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Justice sociale
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chronique du 22 novembre 2013

 

Engendrer une humanité nouvelle contre les atrocités de l’Empire

L'Apocalypse

Signe grandiose : Vierge, Mère, Église
Sr Jeanne Vanasse
Acrylique et feuilles d'or 23 K, 91 x 100 cm, 2012
(photo : Gilles Rioux)


Un grand signe apparut dans le ciel : une femme revêtue du soleil, qui avait la lune sous les pieds et une couronne de douze étoiles sur la tête. Elle allait mettre au monde un enfant, et les peines de l'accouchement la faisaient crier de douleur.

Un autre signe apparut dans le ciel : un énorme dragon rouge qui avait sept têtes et dix cornes, et une couronne sur chaque tête. Avec sa queue, il balaya le tiers des étoiles du ciel et les jeta sur la terre. Il se plaça devant la femme qui allait accoucher, afin de dévorer son enfant dès qu'il serait né. La femme mit au monde un fils, qui dirigera toutes les nations avec une autorité de fer. L'enfant fut aussitôt amené auprès de Dieu et de son trône. Quant à la femme, elle s'enfuit dans le désert, où Dieu lui avait préparé une place, pour qu'elle y soit nourrie pendant mille deux cent soixante jours.

Alors une bataille s'engagea dans le ciel. Michel et ses messagers combattirent le dragon, et celui-ci se battit contre eux avec ses messagers. Mais le dragon fut vaincu, et ses messagers et lui n'eurent plus la possibilité de rester dans le ciel. L'énorme dragon fut jeté dehors. C'est lui le serpent ancien, appelé le diable ou Satan, qui trompe le monde entier. Il fut jeté sur la terre, et ses messagers avec lui.

Puis j'entendis une voix forte dans le ciel, qui disait : « Maintenant le temps du salut est arrivé ! Maintenant notre Dieu a manifesté sa puissance et son règne ! Maintenant l'autorité est entre les mains de son Messie. Car il a été jeté hors du ciel l'accusateur de nos frères, celui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu. Nos frères ont remporté la victoire sur lui grâce au sang de l'Agneau et à la parole dont ils ont témoigné ; ils n'ont pas épargné leur vie, ils étaient prêts à mourir. C'est pourquoi, réjouissez-vous, cieux, et vous qui les habitez ! Mais quel malheur pour vous, terre et mer ! Le diable est descendu vers vous, plein de fureur, car il sait qu'il lui reste très peu de temps. »

Quand le dragon se rendit compte qu'il avait été jeté sur la terre, il se mit à poursuivre la femme qui avait mis au monde le fils. Mais la femme reçut les deux ailes d'un grand aigle pour voler jusqu'à la place préparée pour elle dans le désert, afin d'y être nourrie pendant trois ans et demi, à l'abri des attaques du serpent. Alors le serpent projeta de sa gueule des masses d'eau pareilles à un fleuve derrière la femme, pour que les flots l'emportent. Mais la terre vint au secours de la femme : la terre ouvrit sa bouche et engloutit les masses d'eau que le dragon avait projetées de sa gueule. Plein de fureur contre la femme, le dragon s'en alla combattre le reste de ses descendants, ceux qui obéissent aux commandements de Dieu et sont fidèles à la vérité révélée par Jésus.

Apocalypse 12, 1-17

     L’Apocalypse de Jean est un livre rempli de mythes. La guerre des mythes est déclarée. D’un côté, l’Agneau égorgé (le Christ ressuscité) debout « avec les 144 000 qui ont son nom et le nom de son père écrits sur leurs fronts ». (14, 1)  Ce sont celles et ceux dont les noms ont été écrits dans le volume de la vie. En face, les gens marqués du nom de la Bête. « Ceux qui ne se prosternent pas devant l’image de la Bête sont mis à mort. À tous, petits et grands, riches et pauvres, hommes libres et esclaves ensemble, elle donne une marque sur leur main droite ou sur leur front, pour que nul ne puisse acheter ou vendre, sauf ceux qui ont la marque, le nom de la Bête ou le chiffre de son nom. » (13, 15) Ce sont les multitudes qui acceptent la réalité de l’empire et s’y soumettent.

     Pour le prophète Jean, l’Empire romain était cette Bête, ce Monstre qui domine sur toute la terre, sur les mers par son commerce maritime et dans les airs par son idéologie. À la fin de l’année liturgique du calendrier catholique, on nous invite à relire les textes apocalyptiques des évangiles sur les derniers temps. Jésus y annonce des guerres et des calamités avant que n’arrive LA FIN. Ces textes sont du même type que ceux que nous lisons dans l’Apocalypse. Il ne s’agit pas de la fin de l’univers accompagnée de catastrophes naturelles. Le langage est mythique : il s’agit de la fin de ce monde inhumain qu’est l’Empire romain.

     J’ai ressenti très fortement cette expérience d’être parmi les 144 000, alors que je participais au Forum social mondial de Porto Alegre en 2003. J’avais marché dans la grande manifestation d’ouverture du Forum avec plus de 150 000 personnes, venues de tous les horizons de la planète, des jeunes en grande majorité. Nous exprimions fermement notre opposition à la guerre que Bush et Blair étaient sur le point de déclarer contre l’Irak.  Au terme de la marche, Lula, le président du Brésil fraichement élu, nous adressait un message qui soulevait les espoirs de tous ceux et celles qui l’écoutaient. La foule était enthousiaste et joyeuse; elle buvait littéralement le discours de Lula. J’étais très ému de vivre un tel moment où tout semblait possible. « Voici ma famille, pensai-je, voici ma communauté, la communauté de celles et ceux qui croient qu’un autre monde est possible et qui font tout pour qu’il advienne. »

     Aujourd’hui, on peut dire que la dictature de l’Argent est absolue. Dans le système actuel, — mal nommé néolibéral, car il n’y a là rien de nouveau et encore moins de libéral —, des mythes soumettent la population mondiale à un véritable état d’esclavage. Le mythe de base est qu’il existe une main invisible qui régularise la société : alors que tous les individus ne recherchent que leur propre intérêt immédiat, ce faisant, ils contribuent à la richesse et au bien commun de la société. C’est le mythe fondateur du capitalisme auquel les dirigeants du monde croient dur comme fer. Aussi les États ne doivent par interférer pour protéger le bien commun. La main invisible s’en chargera. Il s’agit là du dogme fondateur du capitalisme qui exige la soumission de tous en parfaite humilité.

     Une telle obéissance est récompensée.  Si nous respectons la liberté des marchés, nous serons gratifiés par un miracle économique, car l’être humain n’est libre que dans un monde où l’argent est libre de circuler sans entraves. Nos gouvernements sont complètement soumis aux dictats de ce dieu Argent et refusent aveuglément de soumettre l’industrie à des contraintes pour protéger les droits des travailleurs ou l’environnement. On le voit présentement à Ottawa face aux grandes pétrolière qui exploitent les sables bitumineux de l’Alberta et planifient le transport par pipeline vers les marchés. Aucune contrainte ne doit brimer leur liberté. Le succès économique est à ce prix, quelles qu’en soient les conséquences négatives. À Québec, le gouvernement n’ose pas adopter une nouvelle réglementation sur les mines, de peur de d’effrayer les investisseurs qui exigent de préserver leur droit d’explorer et de creuser où bon leur semble. Le péché mortel contre le capitalisme, c’est la régulation de l’État, les réglementations, les limites imposées à la liberté du capital. Toutes les atrocités sont possibles pour défendre cette religion de l’argent contre les utopistes qui osent penser autrement. Dictatures militaires, coup d’États, répression policière, interventions armées, poursuites baillons, le Dollar rentre en guerre aussitôt qu’il est menacé. Tous les soirs durant le Téléjournal, on nous donne le prix de l’or sur les marchés, la valeur de notre dollar, les hausses et les reculs de la bourse. La main invisible est active et elle nous dirige tous. Les chiffres de la Bête nous montrent le chemin.

     Voilà le Monstre rouge qui s’oppose à la Femme enceinte. Le mythe exprime une conviction, une foi, une lutte à finir. La Bête est un signe de mort, la Femme un signe de vie. La Femme apparaît au ciel, c’est-à-dire dans le monde alternatif, dans la communauté de celles et ceux dont le nom est inscrit au livre de la Vie. Elle est belle et lumineuse, couronnée d’étoiles comme une reine. Elle est sur le point d’enfanter un enfant mâle, un peuple nouveau va naître. Tout comme l’Évangile de Matthieu nous présente le nouvel Adam (Joseph) et la nouvelle Ève (Marie) donnant naissance à une descendance nouvelle, le prophète Jean dans l’Apocalypse nous montre le combat mythique entre l’Humanité nouvelle – la Femme enceinte – et  « le grand dragon, le serpent originel, le diable, le Satan, l’égareur de l’univers entier » (12, 9).

     La Bête est vigoureuse et continue à faire la guerre à la lignée de la Femme. « Il lui est donné puissance sur toute tribu, peuple, langue, nation. Tous les habitants de la terre se prosternent devant elle. » (13, 7-8) Mais le Dieu de la vie protège ses consacrés. « Maintenant, c’est le salut, le dynamisme, et le royaume de notre Dieu, avec la puissance de son messie. L’accusateur de nos frères a été jeté, lui qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit. Ils l’ont vaincu par le sang de l’agneau, par la parole de leur témoignage ; ils n’ont pas préféré leur vie jusqu'à mourir. » (12, 10-11)  Il faut être prêt à témoigner avec courage que les choses peuvent être autrement, que l’Argent n’est pas le maître de nos vies. Il faut être prêt à en payer le prix jusqu’aux ultimes conséquences.

     Quelle est l’issue de notre combat contre le dieu Argent, contre la Bête qui dévore les peuples? Dans l’Apocalypse, le Dieu de la vie intervient continuellement pour détruire ce système de mort. Il entend les prières de la communauté. Ses messagers sonnent sept fois de la trompette en causant des torts immenses à la Bête. L’idolâtrie des masses humaines devant la Bête est prise à partie par les messagers du ciel qui répandent les sept coupes de la fureur de Dieu contre cette impiété. Dieu est en colère, il écume en voyant le désastre de ses peuples. Le message qui nous est donné est sans équivoque : « Si quelqu’un a des oreilles, qu’il entende! Si quelqu’un est promis à la captivité, qu’il aille en captivité! Si quelqu’un doit être tué par l’épée, qu’il soit tué par l’épée. C’est ici la résistance et la fidélité des consacrés. » (13,9-10)  

     Le prophète Jean, tout au long de son témoignage, nous invite à rester unis à Jésus et à nos compagnes et compagnons « dans la détresse, le royaume et la résistance. » (1, 9)

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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