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Justice sociale
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chronique du 28 novembre 2014

 

« Chaque fois que vous n’avez rien fait …. » (Mt 25, 31-46)

eau pour tous

Image d'une campagne de sensibilisation de MTV


L’évangile de Matthieu développe une série de cinq discours pour établir les bases de la communauté des disciples. Son œuvre est toute entière centrée sur la justice : Jésus définit sa mission au moment de son baptême en disant à Jean : « Tout ce qui est juste doit advenir ! Faisons en sorte de l'accomplir ! » (3,15) Le premier discours introduit la base de tout l’enseignement de Jésus qu’on a si souvent voulu spiritualiser pour échapper à sa radicalité. « En marche, les gens à bout de souffle, en marche les affligés, en marche les ignorés, en marche ceux et celles qui ont faim et soif de justice… C’est vous le sel de la terre, c’est vous la lumière du monde. » (5,1-13) 

     Arrivé au moment d’introduire le récit de la passion, dans le dernier discours, Matthieu annonce le jugement de Dieu sur le monde. Nous sommes au climax de l’évangile. Jésus entre au temple avec un fouet et il met tout sans dessus dessous, interrompant les sacrifices. Il affronte l’hostilité des maitres du lieu saint, les grands prêtres et le sanhédrin, composé de propriétaires terriens et de pharisiens fondamentalistes. Il leur crie que le règne des cieux leur a été retiré et que les pauvres prendront leur place. « Croyez-en ma parole, les collecteurs d’impôts et les filles publiques entreront avant vous dans le règne de Dieu. » (21,32) Il se lance en une diatribe d’une rare violence contre les religieux hypocrites qui disent une chose et en font une autre, qui imposent au peuple de lourdes charges alors qu’eux font la grosse vie, brillamment vêtus, cherchant l’admiration et les premières places, s’affublant de titres sacrilèges somme celui de maitre, de père, de guide, d’éminence, etc. Il les traite de comédiens, de vipères, de sépulcres blanchis pleins de pourriture et d’assassins de prophètes. Jésus achève son discours enflammé en les envoyant au diable. « Le feu du dépotoir, voilà le verdict. » (23,33) Puis il annonce le jugement de Dieu : la destruction de Jérusalem et du sanctuaire.

     Voilà le contexte pour lire l’ultime discours de Jésus décrivant le jugement des peuples. Il est par contre une bonne nouvelle pour les femmes et les hommes droits, qui ont eu faim et soif de justice, ont contribué à bâtir la paix et ont démontré de la compassion. Jésus s’identifie à six catégories de gens rendus à bout de souffle, de gens affligés et ignorés : les affamés, les assoiffés, les étrangers, les dénudés, les malades et les prisonniers. Le jugement portera sur ce qu’on aura fait ou omis de faire pour ces catégories d’affligés.

     Révisons notre vie collective à la lumière de ce texte, au terme d’une année liturgique durant laquelle Matthieu a été notre guide spirituel.

 « J’avais faim et vous ne m’avez pas donné à manger. » (Mt 25, 42)

     Il y a présentement 1,8 million de demandes d’aide alimentaire d’urgence par mois au Québec; on ne répond qu’à la moitié des demandes. 10% des bénéficiaires sont des gens au travail et 19% sont des immigrants. 48% des demandes sont faites par des familles avec enfants. 400 000 personnes ont faim au Québec actuellement.
 
     Aux États-Unis, Fort Lauderdale vient de se joindre à une vingtaine de municipalité qui ont rendu illégal de donner à manger aux pauvres dans des endroits publics. Les personnes interpellées en train de servir de la nourriture aux itinérants sont passibles de 500$ d’amende et d’une peine de prison de 60 jours! On estime à 10 000 les itinérants qui quittent le nord du pays pour aller passer l’hiver au chaud en Floride.

« L'agriculture mondiale peut aujourd'hui nourrir 12 milliards de personnes [...]. Il n'existe donc à cet égard aucune fatalité. Un enfant qui meurt de faim est un enfant assassiné. Les capitalistes font aujourd’hui un maximum de profits en spéculant sur les aliments de base comme le riz, le maïs, le blé. Les prix explosent, et toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim. Aujourd’hui plus que jamais, il faut retourner les fusils. » (Jean Ziegler)

     Que faisons-nous pour combattre le fléau de la faim?

FAO : Comprendre la faim et la malnutrition

 « J’avais soif et vous et vous ne m’avez pas donné à boire. » (Mt 25, 42)

     Environ un milliard d’êtres humains n’ont pas accès à de l’eau potable dans le monde. Selon l’Organisation mondiale de la santé estime à 10 millions le nombre de personnes, principalement des enfants, qui meurent chaque année des suites d’avoir bu de l’eau impropre à la consommation.

     Selon un rapport remis au Parlement par le vérificateur général du Canada, 39% des systèmes d'aqueduc et 14 % des systèmes d'égout dans les communautés des Premières Nations présentent un risque élevé pour la santé. Le gouvernement du Canada commet une entorse au droit fondamental reconnu par l’ONU, à l’eau potable et à l’assainissement des eaux usées. La situation est d’autant plus inacceptable que le Canada compte sur des réserves en eau potable parmi les plus abondantes de la communauté internationale. 

     Que faisons-nous pour protéger l’eau et défendre le droit à l’eau?

« J’étais étranger et vous ne m’avez pas accueilli. » (Mt 25, 43)

     Un rapport de la Commission québécoise des droits de la personne confirme ce que les immigrants savent déjà : « Les difficultés d’insertion en emploi que rencontrent certains groupes ethniques et racisés, issus de l’immigration ou non, ne tiennent pas qu’à une distribution inégale des acquis et des compétences, mais également aux préférences discriminatoires des employeurs. Ces derniers tendent, souvent inconsciemment, à rechercher des « personnes qui leur ressemblent », ou parfois même à éviter certains groupes évalués négativement, parce que socialement stigmatisés… Un Tremblay ou un Bélanger a au moins 60% plus de chances d’être invité à un entretien d’embauche qu’un Sanchez, un Ben Saïd ou un Traoré ». Les candidats avec un nom de famille québécois francophone ont 60% plus de chance d’être convoqués à un entretien que ceux qui portent un nom à consonance africaine, arabe ou latino-américaine. Le taux net de discrimination est de 42% pour les Africains, de 35% pour les Arabes, de 28% pour les Latino-Américains. Le rapport parle d’une discrimination systémique

     D’autre part, le Canada, à plusieurs reprises, a été critiqué dans les tribunes internationales pour les conditions de vie misérables réservées à une grande partie des membres des Premières nations, qui sont comparables à celles des pays en voie de développement.

     Que faisons-nous pour lutter contre le racisme et la discrimination?

« J’étais dénudé et vous ne m’avez pas couvert. » (Mt 25, 42)

     Le Bangladesh  a émergé dans le domaine de l’habillement à partir des années 1990, en exploitant, comme de nombreux pays en développement avant lui, « l’avantage » du coût extrêmement bas de sa main-d’œuvre. Il occupe depuis 2009 la deuxième place derrière la Chine (38%). On estime à 3,5 millions les personnes qui travaillent à l’industrie textile dans ce seul pays et les coûts horaires sont les plus bas au monde (50 fois plus bas qu’aux États-Unis). La plupart des emplois sont sans contrat et sans aucune protection sociale. La répression des organisations syndicales et la corruption rendent largement ineffectifs la législation sociale et les règlements de sécurité. Le 24 avril 2013, l’effondrement de l’immeuble industriel du Rana Plaza près de Dacca, qui hébergeait cinq ateliers textiles et 3 000 ouvrières, a causé la mort de plusieurs centaines d’entre elles. Cet accident, le plus meurtrier, est loin d’être le premier. Depuis 2005, plus de 600 ouvriers du textile bangladais avaient déjà péri dans des incendies d’usines. 

     L’industrie du vêtement a toujours été, au Canada comme ailleurs un lieu d’exploitation de la main d’œuvre majoritairement féminine. Nous nous habillons en dépouillant des travailleuses pauvres qui besognent dans des conditions d’exploitation extrême dans les pays les plus pauvres.

     Que faisons-nous pour que l’économie mondiale ne dépouille pas les travailleuses et les travailleurs de leur dignité? Comment se vêtir de façon équitable en payant un prix juste?

« J’étais malade et vous ne m’avez pas soigné. »  (Mt 25, 42)

     Depuis 1957, Citoyenneté et Immigration Canada a fondé le Programme Fédéral de santé intérimaire (PFSI) pour fournir une couverture santé temporaire pour les réfugiés et les individus réclamant un statut de réfugié. Le PFSI fournit un « pont » de soins de santé entre l’arrivée au Canada et la réception du statut nécessaire dans la province ou le territoire de résidence, ou jusqu’à la déportation pour les demandeurs refusés

     Des coupures, enfouies dans le budget fédéral de mars 2012, ont été exécutées sans que personne ne soit mis au courant, sans consultation  préalable avec les provinces ou les professionnels de la santé. Le résultat, selon les médecins, a été le chaos, la confusion et la mauvaise gestion, et le refus de services médicaux essentiels pour des individus dans le besoin dont des femmes enceintes, de jeunes enfants et des diabétiques nécessitant de l’insuline. Le 25 février 2013, les Médecins canadiens pour les soins aux réfugiés et l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés ont lancé une poursuite pour amener le gouvernement devant la Cour fédérale. Ils soutiennent que les changements au PFSI contreviennent à plusieurs sections de la Chartre canadienne des droits et libertés et qu’ils devraient être déclarés inconstitutionnels.

     Que faisons-nous pour que notre système de santé soit accessible à toute personne ayant besoin de soins? Que faisons-nous pour que la santé soit accessible à tous et protégée par un système public universel financé avec nos impôts?

« J’étais en prison et vous ne m’avez pas visité. » (Mt 25, 43)

     Le Premier ministre canadien Stephen Harper fait de la lutte contre la criminalité une pierre angulaire de sa politique. Le nombre de personnes incarcérées au Canada a atteint des records historiques, rendant la situation précaire dans les prisons, au moment où le taux de criminalité dans le pays est au plus bas depuis presque quatre décennies. « Cela entraîne des situations de surpopulation et accroît les chances de tension et de violence. Nous assistons à une hausse des mesures de confinement et des fouilles exceptionnelles", déclarait  l'Enquêteur correctionnel du Canada, Howard Sapers.  Au cours des 10 dernières années, la population carcérale d'origine autochtone a augmenté de 46,4%, alors que les groupes de minorités visibles — soit les Noirs, les Asiatiques et les Hispaniques — ont augmenté d'environ 75%. À ce rapport, le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, a rétorqué laconiquement : « La seule minorité qui nous intéresse, c'est celle des criminels. »

     Que faisons-nous pour que notre système correctionnel soit centré sur la réhabilitation des criminels plutôt que sur la répression indiscriminée?

     Laissons-nous interpeller par ce jugement de Jésus sur notre monde tourmenté : « Croyez-en ma parole, chaque fois que vous n’avez rien fait pour venir en aide ne serait-ce qu’à un seul de ces petits, c’est à moi que vous n’avez rien fait. » (25, 45)

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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Une terre nouvelle, est-ce vraiment possible ?

 

 

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