout de même sympathique dans le rôle-titre et le reste de la distribution s'en tire honorablement. Jésus Ce téléfilm français,
adapté du livre de Jacques Duquesne, constitue une tentative très
intéressante de cerner le « Jésus historique »
à travers son contexte sociopolitique et culturel (le réalisateur,
Serge Moati, s'est d'ailleurs clairement exprimé à ce sujet
en disant avoir voulu dépeindre « Jésus plutôt
que le Christ »). La psychologie des personnages en lien avec
la mentalité de l'époque a été l'une des grandes
préoccupations de cette production et il y a eu un réel
souci de dépouiller le personnage de Jésus des éléments
mythiques que lui prête la tradition. Arnaud Giovaninetti interprète
le rôle de Jésus dans le ton voulu, même si, physiquement,
il correspond davantage aux canons de la beauté occidentale qu'à
l'image d'un Galiléen de l'Antiquité. L'équipe de
production et le réalisateur ont choisi de ne transposer à
l'écran que les trois dernières années de la vie
de Jésus. Cette décision s'avère très judicieuse
puisqu'elle permet de centrer l'attention sur l'essentiel du message de
Jésus et de ses actions. Par son approche à fois réaliste
et humaniste et par son désir de rejoindre les préoccupations
et les questionnements actuels, ce film invite à la réflexion
et saura sûrement en séduire plus d'un. La Passion du Christ Cette oeuvre percutante et sensationnaliste relatant les douze dernières heures de la vie de Jésus a été mise en scène par l'acteur et réalisateur américain Mel Gibson. Le scénario de ce film, de l'aveu même de Gibson, est essentiellement basé sur un récit « visionnaire » intitulé La douloureuse Passion de N.S. Jésus-Christ, publié pour la première fois en 1833. Ce récit sur la Passion aurait, semble-t-il, été transcrit par le poète allemand Clemens Brentano au chevet d'une jeune religieuse Augustine du nom d'Anne-Catherine Emmerich; cette dernière, alitée, souffrante et fiévreuse, aurait confié et dicté à Brentano ses visions sur les derniers instants de la vie du Christ. Pour vif et détaillé qu'il peut être, le récit de cet ouvrage n'en demeure pas moins constitué en bonne partie de données apocryphes en plus de témoigner d'une théologie visiblement axée sur la souffrance expiatoire, une forme de piété très en vogue à l'époque de soeur Emmerich. Ces éléments se retrouvent très clairement dans le film de Gibson et certains sont parfois amplifiés jusqu'à leur paroxysme. Le fait que le scénario soit basé sur ce recueil visionnaire explique plusieurs aspects du film, notamment les nombreuses images insistant de façon troublante sur le sang et les plaies du Christ. Bien que pouvant être très efficace sur le plan émotionnel, ce film s'avère toutefois assez décevant au niveau de la réflexion. L'essence du message évangélique y semble d'ailleurs presque complètement réduite aux souffrances et à la mort violente de Jésus. Sous certains aspects, la production n'est cependant pas dénuée d'intérêt. Par exemple, l'utilisation de langues anciennes pour les répliques est assez originale et contribue, avec les décors, les costumes et la musique, à créer une certaine ambiance d'authenticité. Dans l'ensemble, les personnages sont interprétés de façon très crédible, notamment celui de Jésus incarné par un Jim Caviezel particulièrement impressionnant. Autres incarnations
du Christ à l'écran Ben-Hur (William Wyler, 1959) Avant de terminer ce bref survol des films
bibliques centrés sur la vie ou la Passion du Christ, attardons-nous
quelques instants sur les oeuvres cinématographiques dans lesquelles
Jésus n'est pas le sujet principal mais agit plutôt comme
un support filmique. En effet, il existe beaucoup de drames bibliques
qui accordent à Jésus une place moins importante dans leur
trame narrative, mais qui réussissent tout de même à
transmettre une certaine interprétation du message chrétien.
C'est le cas notamment des films qui tentent d'illustrer l'impact du Christ
dans la vie d'un héros transformé par sa rencontre avec
lui. Cette avenue a longtemps été privilégiée
par les réalisateurs d'Hollywood pour présenter le Christ
au cinéma. Parmi les films dans lesquels le Christ est davantage
une présence symbolique qu'une figure centrale, pensons entre autres
à La Tunique (Henry Koster, 1953), Salomé
(William Dieterle, 1953), Ben-Hur (William Wyler, 1959), et Barabbas
(Richard Fleischer, 1962). Marie, mère de Jésus Une autre façon de dépeindre
le Christ à l'écran est de présenter sa vie à
travers les yeux d'un personnage qui, bien que central dans le film, est
assez secondaire dans les évangiles. Les films Marie de Nazareth
(Jean Delannoy, 1995) et Marie, mère de Jésus (Kevin
Connor, 1999), dans lesquels le rôle de Jésus est interprété
respectivement par Didier Bienaimé et Christian Bale, constituent
de très bons exemples de ce procédé. Certains films
présentent également le Christ par le biais de parallèles
avec les évangiles. Parmi ces oeuvres cinématographiques,
figure Intolérance (D.W. Griffith, 1916). Ce véritable
chef-d'oeuvre du cinéma muet raconte trois épisodes marqués
par l'intolérance (la chute de Babylone, le massacre de la Saint-Barthélémy
et une histoire moderne) en parallèle avec certains moments de
la vie du Christ (incarné par Howard Gaye). Le résultat
s'avère non seulement impressionnant mais aussi très interpellant,
puisque par cette approche, le film permet de dégager un aspect
vraiment essentiel du message évangélique. Mentionnons en terminant qu'il existe de nombreux films dans lesquels on découvre une version « sécularisée » de l'archétype du Christ. Par exemple, l'excellent drame La ligne verte (Frank Darabont, 1999) reprend les éléments propres au thème du serviteur souffrant, illustré dans Ésaïe, 53, 1-12 et associé à Jésus de Nazareth par la tradition chrétienne. Le cinéma de science-fiction est également assez prolifique sur la question du messie archétypal, comme on peut le constater dans l'article « Nous ne croyons plus au Messie? ».
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