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Au féminin
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chronique du 4 mars 2005
 

Agar la mère « porteuse »

Agar

Agar, mère d'Ismaël
Gertrude Crête, SASV
encres acryliques sur papier, 2000
(photo © SEBQ) 

Lire Genèse 16 et 21, 8-20

Abraham reçoit la promesse d'une grande descendance (Gn 15) alors que sa femme, Sara, est stérile. Il faut se rappeler qu'à l'époque les femmes ne sont reconnues qu'à la condition de mettre au monde une descendance masculine afin de perpétuer le nom du père. Sara a donc recours à une manière indirecte d'obtenir un garçon : elle fait appel à une de ses servantes, Agar, une égyptienne, pour qu'elle conçoive un enfant avec Abraham. Par la suite, Sara l'aurait adopté comme étant son propre fils. Ce recours était approuvé dans plusieurs cultures du Proche-Orient ancien. Par analogie et en établissant avec prudence certaines correspondances, nous pourrions dire qu'Agar était une mère porteuse pour un couple : celui d'Abraham et de Sara (Gn 16,1-2).

     Sa condition de future mère, dans une société patriarcale, confère à Agar un prestige et une certaine liberté. Sara réagit fortement à cela au point où Agar doit fuir dans le désert pour échapper à de mauvais traitements (Gn 16,3-6). Dans le désert, Dieu intervient auprès d'Agar. Il se manifeste directement à elle et l'invite à retourner auprès de sa maîtresse, ce qu'elle fait. Cependant, pour protéger Agar des abus de Sara et pour lui reconnaître une certaine dignité, Dieu fait à Agar, une femme, la même promesse qu'à Abraham : celle d'une descendance nombreuse! Dieu transgresse ainsi les lois sexistes infériorisant les femmes, les invalidant implicitement. Ce faisant, il libère les femmes d'une situation d'assujettissement.

     Par ailleurs, il est intéressant de constater que ce passage biblique est le premier où Dieu apparaît à une femme. C'est également un des rares textes bibliques où une femme donne un nom à Dieu (El- Roï : Dieu des visions) lors d'une expérience spirituelle. La suite nous informe qu'Agar donne naissance à Ishmaël (ce nom signifie : « Dieu a entendu » parce qu'il a entendu la détresse d'Agar) (Gn 16,7-14).

     Mais les déboires d'Agar ne se terminent pas là. Une autre tradition biblique nous raconte que Sara, craignant qu'Ishmaël hérite à la place d'Isaac (Gn 21, 8-10), demande à Abraham de renvoyer Agar et son jeune fils. Avec tristesse mais néanmoins réconforté par la parole divine, Abraham renvoie Agar et l'abandonne (Gn 21,12-14).

     À nouveau seule dans le désert avec le jeune Ishmaël, Agar se sait condamnée car elle se retrouve sans l'appui d'un homme donc sans identité et sans protection dans cette société. Désespérée, elle se met à crier et à pleurer. Dieu entend toujours ces cris et cette détresse. Il lui donne le courage et l'espérance en offrant à Agar les possibilités de survivre par elle-même. Par conséquent, Dieu reconnaît pleinement une identité et un statut à Agar se situant totalement hors des normes d'une société patriarcale. Dieu jette ainsi les assises d'une société égalitaire. C'est toute une révolution!

     Ces deux traditions bibliques nous rappellent que Dieu se solidarise avec des personnes exclues peu importe leur statut social ou matrimonial comme ce fut le cas pour Agar. Cette attitude divine nous invite également à nous solidariser avec les femmes dont la condition sociale, trop souvent précaire, ne correspond pas toujours aux normes en vigueur dans l'Église et dans la société. Dieu nous convie ainsi à construire, avec ces mères et leurs enfants, le Règne de vie, de justice, d'équité, d'égalité et d'amour.

     Si Agar peut être perçue par nos normes contemporaines et occidentales comme une « mère porteuse », elle assure, selon les coutumes sémites, une possible descendance à un couple stérile. Certes, sa situation s'est grandement précarisée mais nous observons, dans les passages bibliques, un véritable retournement : d'une situation sans issue, l'émergence de l'espérance au cœur même de la détresse, une espérance qui ouvre à de nouveaux horizons, à la fécondité de la vie. Ainsi, Agar devient le prototype de toutes les femmes qui, ne correspondant pas aux valeurs dominantes, deviennent des réelles « mères porteuses », d'amour et de chemins inédits de vie.

Patrice Perreault

Chronique précédente :
Un Dieu en quête d'asile

 

 

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