La Descente aux enfers. Icône de tradition byzantine, tempera sur bois, écrite de la main de Luc Castonguay.

La Descente aux enfers : premier pas vers la vie renouvelée

Luc CastonguayLuc Castonguay | 22 avril 2019

Il y a trois appellations pour cette icône pascale : la Descente aux enfers, le Relèvement ou Anastasis (le Réveil). Pour la célébration de l’octave de Pâques, l’iconographie orthodoxe ne montre pas Jésus sortant du tombeau. Elle le fait voir ressuscité, resplendissant, brisant les portes de l’enfer. « Je fus mort et voici, je suis vivant pour les siècles des siècles, détenant la clef de la mort et de l’Hades. » (Ap 1,18)

Un peu d’histoire

On dit que cette croyance du passage de Jésus au royaume des morts, l’Hades en grec, est apparu très tôt dans l’histoire de la chrétienté, vraisemblablement vers le IIe siècle [1]. Ce lieu n’avait pas la signification qu’on lui donne maintenant. Croire que Jésus soit descendu aux enfers, n’a rien d’étonnant Ce qui est extraordinaire c’est qu’il y fut relevé par Dieu. On le confesse dans le credo des apôtres adopté au VIIe siècle. Chose curieuse, c’est dans un évangile apocryphe du IVe siècle, l’évangile de Nicodème ou Actes de Pilate, qu’on fait la plus longue description de la descente du Christ aux enfers. C’est ce qui a inspiré d’ailleurs l’atmosphère de cette icône. Ici, la représentation a comme modèle une icône du XVe siècle de l’école de Novgorod.

Un peu de technique

Dans les christophanies qui suivent la résurrection, l’iconographie rhabille le Christ d’un habit blanc étincelant, délaissant sa robe rouge (pourpre) et son manteau bleu-vert qui sont les couleurs des vêtements de Jésus « vrai homme ». Pour jouer avec les mots, on peut dire que la résurrection change le Christ. En fait on peut lire dans les évangiles que plus personne ne le reconnaissait, ni Marie Madeleine ni les disciples d’Emmaüs. Mais contrairement aux récits bibliques, dans sa représentation iconographique, malgré sa transformation profonde, il reste facilement reconnaissable.

Dans cette icône on voit donc Jésus, sujet central, dans sa robe blanche et/ou dorée resplendissante, entouré d’une mandorle, symbole de gloire et de majesté. « Il apparaît en enfer non pas comme son captif, mais comme son vainqueur, le libérateur de ceux qui étaient emprisonnés, non pas comme un esclave mais comme le Maître de la vie [2]. »  Parmi les autres personnages, il y a Ève habillée en rouge vif et Adam que Jésus tire de leurs tombeaux par la main. Nos premiers parents symbolisent ici l’humanité entière en attente de la résurrection. Sont aussi représentés à l’arrière Jean-Baptiste qui le désigne de sa main, les rois David et Salomon, le prophète Daniel et plusieurs autres.

Les deux anges au-dessus du Christ portent, dans leurs mains couvertes, les supplices de sa passion : la croix, les lances, les clous. En dessous complètement, on se rend bien compte que les portes du gouffre ont été défoncées. On aperçoit dans le noir des serrures, des clefs, des ressorts, bref tout a été cassé, tout a été brisé : « Les portes de bronze se fracassèrent, et les barres de fer se rompirent et tous les morts furent déliés des chaînes qui les retenaient, et nous avec eux. Et le roi de gloire entra, sous l’aspect d'un homme, et les ténèbres de l’enfer devinrent éblouissantes. » (Actes de Pilate 21,3) La libération est commencée. La descente aux enfers symbolise l’abaissement suprême du Christ avant son relèvement.

Sur les grandes icônes et celles qui n’ont que peu de personnages, on verrait les inscriptions de leur nom dans le but d’aider les fidèles à les identifier. Mais dans les icônes de petites dimensions, on doit toujours inscrire selon la tradition les abréviations grecques du Christ et de sa Mère Marie. Notons que les autres inscriptions sur l’icône peuvent être écrites en latin, en grec ou en langues vernaculaires. Dans le cas précis de cette icône, nous avons au-dessus de l’auréole du Christ le monogramme IC XC qui est l’abréviation grecque de son nom Jésus Christ. Le nom propre de l’icône est en français « Le Relèvement ». Le nom de la personne ou de la représentation peinte est comme un baptême, « elle investit l’icône d’une présence [3] ».

Dans toute icône, chaque détail, chaque couleur, chaque personnage, chaque ligne de vêtements, d’architecture et d’accessoires a son importance et son symbolisme. Autre détail sur cette icône, la grande bordure et le fond de l’icône est dorée à la feuille d’or véritable. Mais la toute dernière bordure sur toutes les icônes est toujours rouge et symbolise la présence de l’Esprit Saint. De plus dans les icônes, il n’y a jamais d’ombre. C’est que dans les icônes, la lumière émane de l’intérieur des personnages. Nous sommes dans une autre dimension de l’être et de l’espace.

Un peu de théologie

« Tu es descendu dans les abîmes de la terre, ô Christ, Tu as brisé les portes éternelles qui emprisonnaient ceux qui étaient enchaînés, et comme Jonas après trois jours dans le ventre de la baleine, Tu T’es relevé de la tombe. [4] »

Le moment représenté par cette icône est l’aube de Pâques, l’instant où la lumière jaillit et resplendit. C’est aussi la rencontre des deux Adam qui symbolise la possible résurrection de l’homme, la vie éternelle dans le Christ. Chaque chrétien peut dire : « Mort où est ta victoire. » (1 Co 15,55) On voit la main de Jean Baptiste désignant le Christ, ce qui nous confirme qu’on en est plus au questionnement « es-tu celui qui doit venir ? » (Mt 11,3) On est passé à la reconnaissance : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde. » (1,29)

Comme sujet artistique, la descente aux enfers, a souvent été traitée en occident dans des fresques, des mosaïques et des peintures religieuses des Églises chrétiennes. Mais l’iconographie de l’Église orthodoxe lui accorde une puissance, une importance et une intensité particulière en l’incluant dans sa liturgie. Disons en terminant que Pâques est la plus grande fête chrétienne qui se situe au centre de notre foi, de notre espérance et de la charité.

Luc Castonguay est iconographe et étudiant au Baccalauréat en théologie à l’Université Laval (Québec).

[1] Larry W. Hurtado, Le seigneur Jésus Christ. La dévotion envers Jésus aux premiers temps du christianisme, Paris, Cerf, 2009, p. 654.
[2] Daniel Rousseau, L’icône, splendeur de ton visage, Paris, Saint-Paul, 1994, p. 192.
[3] Michel Quenot, L’Icône, Paris, Fides, 1987, p. 108.
[4] Daniel Rousseau, L’icône, splendeur …, p. 192.

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