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La lampe de ma vie
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chronique du 15 mars 2002
 

Une porte qui ouvre sur l'Éternel
La fréquentation des pauvres

 

QuestionDepuis que je suis enfant, on ne cesse de nous répéter qu'il est important de venir en aide aux pauvres, de prendre le temps de les rencontrer, etc. Est-ce si important de fréquenter les pauvres pour des chrétiens? (Axel)

RéponseJe ne sais trop ce que ton entourage voulait dire par les mots que tu cites, mais, à mon avis, on t'a mise sur une piste fort prometteuse pour ton cheminement de foi. Trop de chrétiens se contentent de dire « Seigneur! Seigneur ! » (Mt 7,21). Souvent décrite dans la Bible, cette attitude tend à faire de la religion quelque chose de « vertical », qui se déroulerait entre Dieu et chaque personne. On soigne les prières et les moments d'intériorité à la chapelle (ce qui est très bien), mais on laisse des pans entiers de la vie chrétienne aux oubliettes...

La religion et le privé

     Aujourd'hui, pour accentuer ce réflexe, on voit apparaître une tendance généralisée à renvoyer les questions religieuses dans la sphère du « privé »; non pas comme une dimension digne de respect, de tolérance, mais comme une négation de la dimension « publique » ou collective de la foi. « On ne parle pas de religion ici » ou « ça, ce sont tes affaires, ne viens pas nous achaler avec ça ». Sur les questions religieuses, très souvent, le dialogue est vite rompu.

     Beaucoup de chrétiens tombent dans le panneau de l'individualisme et, bientôt, se construisent une foi toute personnelle et isolée. Certains observateurs parleront d'une foi vécue en « cocon ». Les liens avec d'autres personnes, au nom de cette foi justement, apparaissent très fragiles sinon inexistants. Tout au plus, l'autre peut m'aider à grandir... en autant que cela ne nous engage pas trop l'un envers l'autre.

     Or, la Bible dans son ensemble souligne l'importance d'appartenir à une communauté et de cheminer avec d'autres. Déjà, avec l'Exode, on voit comment Dieu se « choisit un peuple »: il le rassemble et le constitue à partir de clans d'esclaves qui s'échappent de l'Égypte (livre de l'Exode). Même les destinées individuelles dans la Bible ont été racontées et transmises parce qu'elles éclairaient la vocation du peuple (Moïse, Juges, David, etc.) à vivre et cheminer avec Dieu.

     Les prophètes rappelleront plus tard qu'Israël se fait illusion lorsqu'il pense servir Dieu en ignorant la part du peuple qui vit dans la misère : « Ils improvisent au son de la harpe, chantant comme David leurs propres cadences, buvant du vin dans des coupes, et se parfumant à l'huile des prémices, mais ils ne ressentent aucun tourment pour la ruine de Joseph. » (Am 6,5-6) Les prophètes rappellent que « service de Dieu » et « soutien des plus faibles » sont inséparables.

Jésus et les oubliés

     Sur ce point, Jésus ira encore plus loin. Quand on parle de foi chrétienne, la présence des autres est essentielle à tout itinéraire véritable. Le service même de Dieu ne peut se faire en vérité sans une réelle attention aux « oubliés » de toute société. Tous pourront prétendre « grandir dans la foi » ou « avancer en vie spirituelle », mais sans une croissance dans l'amour des petites gens, il est fort probable que l'on se berce d'illusion. Car l'amour du Père, qu'on ne voit pas, ne peut grandir sans une croissance dans l'amour de ceux qu'on voit et qui ont besoin (1 Jn 4,20, voir aussi 1 Jn 3,17). « N'aimons pas en paroles et de langue, mais en acte et dans la vérité » (1 Jn 3,18).

     Mais ce n'est pas tout. Jésus va jusqu'à s'identifier à celui ou celle qui souffre. Le célèbre récit du Jugement dernier nous en livre toute la profondeur (Mt 25,31ss). Il n'y a pas l'amour du prochain et, comme à côté, l'amour du Christ. L'amour du Christ, que la personne en soit consciente ou non, se confond avec tout service réel de la personne dans le besoin. Avec la parabole du bon Samaritain, par ailleurs, on apprend qu'en servant la personne qui souffre, on s'ouvre mystérieusement au monde de Dieu : « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en partage? » (Lc 10,33ss).

     Mais allons encore plus loin. Jésus ne s'est pas contenté de soutenir les personnes appauvries. De plusieurs manières, et avec des moyens qui ne sont pas les nôtres, il a travaillé à redresser les « gens courbés » par l'exclusion et la misère. Autour de lui, les gens se redressent, recommencent à croire qu'ils ne sont pas oubliés et ignorés. Ils voient un homme respectable qui vient partager leur pain. Jésus, par sa présence et son action, redonne dignité à ceux que les autres tendent à écraser.

     Que ce ne soit pas le charisme de tous les chrétiens d'aider en tout temps les pauvres, c'est normal. Que tous ne soient pas capables de vivre avec des personnes ayant un handicap, c'est évident. Mais je suis pour ma part persuadé que toute vie chrétienne ne peut se déployer pleinement sans une présence significative auprès de personnes appauvries ou isolées. L'ancien général des Jésuites, Pedro Arrupe, parlait de la « dîme du temps » : au moins quelques heures par semaine en présence de l'humanité souffrante. Je crois qu'il s'agit de l'une des plus justes reformulations de la mission des chrétiens aujourd'hui. Je crois, en effet, que Dieu nous y attend.

Guylain Prince, ofm

Chronique précédente :
Récit, histoire et théologie

 

 

 

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