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Justice sociale
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chronique du 27 février 2009
 

Le revirement de Paul de Tarse

caricature

La conversion de saint Paul sur la route de Damas
Michelangelo Merisi, dit « Le Caravage », c. 1600

Actes des Apôtres 26, 1-21

Paul plaide sa cause devant le roi Agrippa, avant d’être envoyé à Rome pour son procès.

« Roi Agrippa, je m’estime d’autant plus heureux de me défendre, aujourd’hui en ta présence, de tout ce dont m’accusent les juifs que tu connais l’ensemble de leurs coutumes et de leurs controverses. Je te prie donc de m’écouter patiemment. Aucun juif n’ignore la conduite que j’ai suivie, dès mon enfance, à Jérusalem, au sein de ma nation. Me connaissant de longue date, ils peuvent, s’ils le veulent, témoigner que j’ai pratiqué notre religion dans sa plus stricte observance, en pharisien.

Et voilà que je suis jugé pour espérer en la promesse que Dieu a faite à nos pères. Cette espérance pour laquelle les juifs m’accusent, sire, est celle que nos douze tribus, rendant nuit et jour un culte ardent à Dieu, espèrent atteindre. Ainsi, parmi vous, on jugerait incroyable que Dieu réveille les morts? J’avais jugé bon de combattre par tous les moyens le nom de Jésus le Nazôréen. C’est ainsi que j’ai agi à Jérusalem. Investi par les grands prêtres, j’ai emprisonné nombre de saints et approuvé leur exécution. Dans toutes les synagogues, pour les punir, je les ai souvent contraints à blasphémer et, dans ma rage contre eux, je les ai pourchassés jusque dans des villes étrangères. C’est donc à cette occasion que je suis allé à Damas, doté des pleins pouvoirs et de la procuration des grands prêtres.

Au milieu du jour, en chemin, sire, j’ai vu, venant du ciel, une lumière plus éclatante que le soleil et dont la brillance nous enveloppait, moi et mes compagnons de route. Tous, nous étions tombés à terre lorsque j’entends une voix me dire en hébreu : « Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu? Quel mal tu prends à ruer sous l’aiguillon ! » Je demande : « Toi, qui es-tu? » Le Seigneur répond : « Moi, je suis Jésus, celui que toi, tu persécutes. Lève-toi ! Mets-toi sur tes pieds ! Si je te suis apparu c’est pour t’instituer serviteur et témoin de ce que tu viens de voir et de ce que tu verras quand je t’apparaîtrai. Je t’arracherai du peuple et des étrangers vers lesquels je t’envoie pour leur ouvrir les yeux, pour les porter de l’obscurité vers la lumière, du pouvoir de l’Adversaire vers Dieu. Qu’ainsi, par leur confiance en moi, ils soient libérés de leurs fautes et reçoivent un héritage parmi les sanctifiés. »

Depuis lors, roi Agrippa, je n’ai pas désobéi à cette vision céleste. Aux gens de Damas, d’abord, puis à ceux de Jérusalem, dans toute la Judée, et aux autres peuples, j’ai fait cette annonce : « Pensez autrement, revenez vers Dieu en accomplissant des actes dignes de cette nouvelle pensée. »

Deux autres récits de la conversion de Paul se retrouvent dans les Actes des Apôtres au chapitre 9, versets 1 à 19 et au chapitre 22, versets 6 à 16.

La conversion de saint Paul

     En cette année consacrée à saint Paul, l’apôtre des nations, il est opportun de réfléchir à sa conversion. Quand nous disons « conversion » nous pensons d’abord à quelqu’un qui change de religion suite à une propagande faite par des adeptes de cette dernière. Paul ne s’est pas converti à une autre religion. Tout comme Jésus il a été un juif croyant et pratiquant. Le Dieu qu’il adore sera toujours le Dieu des Pères, YHVH qui s’est révélé à Moïse.

     On ne peut parler non plus du passage d’une vie de débauche à une vie morale. Paul est un croyant fervent qui pratique sa foi par un attachement à la Torah et à toutes les prescriptions morales et rituelles de sa foi. « J’ai pratiqué notre religion dans sa plus stricte observance, en pharisien. »

Qui est ce Paul? 

     Pablos est son nom grec, mais Dieu l’appelle de son nom hébreu, Saoul. Il est de Tarse, une belle grande ville portuaire de la Méditerranée située sur la route de Rome vers l’Orient dans la Turquie actuelle. Membre de la communauté juive locale, il est élevé dans l’observance stricte des lois et coutumes de son peuple. Il reçoit son initiation aux Écritures dans sa famille, puis à l’école rabbinique ; il est ensuite envoyé à Jérusalem étudier auprès du maître pharisien Gamaliel où il deviendra un zélé, un fervent, un inconditionnel de la religion, un légaliste intransigeant.

     Son père lui a transmis le statut de citoyen romain, ce qui suppose un milieu aisé, car ce privilège s’achetait à grand prix. Cela faisait de lui un homme habilité à participer à la direction de la cité : la démocratie ne concernait que les citoyens romains : les esclaves, les affranchis et les étrangers en étaient exclus

     Tisseur de tente, Paul aura appris le métier dans l’entreprise familiale dès l’âge de 13 ou 14 ans. Sans doute était-il destiné à remplacer le père à la tête cet atelier. Il est un jeune homme de l’élite destiné à jouer un rôle de leader dans sa communauté. A 28 ans, à Jérusalem, il se voit confier la mission de réprimer la secte des chrétiens par les grands prêtres du Temple. Son intolérance le pousse à tuer, à torturer, à emprisonner : un blasphémateur, un insulteur, un persécuteur selon ses propres mots. C’est durant une mission à Damas, située à plus de deux cents kilomètres, où il allait débusquer des disciples de Jésus qu’il vécu un revirement complet…

En quoi Paul est-il reviré?

     La rencontre de Jésus lui fait prendre conscience que toute cette observance prescrite par la religion est un poids insupportable et invivable. On ne se gagne pas l’amour de Dieu avec des pratiques ou des rituels. Le salut est gratuit, et en Jésus, l’amour de Dieu est offert gracieusement à tous et toutes, citoyens et esclaves, hommes et femmes, riches et pauvres, juifs et autres nations. Le bouillant Paul décrit sa conversion comme une chute brutale : « Tu m’as maîtrisé et tu m’as jeté à terre. » (Jérémie 20,7) « J’ai été saisi moi-même par le Christ. » Son monde s’écroule, il est aveuglé par cette lumière insupportable.

     Paul avait été formé à Jérusalem, le centre du judaïsme; il dirigeait un détachement armé qui pourchassait les chrétiens dans toutes les synagogues, doté des pleins pouvoirs et de la procuration des grands prêtres. Le temple de Jérusalem était, prétendait-on, la résidence de la Gloire divine, le centre du monde. Il comportait des murs qui séparaient les purs des impurs. Une cour pour la populace et les étrangers, avec les bœufs, les moutons et les colombes, puis un parvis réservé aux femmes et aux enfants israélites, ensuite toujours plus élevée, une cour réservée aux hommes d’Israël et enfin sur le palier supérieur, un parvis pour les prêtres. Cette religion patriarcale excluait étrangers, malades, handicapés, femmes et enfants. Le temple était dirigé par des grands prêtres nommés par l’empereur, des familles de l’aristocratie, grands propriétaires terriens, qui avaient converti l’endroit en une caverne de bandits. Jésus et après lui, Étienne avaient souhaité et annoncé la fin d’un tel temple qui rendait Dieu inaccessible et c’est Paul en personne qui avait présidé à l’exécution d’Étienne.

     Or maintenant il était envoyé annoncer le salut aux nations non juives. Sa mission sera d’annoncer la libération de la Loi de Moïse et la réalisation de la promesse faite aux ancêtres : toutes les nations ont accès au Dieu libérateur. Les mille et une barrières que les religions élèvent entre les humains et la divinité venaient de tomber. Et son revirement sera tellement radical qu’il sera désormais persécuté par ses coreligionnaires. Lui, homme de l’élite, l’apôtre des nations, travaillera toute sa vie, jour et nuit, pour gagner sa pitance et ne pas être à charge de personne. Il fera du travail manuel un mode de vie, s’identifiant ainsi aux salariés et aux esclaves. Sa dégringolade sociale sera assumée comme une imitation de Jésus. « Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ.

     La conversion de Paul est précisément ce qui peut nous inspirer en cette époque de crise profonde de la religion chrétienne. Dans son livre Le Christ philosophe, Frédéric Lenoir écrit : « L’Évangile a continué d’être annoncé, mais l’écart n’a cessé de se creuser entre les commandements du Christ et les pratiques de l’institution ecclésiale qui répondaient de plus en plus au besoin d’assurer sa survie, son développement, sa domination. » Nous avons besoin d’un pareil revirement. Sortir de nos temples, nous libérer des milliers de lois canoniques, d’une liturgie codifiée et sclérosée, d’un dogmatisme imposé pour nous recentrer sur l’adhésion pleinement consentie à la personne de Jésus dont le message nous rend libres. Jésus n’a pas fait du christianisme une religion, il a répandu son souffle sur celles et ceux qui adhèrent à son message.

     Un esprit mauvais, un souffle impur s’est introduit dans la religion chrétienne. Après avoir vécu un concile prometteur d’ouverture et de liberté, voilà que l’institution cherche de nouveau à restaurer son pouvoir centralisateur et contrôler le souffle qui circule librement. L’intégrisme intolérant refait surface chez des gens attachés aux rites et aux lois, mais incapables de dialogue avec le monde « païen ». On se réconcilie avec les intégristes, mais on condamne les théologies libératrices.

     Cependant le souffle de Paul converti continue à inspirer les croyantes et les croyants. « C’est pour nous rendre la liberté que Christ nous a libérés. Alors tenez bon et n’allez pas vous remettre sous le joug de l’esclavage. » Paraphrasant l’apôtre des nations, nous pourrions reprendre : il n’y a plus ni prêtres ni laïcs, ni homme ni femme, ni musulmans, ni juifs, ni protestants, ni orthodoxes; plus de divorcés, d’homosexuels, de noirs ni de blancs, car tous vous ne faites qu’un en Christ. Vous avez été libérés des pratiques aliénantes qui ont masqué le message de Jésus. Recevez le souffle de Jésus et vivez-en. Là se trouve la véritable communauté de frères et de sœurs qui font advenir une Terre nouvelle.

     Seul au milieu d’une foule jeune et bigarrée qui venait des quatre coins du monde, je participais au Forum social mondial au Brésil. J’eus alors la conviction profonde que là était ma véritable famille, non pas ceux et celles qui disent Seigneur, Seigneur, mais les personnes qui vivent le message de Jésus, qui accueillent les plus petits comme des frères et sœurs en toute égalité, qui luttent pour un monde de justice et de fraternité.

     À la toute fin des Actes des Apôtres, devant le cœur endurci de ses frères juifs qui s’accrochent à l’observance de la Loi pour accéder à Dieu, Paul lance un message pour la suite du monde : « Sachez donc que cette délivrance de Dieu a été envoyée aux autres peuples : eux, ils entendront. »

Paul, le travailleur qui annonçait l’Évangile, Carlos Mesters, Montréal, Paulines, 1992.

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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