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La lampe de ma vie
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chronique du 24 janvier 2003
 

Le Congo entre souffrances et prières : paradoxe ou signe d'espérance?
 

C'est en méditant le contenu des Psaumes que j'ai trouvé un début de réponse à cette question. Car, j'ai observé qu'il y a une similitude entre l'expérience de piété des Hébreux en temps d'exil et celle des Congolais, en ce qui regarde les souffrances vécues par ces deux peuples.

Les psaumes comme miroir de la vie souffrante des Hébreux

L'histoire biblique nous apprend que le peuple d'Israël a souvent recouru à Dieu et lui a demandé son soutien durant ses temps difficiles: lors de l'esclavage en Égypte, de l'exil à Babylone, etc. Au moment des grandes détresses et d'oppressions, ce peuple s'est tourné vers Dieu pour solliciter la délivrance. Des longs passages de la Bible font état de cette situation. Les plus connus sont ceux qu'on retrouve dans les livres des prophètes comme Isaïe (cf. le récit du Serviteur souffrant dans Isaïe 52 et 53) et dans celui des Psaumes (22 ; 40 ; 51 ; 63 ; 69 ; 86; etc.)

     Prenons le psaume 86, par exemple. Lorsqu'on le parcourt, on constater facilement que le drame du psalmiste (et du peuple) et sa recherche de libération sont présentés en trois étapes: la lamentation, la supplication et l'espérance.

     1. La lamentation du psalmiste est énoncée au verset 14: « Ô Dieu, des orgueilleux ont surgi contre moi, une bande de forcenés pourchasse mon âme, point de place pour toi devant eux  ». Les motifs de ses lamentations: il est persécuté et pourchassé par des orgueilleux. Le psalmiste ajoute: cette bande de forcenés n'a aucune crainte de Dieu.

     2. L'étape de supplication, elle, regroupe le plus grand nombre de versets du psaume: lb-13 et 15-16. Dans ces nombreux versets, le « pauvre et malheureux  » psalmiste en appelle à Dieu explicitement: Il crie au secours. Sa demande de salut implique, non pas la destruction des païens (ou étrangers) qui sont responsables de la persécution, mais leur conversion. Le psalmiste appelle Dieu à son secours pour qu'il soit délivré de la poursuite des païens. Et en même temps, il veut obtenir de Dieu que ses persécuteurs puissent rendre gloire au nom de Yahvé.

     Plus loin, le cri d'appel du psalmiste devient une demande explicite: « Mais toi, Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, plein d'amour et de vérité, tourne-toi vers moi, pitié pour moi! Donne à ton serviteur ta force et ton salut au fils de ta servante, fais pour moi un signe de bonté  » (86, 15-17a). Cette explicitation de la demande débouche sur l'expression d'une espérance confiante.

     3. La confiance en une solution éventuelle du problème est exprimée par le verset 17b: « Ils verront, mes ennemis, et rougiront, car toi, Yahvé, tu m'aides et me consoles  ». Le psalmiste n'est pas encore délivré ; mais il y a une lueur d'espoir, quoique lointaine, et une conviction très nette de la fin de la souffrance que lui infligent ses persécuteurs. Cette espérance du psalmiste est basée sur deux certitudes qu'il puise dans son expérience passée: « Au jour de l'angoisse, je t'appelle, car tu me réponds, Seigneur  » (86, 7) et « tu as tiré mon âme du tréfonds du shéol  » (86, 13).

     Sachant qu'au jour de l'angoisse le Seigneur lui a répondu et qu'Il a sorti son âme du shéol, le psalmiste peut alors espérer et avoir confiance, bien qu'il ne soit pas encore sain et sauf. Cela lui permet même d'affirmer: « Ils verront, mes ennemis, et rougiront...  ». Dans cette affirmation, on retrouve sans doute l'expression de la confiance du psalmiste ; et cette confiance n'est pas fébrile car elle est fondée sur des faits concrets et vrais. Le psalmiste sait que Yahvé l'a déjà aidé et consolé, dans le passé. Cela suffit pour recréer chez lui, au milieu des problèmes présents, un peu de paix dans son coeur et pour anticiper la fin du drame.

Du peuple biblique au peuple congolais: même dynamique?

     S'il est vrai que la lecture des psaumes, en particulier ceux de libération, manifeste qu'ils sont le reflet d'un peuple biblique meurtri qui s'est tourné vers son Dieu pour demander la délivrance, qu'en est-il des louanges du peuple congolais ? Non seulement ils traduisent l'état lamentable du peuple en prière et expriment son désir de s'en sortir, mais aussi ils véhiculent l'espérance de sortir définitivement du tunnel.

     1. La prière congolaise comme expression des lamentations d'un peuple meurtri! Pendant ma jeunesse, on racontait qu'un artiste congolais avait été invité à rencontrer le pape dans les années 70. Objet de la rencontre: parler d'une de ses compositions musicales dans laquelle l'artiste, s'interrogeant sur l'origine de la souffrance dont son peuple était victime, insinuait qu'elle tenait au fait qu'il appartenait à la race noire. « Nzambe, na komituna! Moto mwindo a wuta nde wapi? Adamo na Eva bango nde mindele...  » (N'est-ce pas par la couleur 'noire' qu'on a l'habitude de caractériser la souffrance ou tout ce qui est drame!). Je n'ai jamais vérifié l'authenticité de ce conte. Pourtant, qu'il soit vrai ou pas, on peut considérer qu'il contient une bonne part de vérité, suggérant essentiellement que le peuple congolais écope des souffrances sérieuses. L'on sait d'ailleurs que dans les dernières années, d'autres chansons populaires ont fait entendre les mêmes cris de pleurs: « Kinshasa moto... Kinshasa bopovre.  » C'est-à-dire (littéralement): « À Kinshasa ça chauffe... à Kinshasa c'est la pauvreté !  »

     2. De la prière à gogo... des églises pleines... des sectes qui pullulent ! Depuis quelques années, des sectes et des mouvements religieux ont fait irruption au Congo. On y prie, on y chante jour et nuit: « Nous élevons vers Toi nos cantiques et nos prières, o Père, exauce-nous (...) de la misère et de la faim...  » ; « Bana Africa to sambela butu moyi... »

     Or, il se trouve des théologiens qui pensent que la grande ferveur religieuse observée au Congo est une explication de la pauvreté, de la souffrance, de la crise, des mutations socioculturelles, de la dégradation du tissu et des structures sociales. C'est notamment l'avis de Mgr Ntedika Konde, directeur du Centre d'Étude des Religions Africaines qui déclarait: les « sectes et les Églises africaines constituent une tentative pour établir un lien direct avec Dieu, pour découvrir une voie de salut pour les humbles, et la plénitude de la révélation pour les simples. »

     Le foisonnement des sectes au Congo est lié à la tentative des humbles de découvrir une voie de salut, puisqu'ils ont compris que, s'ils veulent sortir de leurs souffrances, ils doivent aller à la recherche d'un allié puissant et supérieur, un vrai libérateur, qui puisse leur procurer un apaisement et une libération durables. Les chefs temporels ne méritant plus la confiance, puisqu'ils sont des affameurs qui promettent sans jamais réaliser, les pauvres congolais se tournent vers Dieu qui « ne peut décevoir  », Lui le seul vrai rocher. Dans cette dynamique, leurs cris et leurs prières de supplication les placent dans un authentique processus de délivrance et de libération. Et du coup, bien que n'étant pas encore sorti des souffrances que leur imposent des régimes despotiques successifs, les congolais ont confiance que cette situation de misère finira un jour.

     3. Une prière accompagnée des luttes contre la souffrance. Est-ce un signe d'espérance? Les lamentations du peuple congolais ne s'arrêtent pas au cri de supplication adressé à Dieu. Bien au contraire, au milieu de ses souffrances, il exprime sa détermination et pose des gestes concrets pour mettre fin à son drame. Il accompagne ses prières, par différentes manifestations d'engagement à lutter contre les oppressions et les souffrances. De sorte que, même si ce peuple vit encore une situation de crise et qu'il n'est pas encore libéré du joug de ses chefs fantoches et affameurs, il garde confiance et espère. C'est cette confiance qui fonde chez l'humble congolais cet horizon de lumière commençant au loin et recréant déjà, au milieu des problèmes qu'il vit, un peu de paix dans son coeur.

La prière du peuple congolais
comme une offrande de ses souffrances

     Les souffrances du peuple congolais sont pénibles et lourdes. Elles sont « noires  », ironie du sort! C'est pour cette raison que le peuple s'en plaint; il se défoule devant Dieu dans les larmes et les gémissements; il extériorise ses problèmes au lieu de les contenir. Plutôt que d'en rester à des plaintes, le peuple congolais fait appel à Dieu avec des cantiques et des psaumes de libération, cimentant sa piété. À travers la prière des psaumes, ces gens simples crient leurs souffrances à Dieu. Ils expriment leur confiance en Dieu qui peut les libérer de l'oppression que leur imposent des forces humaines, celles des forcenés qui se réjouissent du malheur des simples.

     L'on comprend donc qu'il n'y a rien de contradictoire entre les souffrances du peuple congolais et sa ferveur religieuse ! À travers sa grande piété, ce peuple offre ses nombreuses douleurs à Dieu. À travers les diverses formes d'expression religieuse, le peuple meurtri crie sa souffrance à Dieu et espère de Lui une délivrance. En cela, il ressemble au peuple d'Israël qui, lors des déportations, des exils et de(s) diverses oppressions, a formulé ses plus belles prières des psaumes, comme écho de son drame, de son cri d'appel et de son espérance en Dieu, Sauveur et Libérateur.

     Aussi, au moment de finir cette méditation, je me sens étreint d'un frémissement du coeur, d'un émerveillement spirituel et aussi esthétique. Je contemple la joie et la paix intérieure saisissantes des assemblées de gens simples du Congo. À travers leur prière des Psaumes et leurs louanges, eux aussi crient leur peine et célèbrent les aspects les plus divers qui tissent leur vie de tous les jours.

Jean-Chrysostome Zoloshi, ptre

Chronique précédente :
Paul et les autorités

 

 

 

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