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Justice sociale
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chronique du 16 septembre 2016

 

L’eau, une ressource sacrée qu’il faut défendre au prix de sa vie

Berta Cáceres

Berta Cáceres, militante écologiste du Honduras, assassinée le 3 mars 2015.


Quand le Seigneur Dieu fit la terre et le ciel, il n'y avait encore aucun buisson sur la terre, et aucune herbe n'avait encore germé, car le Seigneur Dieu n'avait pas encore envoyé de pluie sur la terre, et il n'y avait pas de glébeux [1] pour servir le sol.

Un fleuve prenait sa source au pays d'Éden et irriguait le jardin. De là, il se divisait en quatre bras. Le premier était le Pichon; il fait le tour du pays de Havila. Dans ce pays, on trouve de l'or, un or de qualité, ainsi que la résine parfumée de bdellium et la pierre précieuse de cornaline. Le second bras du fleuve était le Guihon, qui fait le tour du pays de Kouch. Le troisième était le Tigre, qui coule à l'est de la ville d'Assour. Enfin le quatrième était l'Euphrate.
Le Seigneur Dieu prit le glébeux et l'établit dans le jardin d'Éden pour le servir et le garder.

Le jardin d’Éden, Genèse 2, 4-15

     Nous avons reçu la terre en héritage et l’eau donne vie à la terre et à ses glébeux. Notre territoire est parmi les plus favorisés en ce qui concerne l’eau douce sur la planète, une richesse de plus en plus menacée. Nos rivières et nos lacs ont servi aux peuples autochtones qui s’y déplaçaient à travers toute l’Amérique du Nord dans leurs canots. Mais déjà en 1888, Jules Verne dans son  livre Famille sans nom, décrivait avec grande perspicacité les agressions subies par la nature. Il dénonçait la disparition des nuées de tourtes qui survolaient autrefois le Saint-Laurent et les assassins des arbres qui déboisaient la région de Montréal. En effet, la révolution industrielle nous a plongés depuis deux cents ans dans une dynamique de domination de la création et de sa destruction progressive.

     J’ai grandi à Trois-Rivières au confluent du grandiose Saint-Laurent et de la mythique Métabéroutin , la rivière Saint-Maurice. Je me souviens que notre ville était polluée : l’air y était irrespirable à cause des nombreuses papetières qui rejetaient dans le ciel leurs déchets chimiques et l’eau était imbuvable à cause de la flottaison des « pitounes ». Notre rivière fut la dernière à être débarrassée du flottage du bois en 1996. Depuis 20 ans, nous buvons enfin de l’eau dite potable. Mais l’administration municipale vient de décider de reprendre la fluoration de  l’eau à Trois-Rivières pour prévenir la carie dentaire ; de nombreux citoyens sont outrés par cette décision d’imposer un traitement médical collectif coercitif et se sont mobilisés pour empêcher cette nouvelle pollution. Une conscience sociale est en train de naître enfin : les gens se mobilisent pour défendre l’eau, richesse collective.

     Par ailleurs, la construction de l’oléoduc Énergie Est qui projette d’acheminer le pétrole des sables bitumineux d’Alberta jusqu’à l’Atlantique sème la panique au Québec. Selon une récente étude réalisée par la Polytechnique de Montréal, la canalisation doit franchir des centaines de cours d’eau dont 24 rivières qui sont considérées à haut risque et ayant tous le fleuve Saint-Laurent comme embouchure. Parmi ces rivières se trouvent la rivière des Outaouais qui approvisionne en eau potable la grande région de Montréal, un bassin de plus de trois millions de personnes.  Aucune installation de purification de l’eau potable n’est équipée pour traiter une eau contaminée au pétrole. Il est important de souligner que pour la région métropolitaine comprenant bien sûr Montréal, Laval, une bonne partie de  la Rive-Nord et la Rive-Sud, la possibilité d’avoir recours à une prise d’eau alternative n’existe pas.

     Le livre de la Genèse devrait nous interpeller comme croyantes et croyants : dès la première page du livre sacré, on nous rappelle notre rôle, celui de servir et garder le jardin d’Éden qui nous est confié. Le prophète Jérémie, il y a de cela bien des siècles, rappelait à ses contemporains que la terre fertile de Dieu avait été rendue impure et abominable. Écoutons-le !

Dieu dit : Je vous ai fait venir dans un pays fertile, pour que vous profitiez de ses meilleurs produits. C'était mon pays, vous y êtes entrés, mais vous l'avez rendu impur ; c'était ma propriété, mais vous en avez fait quelque chose d'abominable….  Les spécialistes de la loi m'ont ignoré, les dirigeants se sont révoltés contre moi, les prophètes ont parlé au nom de Baal, et tous se sont attachés à des dieux incapables. C'est pourquoi je reste en procès contre vous, et le serai encore avec vos descendants, déclare le Seigneur.…. Mon peuple a commis une double faute : il m'a abandonné, moi la source d'eau vive, pour se creuser des citernes ; et ce sont des citernes fissurées, incapables de retenir l'eau !» (Jérémie 2, 7 -13)

     L’écologiste militant Philippe Duhamel décrit cette impureté qui souille notre pays, les projets d’oléoducs transcanadiens. « Ces nouvelles infrastructures auront pour effet d’entretenir pour de nombreuses décennies encore notre dépendance au pétrole et aux énergies sales qui, nous le savons aujourd’hui, menace le futur et cause déjà des famines en Afrique, la fonte des pôles et du Groenland, le dégel du pergélisol, la disparition des Maldives et du Bangladesh, ainsi que d’intenses désastres — incendies, inondations, ouragans près de chez nous et partout sur le globe. » Et il ajoute : « Nous ne pouvons plus, comme nous le faisons depuis plus d’un siècle, encore pelleter nos déchets dans la cour des générations futures pour nourrir la folie d’accumulation et l’hyperconsommation égoïste d’une minorité globalitaire. » [2]

     Oui, un autre monde est nécessaire, car il n’y a pas d’arche de Noé capable de rescaper l’humanité de sa violence face à la terre et à l’eau. Amnistie Internationale révélait en juin que « le nombre de défenseurs de l’environnement tués dans le monde en 2015 n’a jamais été aussi important, avec 185 morts constatées, soit 59 % de plus qu’en 2014… Les secteurs d’activité les plus concernés par ces assassinats sont l’extraction minière, l’agro-industrie, le braconnage ou encore la sylviculture, dont les sites ou les projets d’exploitation sont parfois bloqués par les populations indigènes ou les militants. L’ONG Global Witness déclarait dans son rapport que « tuer afin d’atteindre des objectifs économiques est devenu politiquement acceptable. » [3]  Winona LaDuke, une militante autochtone des États-Unis, économiste et spécialiste en environnement de réputation internationale, déclarait : « Qui peut expliquer la raison pour laquelle lutter pour conserver l’eau potable fait de moi une redoutable activiste et avoir pour projet de la souiller chimiquement ne fait pas des promoteurs de dangereux terroristes? »

     À une Église en crise qui cherche désespérément à sauver ses temples et ses presbytères, je lance un appel à s’engager à sauver l’eau et la terre. Nos histoires saintes sont là pour nous montrer où mettre nos priorités. Il faut abandonner courageusement une religion basée sur des pratiques dévotionnelles sans engagements. La défense de l’eau et de la vie sont au cœur de notre foi chrétienne et cet engagement passe par notre participation à une lutte sans quartier contre les puissances obscures qui détruisent aveuglément notre planète. L’Apocalypse nous permet de rêver comme le faisait cette petite communauté chrétienne du Ier siècle, engagée contre la Bête immonde d’un empire romain violent et injuste. La communauté de croyantes et de croyants, toutes religions confondues, devra mettre au cœur de ses priorités la protection de l’eau qui surgit du trône de Dieu. Que ces paroles nous donnent le courage nécessaire pour nous engager à la suite de ces centaines de sœurs et de frères qui sont les nouveaux martyrs de la protection de l’environnement.

L'ange me montra aussi le fleuve d'eau de la vie, brillant comme du cristal, qui jaillissait du trône de Dieu et de l'Agneau, et coulait au milieu de la place de la ville. De chaque côté du fleuve se trouve l'arbre de la vie, qui donne des fruits douze fois par année, une fois chaque mois. Ses feuilles servent à la guérison des nations. Il ne s'y trouvera plus rien qui soit frappé par la malédiction de Dieu.

Apocalypse 22,1-3

[1] Le Genèse utilise le mot adâm (de adamah, la terre nourricière) pour désigner l’être de terre sorti des mains de Dieu. André Chouraqui traduit ce mot par « glébeux », être de la glêbe, une manière de souligner l’intime relation de l’humain à la terre dont il est issu.

[2] http://nonviolence.ca/index.php/entrevue-militant-philippe-duhamen

[3] http://www.goodplanet.info/actualite/2016/06/20/185-militants-ecologistes-assassines-2015-monde

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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La Bible n’est pas un livre d’histoire

 

 

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