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Justice sociale
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chronique du 18 mars 2016

 

Une économie qui tue

Le fleuve de vie

Austérité
Dessin de Falco, Cuba


Un noble part pour un pays lointain afin d’y recevoir la royauté et revenir ensuite. Il appelle ses dix fonctionnaires, leur donne dix pièces d’argent et leur dit de faire des affaires jusqu’à son retour. Ses sujets le haïssaient. Ils envoient une ambassade à sa suite pour dire : ‘Nous ne voulons pas de lui comme roi. ‘ Il est proclamé roi et revient.

Il fait appeler les fonctionnaires à qui il a donné de l’argent pour savoir ce qu’ils ont gagné. Le premier arrive et dit : ‘Maitre, ta pièce a rapporté dix pièces.’ Il lui dit : ‘Parfait, tu es un bon serviteur car tu t’es conduit loyalement dans une affaire infime. Je te donne le gouvernement de dix villes.’  Le deuxième arrive et dit : ‘Ta pièce, maitre, a rapporté cinq pièces.’ Il dit à celui-ci : ‘Gouverne cinq villes.’

Un autre arrive et lui dit : ‘Maitre, voici la pièce que j’avais gardée dans un mouchoir. J’ai eu peur car tu es un homme sévère qui prélève ce qu’il n’a pas placé et moissonne ce qu’il n’a pas semé.’  À celui-ci, il dit : ‘Tes paroles te condamnent, mauvais serviteur. Tu sais que je suis un homme sévère qui prélève ce qu’il n’a pas placé, qui moissonne ce qu’il n’a pas semé. Alors pourquoi n’as-tu pas confié mon argent à un changeur? À mon retour, j’aurais pris les intérêts.’

À ceux qui se trouvaient là, il dit : ‘ Prenez-lui la pièce et donnez-la à celui qui en a dix.’ Ils lui répondent : ‘Maitre, il a déjà dix pièces.’  ‘Je vous le dis, celui qui a, on lui donnera, mais celui qui n’a pas, on lui enlèvera même ce qu’il a. Quant à mes ennemis, ceux qui ont refusé que je devienne leur roi, amenez-les ici et égorgez-les devant moi.’

Ayant dit ces mots, Jésus les précéda. Il montait à Jérusalem.

Évangile de Luc 19, 11-27

Monter à Jérusalem

     Cette parabole est placée dans le contexte de Jésus qui prend avec lui les Douze et leur dit : « Écoutez, nous allons à Jérusalem où se réalisera tout ce que les prophètes ont écrit au sujet du Fils de l'homme. On le livrera aux étrangers, qui se moqueront de lui, l'insulteront et cracheront sur lui. Ils le frapperont à coups de fouet et le mettront à mort. Et le troisième jour il se relèvera de la mort. Mais les disciples ne comprirent rien à cela ; le sens de ces paroles leur était caché et ils ne savaient pas de quoi Jésus parlait. » (18,32-34)

     Les disciples sont aveuglés. Or en entrant à Jéricho, un mendiant aveugle hurle à Jésus de le guérir. Il recouvre alors la vue et se met immédiatement à sa suite. Jésus vient de recruter un nouveau disciple qui voit clair. Puis le maitre s’invite chez Zachée, le chef des collecteurs d’impôt, un homme d’affaire puissant et richissime, qui avait acheté le droit de lever des impôts dans la ville de Jéricho. Il payait les sommes fixées par les autorités, puis se chargeait de récupérer son argent à grands profits en escroquant les contribuables. Or Zachée consent à descendre de ses hauteurs d’homme puissant, il donne la moitié de sa fortune aux pauvres et rembourse au quadruple l’argent qu’il a extorqué. C’est le dernier miracle de Jésus : il est allé loger chez un pécheur public et l’a amené à changer de vie. Jésus avait ironisé au chapitre précédent qu’il est plus facile pour un chameau d’entrer dans le trou d’une aiguille que pour un riche de pénétrer dans le royaume de Dieu. Eh bien! Rien n’est impossible à Dieu. (18,25-27

Un enseignement contestataire

     Dans cette parabole, Jésus explique au peuple témoin de son action comment fonctionne le système en place : le roi va chercher son pouvoir à Rome, comme ce fut le cas d’Hérode Antipas, roi de Galilée. Détesté par le peuple, il lui est imposé par le colonisateur. Ses fonctionnaires, (comme Zachée) ambitieux et carriéristes, doivent contribuer à l’enrichissement du roitelet. Leur loyauté leur vaut des promotions. Notons que le prêt à intérêt est interdit dans la torah (Dt 23,20-21). Or ici, les fonctionnaires y sont allés allègrement : les intérêts d’une mine ont donné dix mines ou cinq mines, tout un rendement!  Mais le troisième fonctionnaire s’est tenu debout et a osé dénoncer ce système injuste : « J’ai eu peur car tu es un homme exigeant qui prélève ce qu’il n’a pas placé et moissonne ce qu’il n’a pas semé. » Comme Zachée vient de le faire, ce fonctionnaire refuse de continuer à jouer le jeu de la corruption et de la collusion. Il donne l’alerte et provoque la colère du roi. Voici comment fonctionne le système : « … à celui qui possède l'on donnera davantage ; tandis qu'à celui qui n'a rien, on enlèvera même le peu qui pourrait lui rester». Tout au long de l’évangile, Luc nous présente un Jésus qui condamne l’accaparement de la richesse; il est le donneur d’alerte qui monte à Jérusalem et dans quelques jours, il se rendra au temple de Jérusalem pour enseigner le peuple et son enseignement commencera par une occupation de la banque centrale bien orchestrée avec la foule de ses disciples : «  Il entre au sanctuaire et se met à jeter dehors les vendeurs. Ma maison est une maison de prière. Mais vous, vous en avez fait une caverne de bandits! » (19,46) Jésus s’attaque ainsi aux grands prêtres Hanna et Caïphe et aux autorités du sanhédrin, tous des grands propriétaires terriens, qui ne tarderont pas à avoir sa peau. La parabole est une condamnation sans appel d’un système social soumis à la dictature de l’argent, qui permet au 1% de s’enrichir sans limites aux dépens de la masse des pauvres qui sont abandonnés à la misère, à la maladie et à la mort.

Des faits troublants dans notre vie collective

     Les enseignements de Jésus prennent souvent la forme de paraboles, courtes histoires populaires destinées à conscientiser un auditoire paysan. Celle que je propose aujourd’hui ressemble à une caricature de notre actualité.  

  • L’émission Enquête de Radio-Canada vient de révéler comment l'Agence du revenu du Canada a offert une amnistie à plus d'une vingtaine de riches clients canadiens du cabinet comptable KPMG qui ont caché des millions de dollars dans le paradis fiscal de l'île de Man en mer d’Irlande. Ces multimillionnaires ne se verront imposer aucune pénalité et ne feront face à aucune accusation criminelle. Les clients n'auront qu'à payer les impôts qu'ils auraient dû payer sur leurs investissements extraterritoriaux non déclarés et des intérêts à un taux réduit. Plus de 130$  millions avaient été placés dans des sociétés-écrans enregistrées dans ce paradis fiscal selon un stratagème conçu par KPMG, un réseau mondial de prestations de services d'audit, fiscaux et de conseil qui a généré un chiffre d’affaires consolidé de 23,4 milliards de dollars en 2013.  « L'Agence du revenu semble dire aux Canadiens : si vous êtes bien nantis, on vous donne une deuxième chance, mais si vous ne l'êtes pas, vous êtes coincés », affirme Duane Milot, avocat fiscaliste de Toronto.

  • Le 8 mars, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU critiquait sévèrement le Canada pour ses « mesures d’austérité » et invitait le gouvernement fédéral ainsi que les provinces à mesurer l’impact des compressions budgétaires sur les personnes les plus vulnérables. « Les Canadiens les plus vulnérables, dont les femmes, les autochtones, les itinérants et les personnes handicapées, notamment, ont souffert de la baisse relative du financement des programmes sociaux. » Le Comité est préoccupé par la stagnation du financement des programmes sociaux, par les bas taux d’imposition des entreprises et par l’impact disproportionné des mesures d’austérité introduites dans un certain nombre de provinces. L’ONU invite à annuler la réforme de l’assurance emploi qui a réduit l’accès aux prestations, à augmenter l’aide au développement à 0,70% du produit intérieur brut, à investir dans les logements sociaux.

  • Le gouvernement du Québec impose des coupures draconiennes dans la santé, l’éducation, les centres de la petite enfance, etc. et promeut présentement le projet de loi 70 qui menace de couper le chèque d’aide sociale qui n’est déjà que de 623 $ par mois, pénalisant ainsi les plus démunis. 

     Les mesures d’austérité et les coupures de services à la population affectent les plus vulnérables à qui on enlève le peu qu’ils possèdent, alors que les dirigeants des compagnies et des gouvernements se payent des primes phénoménales et empochent des millions. Ce capitalisme est celui auquel Jésus et ses disciples doivent s’attaquer avec toute la vigueur des grands prophètes. Nous qui prétendons être disciples de Jésus ne pouvons pactiser avec de telles injustices et nous nous devons de combattre ce système même au prix de nos vies. Mais pour cela, il faut vouloir voir clair à tout prix.  « Allons! Montons à Jérusalem! »

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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Le baptême? Tout un plongeon!

 

 

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