Agar et Ismaël au désert. Joseph Straka (1864-1946). Galerie du Belvédère, Vienne (Wikimedia).

12 jours d’action contre les violences faites aux femmes

Renaude GrégoireRenaude Grégoire | 14 novembre 2022

Du 25 novembre au 6 décembre est soulignée, au Québec, les 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes. Dans nos réseaux ecclésiaux, à part pour quelques groupes, ces journées passent sous silence. Mon article ne propose pas de grandes réflexions, mais invite les lecteurs et les lectrices à ouvrir leur Bible, seul ou en groupe, en lisant, en réfléchissant, à partir d’un récit par jour, sur les femmes victimes de violence dans la Bible et dans nos sociétés à la lumière de ces quelques courts commentaires.

Comme le souligne Irmtraud Fischer : « Le seul fait qu’il y ait des textes bibliques qui s’intéressent aux victimes et qui sont orientés en leur faveur peut être considéré comme digne d’intérêt » [1].  Par contre, nous savons que toutes les femmes et les filles violentées ne sont pas sauvées dans les récits bibliques.
L’attitude de Jésus envers les femmes et les filles ne devrait-elle pas être un appel à agir? Car en aucun temps, il n’a refusé, même après la discussion avec la Cananéenne, de poser des gestes de libération et de reconnaissance de leur dignité.

Le parcours d’un récit par jour qui vous est proposé risque d’être bouleversant et sans doute dérangeant. En espérant, qu’avec ces femmes de la Bible, que s’ouvrent nos yeux sur les réalités des femmes et des filles de nos milieux. Comme le souligne Irmtraud Fischer, ces textes « doivent être lus comme une memoria Passionis (« mémoire de la Passion ») et comme avocats des victimes, en ce sens qu’ils ne laissent pas les auteurs s’en tirer en silence, mais qu’ils les nomment et désignent leurs actes. » [2]

25 novembre 

Agar, expulsée et rejetée (Genèse 21, 8-21)

Quels types de violence sont vécus par Agar? Quels liens pouvons-nous faire entre l’histoire d’Agar et les femmes sans domicile ou vivant dans la rue?

26 novembre

Myriam est seule à payer le prix (Nombres 12)

Alors qu’Aaron a aussi comploté contre Moïse, c’est Myriam qui se trouve la seule punie avec la lèpre, entrainant par conséquent son exclusion de la communauté. Avez-vous des exemples où se sont les femmes qui paient le prix des manifestations ou des contestations réalisées avec d’autres?

27 novembre

Bethsabée, violence, perte et souffrance (2 Samuel 11)

En aucun temps, Bethsabée n’a consenti à coucher avec le roi David. En quelques mois, elle accumule les violences, les souffrances et les bouleversements dans sa vie : son mari est tué sur ordre du roi David, elle se trouve ensuite mariée au roi sans avoir donné son consentement et finalement elle perd l’enfant engendré lorsque David l’a prise de force une nuit et renvoyée chez elle. Un continuum de violence et de souffrance. Pourquoi cette histoire, souvent présentée comme un moment de séduction du roi David pour une femme, occulte les violences et les souffrances de celle-ci?

28 novembre

Tamar, trahie, violée et abandonnée (2 Samuel 13)

Qui sont les Tamar d’aujourd’hui? Tamar a fait une dénonciation publique du crime commis par son demi-frère. Quels liens faites-vous avec le mouvement #ME TOO (MOI AUSSI).

29 novembre

Suzanne et le peu de poids de sa parole (Daniel 13)

Comment représente-t-on ce récit dans l’iconographie religieuse à partir du 15e siècle? Le bain de Suzanne y est à l’honneur! Qui s’intéresse à la vulnérabilité de Suzanne devant ces deux vieillards? Quelle version de l’histoire sera crue? Celle des deux hommes ou celle de Suzanne? Comment ce récit nous renvoie-t-il au manque de crédibilité accordée aux victimes, particulièrement dans les assises judiciaires?

30 novembre

Complaintes des filles (Jérémie 9, 19-20)

Dans le texte biblique, les femmes sont invitées à enseigner à leurs filles les complaintes et les chants de tristesse devant la montée de la violence. Aujourd’hui, d’autres moyens sont utilisés par les femmes et les filles pour dénoncer les violences dont elles sont victimes. En même temps, les voix des filles victimes de violence et en situation de guerre et de catastrophe sont souvent étouffées. Comment relayer ces voix afin que les choses changent?

1er décembre

La femme qui perd du sang : exclue à cause de sa condition physique (Marc 5, 21-43)

La condition de santé des femmes et des filles engendre souvent des exclusions et chaque époque et chaque culture a les siennes. En cette journée mondiale du sida, nous pouvons réfléchir sur les droits humains des femmes et des filles vivant avec le VIH, particulièrement dans les régions les plus défavorisées du monde. Les inégalités se vivent aussi au niveau de l’accès aux médicaments et aux soins. Connaissez-vous des organisations de solidarité internationale qui attirent l’attention sur les femmes et les filles vivant avec le VIH?

2 décembre

La jeune fille captive invisible (2 Rois 5)

En cette journée internationale de l’abolition de l’esclavage, le court passage biblique nous parlant de cette jeune femme captive dont nous ne savons pas le nom peut nous ouvrir sur la réalité des femmes et des filles captives d’hier et d’aujourd’hui. Cette captive va apporter du positif vis-à-vis ses maitres… mais rien ne changera dans sa situation. Étonnant? Lorsque des femmes et des filles sont exploitées dans les usines, les champs et dans les commerces, elles contribuent à la prospérité des autres. Mais elles restent toujours exploitées…

3 décembre

Les femmes, buttins de guerre : la prière de Judith (Judith 9, 2-4)

Alors que son peuple vit une situation critique, Judith prie le « Dieu des humbles, le secours des petites, le défenseur des faibles, le protecteur des abandonnés, le sauveur des désespérés. » Or sa prière évoque dès les premiers mots les viols des guerriers ennemis commis envers les femmes du peuple : « [les] étrangers qui avaient … profané son sein pour son déshonneur. » (Judith 9, 2-4). Comment portons-nous les violences faites aux femmes dans notre prière personnelle et communautaire?

4 décembre

Les filles de Loth, offertes à un groupe d’hommes (Genèse 19, 1-8)

Ce passage biblique est souvent passé sous silence au sujet de Sodome. Loth ne veut pas que les deux anges arrivés à Sodome passent la nuit dehors et les accueille chez lui. Or tous les hommes de la ville veulent les voir pour « prendre leur plaisir ». Loth s’y oppose fermement et offrent plutôt ses deux filles en disant : « J’ai deux filles qui sont encore vierges ; je vais vous les amener et vous les traiterez comme vous voudrez. » Bien que dur à entendre, il ne faut pas aller loin, et c’est le cas dans certaines familles, pour découvrir que des enfants, dont des filles, sont offerts à des adultes pour satisfaire leur plaisir. Sujet difficile à aborder pour des communautés au prise avec les scandales de pédophilie. Le chemin de la reconnaissance des faits et de la guérison est-il en marche?

5 décembre

Mikal : monnaie d’échange (2 Samuel 3)

Dans un conflit qui oppose Saül et David, Mikal sert de monnaie d’échange. Dans notre monde de profits, des femmes et des filles sont sacrifiées pour que les profits de compagnies et de multinationales augmentent. Pouvez-vous nommer des exemples?

6 décembre

Ruth et Noémi : la solidarité devant l’inconnu (Ruth)

Veuves, sans ressources, en situation de très grande vulnérabilité, Noémi et sa belle-fille Ruth, entreprennent la route de la migration. Noémi n’a que sa belle-fille Ruth et se sent remplie d’amertume. Elles quittent un lieu de famine et se mettent en route vers Bethléem. La solidarité de Ruth envers Noémi a permis aux deux de survivre. Comment la solidarité envers les femmes et les filles est importante dans notre vie de foi? Dans la lutte contre la violence.

Suite au drame de Polytechnique en 1989, le 6 décembre est une Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes. Comment allez-vous souligner cette journée?

Renaude Grégoire est engagée dans des réseaux de justice sociale depuis une vingtaine d’années. Elle collabore à divers projets de justice sociale, de paix et de protection de l’environnement.

[1] Irmtraud Fischer, « Harcèlement sexuel dans la Bible », Études (juin 2018) page 77.
[2] Irmtraud Fischer, « Harcèlement sexuel dans la Bible », Études (juin 2018) page 88.

Hammourabi

Justice sociale

Les textes proposés provoquent et nous font réfléchir sur des enjeux sociaux à la lumière des Écritures. La chronique a été alimentée par Claude Lacaille pendant plusieurs années. Depuis 2017, les textes sont signés par une équipe de collaborateurs.