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Bible et culture
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chronique du 4 avril 2014

 

Le Fils de Dieu : plus convaincu que convaincant

Le Fils de Dieu

Le Fils de Dieu a pris l’affiche le 24 février 2014 sur nos grands écrans. Le titre est à l’image de ce film qui ne s’embarrasse pas de nuances. Nous avons le droit à un Jésus accessible au grand public, mais où toute ambiguïté et « symbolique » sont absentes de sa bouche. Or, il suffit d’ouvrir nos bibles et de parcourir rapidement les évangiles pour se rendre compte que le Jésus du Nouveau Testament ne colle pas avec cette présentation « catéchétique ». Et tel est le problème de ce film sur Jésus : plus convaincu que convaincant.

     La grande majorité des critiques se sont emparés de ce film pour le classer parmi les navets. Le fameux Rotten Tomatoes lui a accordé un mince 22%. Avant de considérer le dialogue réel avec la Bible, il est important de considérer cette mauvaise cote. Une grande partie du problème est son histoire d’origine. Le film est la version condensée d’une série télévisée à succès The Bible de la chaîne History. Cette dernière a la prétention d’offrir un « docudrame » d’une dizaine d’heures couvrant les grands récits de la Genèse à l’Apocalypse. De là vient la surprise : comment un docudrame peut-il avoir la qualité cinématographique du grand cinéma? Est-ce le bon format pour redonner vie aux gestes et paroles de Jésus? Malgré l’effort de montage, on a droit à un « best of » précédé d’un « dans la saison précédente » avec des images des récits du Premier Testament.

     Les créateurs du film ne présentent pas une histoire proche (dans le sens scientifique) des récits de Jésus, malgré la prétention de type « documentaire ». Même si j’ai l’embarras du choix, je vous en donne deux « preuves ». D’abord, le film est tourné au Maroc. Les paysages rappellent parfois la Galilée ou la Judée, mais en toute évidence cet arrière-plan ne nous transporte pas en Terre sainte. À certains moments, des scènes se déroulent dans un paysage désertique, mais il aurait fallu plutôt un arrière-plan un peu plus verdoyant pour représenter la Galilée. Ensuite, plusieurs images rappellent des « images saintes ». Un certain nombre de fois, le Jésus du film ressemble à une « image sainte » où le Jésus a un rayonnement divin et une attitude suraffectueuse. En voyant la scène suivant la crucifixion, le corps de Jésus dans les bras de Marie rappelle immanquablement la Mater Dolorosa de Michel-Ange. Ces allusions fréquentes à la culture religieuse populaire, autant dans la représentation des scènes que le jeu des acteurs, sont plus marquantes que la proximité aux textes bibliques ou à la culture de l’époque. La comparaison est peut-être trop forte et trop dure, mais j’oserais dire que le spectateur a plus un livre à colorier sur la vie de Jésus que la Bible devant les yeux.

Jésus

     Le personnage de Jésus suscite les plus vives critiques. L’acteur Diego Morgado propose un Jésus à l’aura divine. Certains l’auront comparé à un Californien, un hippie, un magicien. La ligne narrative ne lui rend d’ailleurs pas service : les récits bibliques choisis focalisent sur les récits de miracle, ainsi que la tension croissante entre Jésus, les pharisiens et le grand prêtre. Or, dans la Bible, les miracles de Jésus sont comparativement sobres et peu détaillés; à comparer plusieurs textes de l’époque et l’économie des mots des récits bibliques, on sent que les évangélistes souhaitent nous centrer sur Jésus et son message. Dans le film, c’est tout autre : le miracle est de type « spectaculaire » et le thème du pouvoir est un véritable fil conducteur. Dans un exemple parmi tant d’autres, dans la scène de la « résurrection » de Lazarre, le Jésus du film ne se contente pas de rester à l’extérieur du tombeau, mais entre et touche Lazare. Pour un bibliste, ce qui est surprenant est l’émotion de Jésus qui transparait après le retour à la vie de Lazare et non avant (voir Jn 11,17-44). L’importance du miracle dans le film, le « toucher » constant dans les miracles et la réaction de Jésus suite au miracle, tend vers une représentation de Jésus plus divin et « tout-puissant ».

     L’autre grande faiblesse est le script du film. Les auteurs ont pris à de nombreuses reprises la liberté d’actualiser le langage ou de créer des échanges. C’est louable! Pour tous ceux que la Bible est inaccessible et obscure, le film sera un vent de fraîcheur à ce niveau. Il est toutefois possible de remarquer la radicalisation du langage à travers une trop grande simplification. La complexité de l’interprétation des textes bibliques est esquivée. À remarquer : le thème du pouvoir, la destruction du temple, le rapport à l’argent.

     Pour le grand public du film par contre, l’appréciation peut être tout autre. Même s’il y a de profondes réserves sur la correspondance au Jésus de la Bible, il est possible d’admettre du point de vue de la foi une expérience enrichissante. Suite au visionnement du film, il faut se risquer : ouvrir la Bible et parcourir ces grands récits sur Jésus.

Julie Tanguay

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