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Justice sociale
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chronique du 25 novembre 2011

 

Peut-on vivre radicalement l’Évangile dans les pays du G8?

St. Paul Occupation

À Londres, le mouvement des indignés campe sur le parvis de la cathédrale St. Paul
(photo : The Atlantic)

Occupy St. Paul's: aucune église ne devrait se mettre à l’abri des besoins humains primaires. Le mouvement Occupy est un moment où Dieu nous donne l’opportunité de redécouvrir la sainteté chrétienne : non pas dans de riches temples, mais dans la justice. Voilà pourquoi la relation entre le camp Occupy et la cathédrale St. Paul est théologiquement si fondamentale. Ce temple magnifique est le lieu d’un culte digne et de religieuse sérénité. Dans cette perspective, le camp peut ressembler à une invasion existentielle, une menace dévastatrice à la sainteté. Mais c’est exactement ce à quoi la naissance de Jésus et son ministère ont dû ressembler, et voilà pourquoi il a eu une relation si inconfortable avec les autorités religieuses de son temps.

Source : Giles Fraser publié dans The Guardian de Londres, 17 novembre 2011.

Marc 10, 17-31

Comme Jésus se mettait en route, un homme vint en courant, se jeta à genoux devant lui et lui demanda : « Bon maître, que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle? »  Jésus lui dit : « Pourquoi m'appelles-tu bon? Personne n'est bon, à part Dieu seul. Tu connais les commandements : "Ne commets pas de meurtre; ne commets pas d'adultère; ne vole pas; ne prononce pas de faux témoignage contre quelqu'un; ne prends rien aux autres par tromperie; respecte ton père et ta mère." »  L'homme lui répondit : « Maître, j'ai obéi à tous ces commandements depuis ma jeunesse. »  Jésus le regarda avec amour et lui dit :  « Il te manque une chose : va vendre tout ce que tu as et donne l'argent aux pauvres, alors tu auras des richesses dans le ciel ; puis viens et suis-moi. »  Mais quand l'homme entendit cela, il prit un air sombre et il s'en alla tout triste parce qu'il avait de grands biens.

Jésus regarda ses disciples qui l'entouraient et leur dit : « Qu'il est difficile aux riches d'entrer dans le Royaume de Dieu! »  Les disciples furent troublés par ces paroles. Mais Jésus leur dit encore : « Mes enfants, qu'il est difficile a d'entrer dans le Royaume de Dieu!  Il est difficile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille, mais il est encore plus difficile à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu. »  Les disciples étaient de plus en plus étonnés, et ils se demandèrent les uns aux autres : « Mais qui donc peut être sauvé? »  Jésus les regarda et leur dit : « C'est impossible aux hommes, mais non à Dieu, car tout est possible à Dieu. »  Alors Pierre lui dit : « Écoute, nous avons tout quitté pour te suivre. »  Jésus lui répondit : « Je vous le déclare, c'est la vérité : si quelqu'un quitte, pour moi et pour la Bonne Nouvelle, sa maison, ou ses frères, ses sœurs, sa mère, son père, ses enfants, ses champs,  il recevra cent fois plus dans le temps où nous vivons maintenant : des maisons, des frères, des sœurs, des mères, des enfants et des champs, avec des persécutions aussi; et dans le monde futur, il recevra la vie éternelle.  Mais beaucoup qui sont maintenant les premiers seront les derniers, et ceux qui sont maintenant les derniers seront les premiers. »

Commentaire

     Ici, au Nord de l’Amérique et en Europe de l’Ouest, nous appartenons à l’Occident qui a conquis des continents entiers et impose depuis plus de cinq siècles ses lois économiques et ses systèmes politiques à toute la planète. L’Évangile de Jésus, son message historique incarné dans la réalité de la Galilée du premier siècle peut-il encore inspirer des croyant-e-s qui vivent dans les pays du G8? Ces histoires sont-elles pertinentes aujourd’hui pour nous qui vivons au cœur de l’empire? Comment réaliser cette option prioritaire pour les pauvres dans les pays dominants de l’économie mondiale?

     En 2001,  les sœurs Hennessey, deux religieuses franciscaines, ont été condamnées à six mois de pénitencier en Iowa pour avoir pénétré illégalement sur la base militaire de Fort Benning et exigé sa fermeture. Depuis des décennies, sur cette base de l’armée étasunienne jadis établie à Panama, on forme des soldats latino-américains à la répression et à la torture. Sœur Dorothy Marie, qui avait 88 ans, a fermement rejeté l’offre du juge de vivre sa sentence en arrêt domiciliaire dans son couvent.  « Si on veut vivre l’Évangile sérieusement aux États-Unis, la prison devient inévitable. » Le mouvement pacifiste aux États-Unis a contribué à radicaliser de nombreuses personnes croyantes qui se sont engagées à changer les choses, inspirées par leur foi.

     Nous du Premier monde, possédons la liberté politique, la mobilité sociale, nous avons un accès exceptionnel à l’information et nous sommes riches en ressources. Mais nous sommes paralysés, confus, impuissants et non désireux de lutter de toutes nos forces pour un changement radical de situation. Notre péché est, selon l’évangile, d’être aveugles, sourds, muets et d’avoir un cœur de pierre. Nous voulons vivre notre foi confortablement dans la sécurité que nous donne l’empire. Jésus nous dit comme à ses adversaires : « Vous êtes les fils du menteur. » (Jn 8,44). Nous sommes une Église du mensonge. Nous vivons dans le déni alors que le Canada utilise la torture, occupe l’Afghanistan, promeut des politiques répressives contre les jeunes délinquants, détruit l’environnement en Alberta, participe à la grande économie prédatrice, méprise la démocratie... Nous ne sommes pas innocents, nous sommes solidaires du péché de ce monde. Nous faisons partie du problème.

« Tu vois ces grandes structures? Il n’en restera rien. » Mc 13, 1-2

     L’Église de Jésus se situe au désert avec les affamés, les gens dont la vie est menacée. Elle doit quitter le centre, le lieu de l’empire. L’Apocalypse nous invite à fuir au désert : « Sortez, ô mon peuple, de chez elle (Babylone), que vous ne soyez pas en communion avec ses fautes. » (Ap 18,4) Le croyant que je suis se réjouit de l’écroulement de l’économie de marché, car ceux qui pleureront seront les marchands, les compagnies multinationales, les banquiers. Elle exige d’être militant ou militante : saint Paul ne parle-t-il pas de notre lutte en termes d’équipement militaire, « de saisir maintenant toutes les armes de Dieu » (Éph 6,13)? Cette grande structure économique, le néolibéralisme, qui sépare le 1% du 99% de l’humanité doit être détruite de fond en comble. Nous avons l’impérieux devoir de rendre la pauvreté inacceptable et illégale. Marc parle de l’homme fort qu’il faut ligoter et neutraliser. « Personne ne peut entrer dans la maison d’un homme fort et piller ses affaires s’il n’a d’abord ligoté l’homme fort. » (Mc 3,27)

Le royaume de Dieu, une justice économique

« Comme il sera difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu! Enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu!
C’est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille, qu’à une personne riche d’entrer dans le royaume de Dieu! » (Mc 10,25)

     Le Royaume, c’est tantôt un temps favorable, un kairos, tantôt un lieu où entrer. C’est quelque chose de concret, la terre! La terre appartient à Dieu et ses enfants peuvent s’y enraciner. Sur la terre de Dieu, il n’y a ni riche, ni pauvre. Ce jeune homme riche avait hérité de beaucoup de terres en un temps où les sans-terres remplissaient les places en attente d’un travail misérable de journalier. Pourtant la loi de Moïse prescrivait la remise des dettes tous les sept ans , la dévolution des terres accaparées (une réforme agraire) tous les cinquante ans, indiquait quoi faire avec les surplus (les laisser aux pauvres). Moïse interdisait le vol et la convoitise du bien des autres. (Lv 25

     Ce qui manque à ce jeune homme riche, c’est la réparation. Cela concerne croyants et croyantes du Premier monde qui jouissent d’un grand confort; nous avons le devoir de repentance et de réparation pour avoir accès au Royaume. Réparer le tort fait aux pauvres, voilà notre tâche. C’est cela entrer dans le Royaume, dans la Grande Économie de Dieu : faire de la terre qui nous a été donnée en héritage un paradis terrestre, un lieu où la justice règne, où la terre est aimée et révérée, où l’arbre planté au milieu du jardin est un arbre de vie. Les paraboles du royaume ne parlent pas du ciel, elles concernent les champs, les semences, les récoltes abondantes, bref elles s’adressent à des paysans pauvres qui rêvent de vivre pleinement.

Conclusion

     Nous vivons un temps de kairos, un temps favorable, un temps où la colère et l’indignation des 99% s’étend à travers le monde. Suivre Jésus de façon claire, radicale et sans équivoque est plus que jamais nécessaire. De nous dépend que l’Évangile continue à être annoncé. C’est en nous mettant résolument au service des dépossédés de nos sociétés que nous engendrerons une Église, peuple de Dieu en marche. Remettons au centre de nos engagements les plus petits parmi nous et adressons-nous particulièrement aux jeunes. Les femmes et les hommes de Galilée qui ont été les premiers à prendre ce chemin ont eu l’énergie d’aller jusqu’au bout du monde proclamer la Bonne nouvelle. Ils étaient jeunes et ils y croyaient comme celles et ceux que l’on retrouve sur les places boursière dans les campements des indignés, qu’un monde autre est possible. En terminant, je suggère d’ouvrir de nos église presque vides, qui ne servent qu’une fois la semaine, à ces indignées qui réclament justice. Ce serait une occasion incroyable de redécouvrir celui qui est né dans une étable et que nous avons fait roi malgré sa volonté.

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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