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Justice sociale
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chronique du 24 avril 2015

 

Et si Dieu n’habitait pas là-haut!

grappe de raisins


« Je suis la vigne, la vraie, mon père est le vigneron. Les sarments qui ne portent pas de fruits en moi, il les enlève, les sarments qui portent du fruit, il les allège, pour qu’ils fructifient davantage. Cette parole que je vous ai dite vous a déjà rendus plus légers. Restez en moi, je suis en vous. Le sarment ne donne pas de fruit s’il est séparé de la vigne, comme vous si vous vous séparez de moi. Je suis la vigne et vous êtes les sarments. Celui qui est en moi et en qui je suis donne beaucoup de fruits. Sans moi vous ne pouvez rien faire. Si quelqu’un habite hors de moi, dehors, comme un sarment, on le jette, il se dessèche, on en fait un tas qu’on jette au feu et qui brûle. Si vous habitez en moi, habités par mes paroles, demandez ce que vous voudrez, vous l’aurez. Que vous portiez beaucoup de fruits, que vous deveniez mes disciples, telles est la gloire de mon Père. »

Jean 15, 1-8 selon la traduction de la Bible de Bayard et Médiaspaul, 2001.

     Depuis la nuit des temps, les humains se sont sentis impuissants devant la mort, la maladie, les catastrophes naturelles. La grêle et la foudre qui détruisaient les récoltes et les forêts, les ouragans violents, les inondations, la plupart de ces calamités venaient du ciel. On a pensé que là, en haut, dans le ciel, il y avait un maître puissant qui contrôlait nos vies et nous dictait quoi faire. Il fallait lui plaire, lui faire des offrandes, le supplier de nous épargner, enfin le garder de notre bord. Dans ma jeunesse, au printemps, à la saint-marc le 25 avril, on célébrait encore les rogations dans toutes les paroisses. Des processions étaient organisées par les chemins sillonnant les champs. On jeûnait et les prêtres bénissaient les champs et les semences. Les croix au bord des chemins des campagnes en rappellent le souvenir. On priait dieu pour la pluie et pour le beau temps. On ne fait plus cela. Aujourd’hui, on a recours aux agronomes. Nous sommes devenus autonomes et l’alimentation est devenue une bonne affaire.

     Jésus est venu nous dire que Dieu ne vivait pas au deuxième étage. Toute notre conception religieuse décrit l’univers comme un monde à deux étages : celui du ciel et celui de la terre, le monde surnaturel et le monde naturel. Le Symbole des Apôtres évoque une succession de va-et-vient entre le haut et le bas : l’ascenseur descend et monte continuellement entre les deux niveaux : « descendu aux enfers, monté au ciel, d’où il viendra… ». Jusqu’en 1980, à l’ouverture de séance de la Chambre des Communes à Ottawa, on lisait cette prière : « Ô Seigneur!, notre Père Céleste, Haut et Puissant, Roi des rois, Seigneur des seigneurs, le seul Souverain des princes, qui contemplez de Votre trône tous les habitants de la terre… » Cette représentation fait problème à un monde moderne qui a acquis son autonomie et n’attend rien d’un hypothétique monde d’en-haut dont l’existence n’a jamais été prouvée.

     Le Jésus de l’évangile de Jean au chapitre 15 ramène l’image de Dieu à une dimension terrestre (et cela est caractéristique des paraboles en général). L’image de la vigne est très inspirante, car elle situe Dieu comme un vigneron dont la fierté est de faire produire chaque sarment de sa vigne. Dieu est une Source, une Inspiration, un Souffle intérieur. Il n’est pas en haut, mais en-dedans, au plus intime de notre intimité. Il habite notre monde, il est l’âme du cosmos, il est le Souffle qui anime la vie sur terre, bien plus il anime toute l’humanité dans son évolution, il est présent dans son histoire. Jésus est le plant de vigne auquel nous sommes greffés par la confiance, par la foi. Nous demeurons en lui et lui en nous. « Me faire confiance, ce n’est pas me faire confiance à moi, mais bien à celui qui m’a délégué. » Jésus est l’incarnation de Dieu dans notre monde. C’est la vigne qui surgit de l’être divin; elle s’enracine dans la divinité et pousse ses branches dans l’humanité. Dieu est la sève qui donne vie au plant, il est cette poussée de la vie qui crée le monde incessamment depuis toujours. Il agit au plus intime de notre monde. 

     C’est par notre attachement à Jésus, par notre confiance en lui que nous vivons pleinement. « Si quelqu’un m’aime, il observera mes paroles, il sera aimé de mon Père et nous irons habiter en lui. » (Jean 14,23) Dans la mesure où nous sommes branchés sur la personne de Jésus, sur sa bonne nouvelle, nous devenons de plus en plus l’être que Dieu a projeté de faire advenir, nous nous épanouissons, nous devenons ce que nous sommes vraiment. Dieu est la source de notre liberté humaine. Il ne nous parachute pas des ordres d’en haut, écrits il y a des milliers d’années dans un livre sacré et interprété par ses prétendus représentants d’ici-bas. La loi de Dieu, elle est inscrite dans nos cœurs. Notre recherche du bien, nos discernements sur des sujets difficiles comme l’exercice de la sexualité et l’amour, l’égalité des hommes et des femmes, l’aide à bien mourir pour ne donner que ces trois exemples actuels, nos discernements sont inspirés par la loi de l’amour qui est en nous. À tâtons et alimentés par la sève divine de la Vie, nous cherchons ensemble et nous avançons avec espoir vers le Royaume de Dieu sur terre.

      « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ? » (Actes 1,11) C’est le message que Jésus nous a laissé en nous quittant. Cessons donc de regarder vers le ciel pour chercher solutions à nos problèmes. Nous sommes des êtres autonomes. Retournons vers nos Galilées, retournons à nos moutons, à notre quotidien et c’est là que nous le trouverons au milieu des femmes et des hommes de nos sociétés modernes, quelles que soient leurs croyances ou leur incroyance. Dieu est intimement lié à l’humanité et il l’inspire pour l’amener à la perfection. Nous sommes sa vigne et il l’émonde et en prend soin pour que chaque rameau, chaque sarment donne de belles grosses grappes juteuses et savoureuses. « Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous donniez beaucoup de fruit. » Ce changement de regard sur un Dieu très bas et très intime nous aidera à mieux vivre dans une société plurielle et laïque sans nous entourlouper dans des raidissements dévots, sources de divisions et de disputes stériles. L’humanité doit survivre sur une planète qui doit demeurer bleue et vivante. Pour réaliser cette tâche colossale et urgente, nous avons besoin du Souffle de Vie qui anime notre monde par l’intérieur et il faut annoncer la Bonne nouvelle d’un autre monde possible à toute langue, peuple et nation.

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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