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chronique du 1er décembre 2006
 

Une Parole que l’on porte et qui nous porte...
 

Tout a été dit sur l’évangile de la naissance de Jésus... que peut-on ajouter? Une pratique. La pratique de la manducation de la Parole comme voie de proximité et de communion avec le Vivant offert au plus près de nous. « Et Marie retenait toutes ces paroles... » (Lc 2,19)

Écouter Lc 2,19 (mp3)  •  Lire Luc 2,1-20

     Dans l’évangile de Noël, nous entendons que Jésus naissant est couché dans une mangeoire... Ceci n’est pas un simple détail pour embellir le décor de la nativité ou pour nous rendre la scène plus concrète et attendrissante... La triple répétition de ce détail qu’est la mangeoire (Lc 2,7.12.16) nous amène sur une piste beaucoup plus profonde et féconde : Luc situe celui qui naît à la place de la nourriture.

Qu’est-ce que cela nous dit de Jésus?

     Que dans sa simplicité désarmante, il est présence nourrissante au plus près de nos réalités, dans le creux de nos mangeoires. Il est pain vivant offert à notre faim du Vivant. Non seulement se fait-il l’un de nous, au plus bas de l’échelle humaine, mais nous invite-t-il aussi à une intimité rare : celle qu’il nous est donnée de vivre dans les moments de grande fragilité, les moments où nous risquons d’abaisser toute résistance, les moments où nous franchissons nos espaces confortables et sécurisés pour nous approcher et nous ouvrir au non-prévu, au réel... au Réel tel qu’il se présente, là, palpitant de vie et hautement vulnérable. Le Christ naissant nous ouvre un espace de communion et d’intimité inégalée.

Il ne s’impose pas, il est là... tout simplement... Et nous?

     On peut bien regarder la scène de l’extérieur. On peut bien se la rappeler et la célébrer... Si nous ne mangeons pas, si nous n’ouvrons la bouche et ne laissons entrer en nous-mêmes le Vivant qui se donne dans sa fragilité autant que dans sa vitalité, nous resterons sur notre faim et dirons... « Et puis après? Qu’est-ce que ça change, Noël?” Un bébé, je vous dis que ça change tout dans une vie ! Sauf si je le laisse à la porte de ma maison.

Franchir un seuil...

     Franchir un seuil et faire entrer en soi-même le Verbe fait chair, manger la Parole telle qu’elle s’incarne... Cette invitation trouve appui dans le texte même de Luc de deux manières :

1. En mettant en scène une mangeoire au tout début de la vie du Christ, Luc jette un pont symbolique vers le dernier repas de sa vie. De même qu’à sa naissance Marie a déposé Jésus dans une mangeoire, ainsi à son dernier repas, Jésus se donne à manger aux siens, dans un moment de grande intimité : « Ceci est mon corps qui est donné pour vous... » (Lc 22,19). Un autre détail commun aux deux textes vient appuyer leur lien : pendant les préparatifs de la dernière cène, Luc prend soin de situer ce moment intensément désiré par Jésus dans un lieu qu’il nomme par un mot identique à celui qu’il a utilisé dans le récit de la naissance. Ce mot - salle-d’hôtes, en grec : kataluma - n’est employé nulle part ailleurs dans l’évangile de Luc (Lc 2,7 et 22,11 uniquement). Un pont très significatif est donc jeté, nous invitant à nous nourrir de Celui qui est Parole avant même de pouvoir parler.

2. En mentionnant comment Marie recueille en elle la parole des bergers, qui est pour elle une parole-événement [1], Luc nous invite à la même attitude réceptive. Cette attitude est soutenue par une pratique sous entendue dans la formulation du texte. Quand l’écrit est rare, si on veut retenir un événement avec ce qu’on en saisit, si on veut garder ouvertes les portes du mystère qu’on pressent, on mange la ‘parole liée à l’événement’ et on la repasse dans son coeur-mémoire... L’évangile de la nativité dit de Marie qu’elle « retenait (ou : gardait-avec-soin) toutes ces paroles-événements en les repassant (ou : en les rencontrant-sans-cesse) dans son coeur » (Lc 2,19). Une note de la TOB explique que dans l’Ancien Testament, une formulation semblable indique que le dépositaire de la révélation garde celle-ci pour l’avenir. Cet acte intérieur de ‘conservation et de remémoration’ du message reste ouvert au sens à découvrir par la vie, par l’à-venir. Marie pratiquait donc ce qu’il est coutume de faire dans un milieu de tradition orale : recueillir avec soin, repasser, murmurer et méditer la Parole-événement.

Une Parole que l’on porte et qui nous porte...

     Une parole qu’on s’incorpore comme on mange le pain qui donne la force d’avancer. Rien d’instantané, pas du fast-food, plutôt du slow-food. L’Avent est à nos portes... Vais-je laisser la Parole franchir le seuil de ma maison? Vais-je la laisser entrer, bouchée de souffle par bouchée de souffle? La porter, la bercer, la fredonner, la prendre précieusement avec moi? Cette Parole qui finit toujours par nous porter... en Avent [2].

« En toute vigilance garde ton cœur
car de lui dépendent les issues de vie ! »
Écouter Proverbe 4, 23 (mp3)


Méditatif biblique à écouter (mp3)

Louise Bisson *
Sherbrooke


* L’auteure est fondatrice de l’Association canadienne du récitatif biblique (ACRB). Cette réflexion s’inspire de ce qui est vécu au sein des réseaux de personnes qui, à la manière de Marie, pratiquent la vigilance du coeur en mémorisant la Parole de façon à la faire pénétrer jusque dans les couches les plus profondes de l’être. Dans cette pratique aussi ancienne que nouvelle, la parole intensément portée dans le coeur sécrète une sève vivante, savoureuse et créatrice... La circulation invisible de cette sève crée des liens au fil de la vie, déploie ce qui veut croître (individuellement autant que collectivement) et jette des ponts vers les événements-parlants qui donnent relief et unité à toute vie humaine. Voir le site www.RecitatifBiblique.com

Notes

[1] Parole-événement : dans la mentalité biblique, une parole abstraite, qui ne serait faite que de mots, n’existe pas; la parole est liée à la réalité. En hébreu, le mot dabar signifie aussi bien l’événement que la parole. Quand on lit ce mot, on sait tout de suite qu’il est question d’un événement-parlant ou d’une parole-événement. Pour éviter la lourdeur de cette expression, certaines traductions optent pour le mot ‘chose’ : « Et Marie retenait toutes ces choses... »

[2] Avent : du latin ad-ventus, arrivée; ad-venire, arriver. Temps privilégié pour pratiquer la garde du coeur, pour garder l’espace-mémoire actif et ouvert sur ce qui ad-vient.  

Chronique précédente :
Le parfum de la démesure (Jean 12, 1-8)

 

 

 

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