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Justice sociale
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chronique du 20 décembre 2013

 

Noël, c’est le temps de changer le monde

L'Apocalypse

L'Enfant de Bethléem
André Bergeron
Lithographie, 1991, 46 x 49 cm
(collection SEBQ)


Lire : Matthieu, chapitres 1 et 2

L’évangile de Matthieu commence par ces mots : Livre de la genèse de Jésus Messie. En évoquant le livre de la Genèse, l’auteur nous ramène aux origines de la création. « Au commencement Elohîm créait les ciels et la terre, la terre était tohu et bohu, une ténèbre sur les faces de l’abîme, mais le souffle d’Élohîm planait sur la face des eaux. » [1] Nous sommes plongés à plein dans un monde chaotique, un tohu-bohu où tout est ténèbres et désordres. « Le peuple qui marche dans la nuit voit une grande lumière.  Sur ceux qui vivent au pays des ténèbres, une lumière se met à luire. » (Is 9,1) L’évangéliste nous renvoie ainsi à notre monde et à ses ténèbres et fait briller l’espoir d’une lumière au bout de ce tunnel.

     S’ensuit une liste de noms propres : des ancêtres qui comptent des saints et des bandits, des hommes extrêmement violents et des femmes asservies et abusées, des rois et des paysans. Sur 42 générations, les gènes de millions d’humains auront contribué à l’apparition du Messie. On y retient le nom de quatre femmes ayant coopéré avec Dieu de façon exceptionnelle à ces enfantements par leur audace, leur détermination et leur liberté : Tamar, l’incestueuse; Rahab, la prostituée; Ruth, l’étrangère; Bethsabée, l’adultère et Marie, la jeune fille enceinte hors du mariage. Elles étaient toutes condamnées par la loi des hommes et, pourtant sans elles, Jésus ne serait jamais apparu. Chez Matthieu, ces femmes deviennent les Mères de l’humanité nouvelle.

     Nous sommes en présence d’un texte apocalyptique qui annonce une création nouvelle, une terre nouvelle, une humanité renouvelée. Le chaos de notre histoire humaine, avec ses grandeurs et ses aberrations est le lieu de la révélation de Dieu. Le Souffle d’Élohîm y engendre une humanité nouvelle. Dieu est présenté dans la Bible comme l’architecte du cosmos, notre maison commune, qu’il nous revient de bien administrer : « Tu fais régner l’adam sur la construction de tes mains…au Seigneur, la terre et ce qu’il y a dedans. A lui le sol et ceux qui l’habitent. » (Ps 8)

Redéfinir la place de l’humain dans l’univers

     Hubert Reeves écrit : « Il faut redéfinir la place de l’humain dans l’univers et la relation avec la nature. En volume et en masse, nous sommes une poussière; mais en termes d’organisation, nous sommes au plus haut du cosmos. Loin d’être étrangers à l’univers, nous nous insérons dans une aventure qui se poursuit sur des distances de milliards d’années-lumière. Nous sommes les enfants d’un cosmos qui nous a donné naissance après une grossesse de quinze milliards d’années. » [2] Nous sommes des terriens (adam, êtres de glèbe), mais aussi des fils et filles du soleil, des enfants de la voie lactée, des poussières d’étoiles. Voilà nos racines, nous sommes tous de la même souche.

     Notre évangile annonce que du tohu-bohu actuel va naître une humanité nouvelle, un règne de Dieu sur terre. Or les trois ou quatre générations situées à la charnière du troisième millénaire sont les premières dans l'histoire de l'humanité, depuis que les bipèdes arpentent la planète, à se heurter aux limites de la biosphère. [3] C’est une crise écologique majeure. Nous avons à décider collectivement si nous disparaissons ou non. La planète, n’est pas en danger, elle s’en tirera bien sans nous. Mais l’humanité, elle, a désormais le pouvoir de s’autodétruire. Les climatologues affirment qu’il est probable qu'on atteigne un seuil tel que le système climatique dérape vers un désordre irréversible : fonte rapide des glaciers, réchauffement accéléré... Voilà qui définit l'urgence d’agir immédiatement.

     Pourquoi, alors, nos sociétés ne s'orientent-elles pas vraiment vers des politiques qui permettraient d'éviter l'approfondissement de la crise écologique? C'est la question cruciale. Pour y répondre, il faut analyser les rapports de pouvoir dans nos sociétés. Les politiques de nos gouvernements face aux sables bitumineux, aux constructions de pipelines, au choix de continuer à exploiter et à utiliser les énergies fossiles, sont autant de décisions qui contribuent à augmenter la production des gaz à effet de serre. Nous fonçons à toute vitesse dans un mur, car le but de nos sociétés capitalistes, c’est l’accumulation de la richesse. « Ne thésaurisez pas des trésors sur terre, où ver et mite défont, où voleurs percent et volent… Oui, là où est ton trésor, là aussi est ton cœur… Nul ne peut servir deux seigneurs. » (Mt 6,19-24)

     Faire du Cosmos une maison pour toute créature dans l’harmonie et la jubilation, voilà ce à quoi nous invite l’Évangile. L’humanité doit retrouver ses racines communes et reconnaître la solidarité internationale et les liens vitaux qui unissent tous les peuples en une seule grande famille humaine, qui plus est, dans la grande famille des vivants.  Nous sommes tous dans un même bateau, plantes, bêtes et humains, comme au temps de Noé. Annoncer l’Évangile est avant tout une activité de création et pour la foi biblique, les deux piliers de la création sont la droiture et la justice. C’est ce que Mathieu veut nous montrer.

Jésus est enfant de l’humanité pécheresse

     Abraham enfanta Isaac par Sara; un homme impuissant et une femme stérile! « Compte les étoiles si tu le peux. Telle sera ta semence. » (Gn 15,5) Jacob, le fourbe qui vole le droit d’ainesse à son frère et usurpe sa place, sera le père des douze tribus d’Israël. Juda, l’ancêtre des Juifs, fait disparaître son frère Joseph et le vend comme esclave. Il se marie à une Cananéenne, refuse d’assurer une descendance à son fils aîné en mariant Tamar à son plus jeune fils. Celle-ci, pour obtenir justice, se déguise en prostituée et couche avec Juda qui aura deux fils incestueux. Rahab, autre prostituée, se verra bénie pour avoir protégé les Israélites lors de l’invasion de Canaan; elle sera la mère de Booz. Ruth, la Moabite, race maudite par Israël, sera fidèle à sa belle-mère et prendra soin d’elle. Elle sera la grand-mère de David. David assassine son général Urie pour lui prendre sa femme Bethsabée, qui sera la mère de Salomon le Sage. Les crimes défilent comme à la commission Charbonneau!

     Mais voici qu’au terme de la longue liste des enfantements, les choses se redressent : un nouveau Jacob donne naissance à un nouveau Joseph, un juste, (Mt 1,19), un homme qui interprète les rêves comme son ancêtre homonyme. Aussi apparaît Marie, qui à l’instar des autres femmes de la généalogie, est considérée pécheresse et méprisée. Elle est enceinte hors des lois établies. Pourtant, le Souffle d’Élohîm plane sur les eaux de cette femme de qui naîtra Iéshouah, l’Homme nouveau : « Ils crieront son nom :’Imanou Él » qui s’interprète : Élohîm avec nous ». (Mt 1,23)

Jésus est la promesse d’une humanité nouvelle

     Jésus est l’enfant de la promesse, né d’un nouvel Adam et d’une nouvelle Ève, Joseph et Marie, qui fondent la grande famille de ceux et celles qui font la volonté du Père. Nous sommes tous enfants de la promesse, descendants de ce couple originel par la foi. Nous sommes tous nés du Souffle divin. Personne n’arrive à la vie par accident, quelques soient les intentions ou les errements des géniteurs. « Un être humain est combien plus précieux qu’un mouton » (Mt 12,12), dira Jésus.

     Au royaume du roi Hérode, dans la maison d’un juste, de nouvelles relations équitables vont s’établir. Le premier miracle de l’évangile de Matthieu présente trois étrangers sages et riches, qui cherchent la vérité en scrutant le ciel et en cheminant de par le monde. Au dessus d’une maison, l’étoile s’est immobilisée : leur cœur se remplit alors d’une grande joie. Ils pénètrent dans la maison, se prosternent devant un petit enfant et sa mère et ouvrent grands leurs trésors pour les lui offrir : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. « Je vous le déclare, c'est la vérité: celui qui donne même un simple verre d'eau fraîche à l'un de ces petits parmi mes disciples parce qu'il est mon disciple recevra sa récompense.» Quand verrons-nous les grands du G20 quitter leurs banquets somptueux et leurs réunions internationales inutiles de Davos pour se rendre dans les maisons des pauvres et ouvrir leurs trésors accumulés?  « Et je vous déclare encore ceci : il est difficile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille, mais il est encore plus difficile à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu. » (Mt 19,24)

     Voici la question que durant 28 chapitres, Matthieu s’acharnera à nous poser : Comment réaliser ce grand miracle de la justice, où les riches se mettent à la recherche de la sagesse et s’inclinent devant un enfant pauvre en partageant leurs trésors. Voilà aussi le grand défi de l’Église dans notre monde d’opulence de d’inégalité. François, l’évêque de Rome, veut une Église des pauvres, pour les pauvres, avec les pauvres, par les pauvres. Dans la maison des disciples, la religion que l’on doit pratiquer, c’est la justice et la solidarité avec le plus petit, pas des rituels et des cérémonies.

     Bien sûr, Hérode sera furieux, son royaume est menacé. Les possédants ne veulent pas d’un monde où la richesse soit répartie pour tous. Ils sont assoiffés de pouvoir et de gains. Ils en veulent  toujours plus, plus, plus, alors que 200 millions d’enfants travaillent dans des conditions barbares, que 30 millions de ces petits sont livrés à la rue, exposés à la violence, à la prostitution, à la drogue et que 15 millions meurent de faim chaque année. « Gardez-vous de mépriser l'un de ces petits; je vous l'affirme, en effet, leurs anges se tiennent continuellement en présence de mon Père dans les cieux ». (Mt 18,10) Se prosterner devant le Dieu-petit-enfant et réaliser la justice, n’est-ce pas le défi que nous devons relever pour que l’évangile devienne « bonne nouvelle »?

Joyeux Noël!

[1] Traduction d’André Chouraqui.

[2] Hubert Reeves, L’espace prend la forme de mon regard, Édition l’Essentiel, Montréal.

[3] Extraits de l’article de Hervé Kempf, « Comment les riches détruisent le monde », Le Monde diplomatique, juin 2008.

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

Chronique précédente :
Engendrer une humanité nouvelle contre les atrocités de l’Empire

 

 

 

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