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chronique du 26 novembre 2010
 

Marie de Magdala : un modèle de disciple

Marie de Magdala

Marie de Magdala
Gertrude Crête, SASV
encres acryliques sur papier, 2000
(photo © SEBQ) 

Dans le christianisme, une seule autre figure féminine revêt une importance aussi considérable que celle de Marie, mère de Jésus. Il s’agit de Marie du village de Magdala. Étymologiquement, Marie, Myriam, dont la racine égyptienne signifie « aimer » est très populaire au premier siècle de notre ère [1]. En Occident, le personnage de Marie de Magdala a nourri considérablement l’imaginaire, en particulier celui des hommes! Elle a été dépeinte comme une femme vivant une sexualité jugée excessive qui s’est repentie après la rencontre avec Jésus de Nazareth. Est-ce bien le cas?

Un personnage méprisé

     Cet amalgame entre une femme à une sexualité pleinement libre et le personnage de Marie de Magdala provient d’une méprise entre des personnages féminins néotestamentaires. Ainsi, Marie de Magdala a été confondue avec Marie de Béthanie qui a oint les pieds de Jésus en Jean (Jn 12,1-11), la « pécheresse » en Luc (7,36-50) et la femme « adultère » du quatrième évangile (Jn 8,1-11). Le lien entre une sexualité libre et Marie de Magdala s’est constitué à l’époque patristique (dès saint Augustin) et médiévale où une relecture moralisatrice de Lc 8,2 a consacré cette image de Marie de Magdala comme pécheresse. Cette interprétation s’appuie sur la guérison opérée par Jésus à son endroit (Il l’aurait soignée de sept démons). Dans une culture androcentrique et misogyne, cela ne pouvait qu’équivaloir à une pratique lubrique et débridée de la sexualité hors du contrôle des hommes [2]! Cette représentation de Marie de Magdala renforce, en Occident, l’infériorisation des femmes. Celles-ci étaient associées à la corporéité et conséquemment au péché comme le résume Élisabeth Moltan :

L’image artificielle de Marie-Madeleine avait pour but de révéler les besoins moraux, mais son histoire ne pouvait plus être lue sans être gravement déformée. […] La théologie de l’Europe occidental a, de manière erronée et sans aucune ambiguïté, situé le péché dans le corps humain et tout particulièrement dans le corps de la femme […] Avec cette manière de la dépeindre [une grande pécheresse repentie] s’est introduit un autre glissement fatal : la pénitence de Marie-Madeleine est devenue le modèle exemplaire proposé aux chrétiens pour faire le lien entre l’âme et le corps. L’existence matérielle, corporelle, est condamnée au profit de celle de la nature transcendante qui est glorifiée : l’assujettissement de la chair et le triomphe de l’âme sont célébrés. [3]

     Ainsi Marie de Magdala est devenue la figure emblématique de ce dualisme qui a marqué et qui conditionne toujours le regard occidental sur le monde et les relations entre les femmes et les hommes. Le film de Mel Gibson, La Passion du Christ, l’illustre de façon navrante.

Une disciple exceptionnelle

     Or, l’allusion aux sept démons (Lc 8,2; Mc 16,9) fait davantage référence à une maladie qui a failli terrasser Marie de Magdala. Rien dans ce passage biblique peut laisser présupposer une quelconque dimension de la sexualité. En d’autres termes, elle a été guérie d’une maladie qui menaçait sa vie.

     Par ailleurs, il est intéressant de constater que Marie de Magdala est nommée en premier dans la liste des femmes accompagnant Jésus (Lc 8,2). Le fait qu’elle soit nommé en premier lieu laisse présager qu’elle pouvait jouir d’une certaine révérence et donc d’une autorité à titre de disciple à l’instar des Douze. L’auteur de l’évangile de Luc décrit la condition de disciples de Jésus (Lc 8,1). Or, le verset subséquent décrit les femmes en des termes similaires (Lc 8,2). Les femmes apparaissent donc comme des disciples à part entière.

     Le personnage de Marie de Magdala occupe une place importante dans certains passages évangéliques. Par exemple, ils décrivent que Marie de Magdala était présente au pied de la croix et à l’ensevelissement (Mt 27,55-56; Mc 15,40-41; Lc 23,49; Jn 19,25). Sur le plan théologique, les récits de la crucifixion représentent les plus anciens matériaux formant la base de la tradition évangélique. Ces passages dévoilent que très tôt dans la tradition chrétienne, Marie de Magdala, représente un personnage important, attachée à Jésus, au point où cette dernière était prête à prendre des risques personnels considérables. En effet, s’afficher ainsi pouvait entraîner de terribles conséquences en étant associée à un personnage séditieux [4].

Marie de Magdala dans les traditions chrétiennes

     De plus, la figure d’autorité de Marie de Madgdala s’avère explicite dans les premières communautés chrétiennes comme le laisse entendre le texte de Jn 20,14-18. À l’instar de Pierre ou de Jean, elle bénéficie d’une christophanie. Tout autant pour la tradition que pour le rédacteur, la mention de Marie de Magdala, lors d’une apparition, illustre la reconnaissance de son autorité aussi importante dans certaines communautés chrétiennes que celle de Pierre et de Jean quel que soit l’historicité de l’événement et de sa portée grandement catéchétique [5].

     Au cours des siècles ultérieurs, la figure de Marie de Magdala occupe un espace non négligeable dans l’univers chrétien. Dans certaines communautés gnostiques, la figure de Marie de Magdala occupe le premier rôle chez les disciples (voir la Pistis Sophia ou l’Évangile selon Marie[6]. Par la suite, différentes légendes ont relaté les voyages missionnaires de Marie de Magdala dans le monde romain. À l’époque médiévale, des récits racontent comment des régions de la France ont été évangélisées par Marie de Magdala [7]. Dès le début de la tradition chrétienne, Marie de Magdala est décrite comme une missionnaire fort active. Bien que l’historicité de ces hagiographies se révèlent fort peu probable, elles mettent en relief l’importance de la figure de Marie de Magdala dans la culture chrétienne.

Conclusion

     S’il importe de rectifier certains éléments péjoratifs de la tradition face à la figure de Marie de Magdala, elle peut toujours créer un nouveau regard quant à la corporéité et à la sexualité. En effet, ce personnage peut symboliser un rapport intégrateur face à la dimension corporelle comme lieu fondamental de la spiritualité et de relation à Dieu.

     Comme personnage féminin ayant pu exercer une certaine autorité, Marie de Magdala révèle, pour les communautés actuelles, qu’il s’avère possible de vivre l’exercice d’un ministère partagé en toute égalité (voir Prisca et Aquila (Rm 16,3). En somme, Marie de Magdala est un personnage symbolique toujours important au sein de la tradition chrétienne. Elle inspire, plus que jamais, un accueil, une confiance et une ouverture face à la vie et à la divinité. Elle représente un modèle à imiter dans notre monde contemporain. N’est-ce pas là son plus grand témoignage?

[1] Catherine Barry, « Marie-Madeleine et ses compagnes » dans Marie-Andrée Roy et Agathe Lafortune, (dir.), Mémoires d’elles. Fragments et spiritualités de femmes, Montréal, Médiaspaul, p. 13.

[2] , Montréal, Fides ; Paris, Cerf, 1984, pp. 26-27.

[3] E. et J. Moltmann, Dieu, homme et femme, pp.  27-28.

[4] Dorothee Soëlle, On Earth as in Heaven. A liberation Spirituality on Sharing, Louisville, Westminster, John Knox Press, 1993, pp. 24-25.

[5] Pour un examen de ce passage voir Odette Maiville, Les christophanies du Nouveau Testament. Historicité et théologie, Montréal, Médiaspaul, 2008, pp. 166-172.

[6] Catherine Barry, « Marie-Madeleine et ses compagnes », p. 15.

[7] Catherine Barry, « Marie-Madeleine et ses compagnes », p. 17.

Patrice Perreault

Lire aussi :
Regard sur les personnages féminins de La Passion du Christ

Chronique précédente :
Ruth : une fidélité indéfectible

 

 

 

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