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La lampe de ma vie
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chronique du 22 janvier 2016

 

Dieu : source de violence ?

L'assassin court toujours

La une du numéro spécial de Charlie Hebdo commémorant
le massacre perpétré contre ses journalistes.

Retour au début de la série »»

Si je peux comprendre certaines réactions que j’ai en partie partagées, je n’admets pas l’amalgame que l’on établit entre Dieu et la violence, comme c’est le cas avec la caricature de la revue Charlie Hebdo, à la une du numéro qui commémore le massacre perpétré contre ses journalistes en janvier 2015. Dieu, dessiné avec un fusil-mitrailleur dans le dos, serait-il l’assassin à rechercher et à condamner ? Par son caractère outrancier, la caricature reste à son niveau de caricature qui met dans le même sac Dieu, la religion et les assassins. La libre-pensée et l’anticléricalisme primaire de l’ultra-gauche française croient triompher, s’évitant ainsi de chercher les autres éléments sociaux et politiques à l’origine de la violence. Même sous son caractère outrancier, la question reste posée : la foi en Dieu et la religion sont-elles à l’origine de la violence ?

     Par l’utilisation de textes particuliers, replacés dans leur histoire, je voudrais montrer comment change ou évolue le visage du dieu que les textes de la Bible présentent. En reprenant les traditions claniques et en méditant sur les événements de l’histoire vécue par ce peuple, les hommes qui ont écrit les livres de la Bible ont mis à jour le visage de Dieu. Pris d’abord par les premiers Hébreux comme un dieu rival de Baal, ils vont progressivement faire l’expérience d’un Dieu différent. Le point culminant de cette évolution sera, pour les chrétiens, marqué par l’événement Jésus, proclamé comme Christ et Seigneur.

Un Dieu qui libère

     Commençons par remonter le temps et arrêtons-nous vers 1200 av. J.-C. C’est la période qui a vu la sortie des Hébreux d’Égypte et leur établissement en Canaan. Des textes, repris dans la Bible à partir de vieilles traditions orales, rapportent les événements de ce lointain passé dont on exalte le souvenir en les magnifiant. La sortie d’Égypte est une immense épopée dans laquelle YHWH, le Dieu qui se révèle à Moïse, est l’acteur principal. Il fait étalage de sa puissance avec le massacre de tous les premiers-nés d’Égypte et du bétail. Alors que tous ont passé « à pied sec » retentit, sur le bord de la mer, le chant de victoire qui magnifie l’action du Seigneur :

Je chanterai pour le Seigneur ! Éclatante est sa gloire : il a jeté dans la mer cheval et cavalier ! Ma force et mon chant, c’est le Seigneur : il est pour moi le salut. Il est mon Dieu, je le célèbre ; j’exalte le Dieu de mon père. Le Seigneur est le guerrier des combats ; son nom est « Le Seigneur ». Les chars du Pharaon et ses armées, il les lance dans la mer. L’élite de leurs chefs a sombré dans la mer Rouge. L’abîme les recouvre : ils descendent, comme la pierre, au fond des eaux. Ta droite, Seigneur, magnifique en sa force, ta droite, Seigneur, écrase l’ennemi. (Ex 16,1-6)

     Alors que l’archéologie moderne montre clairement que ces événements n’ont aucun fondement historique crédible, l’auteur biblique entend montrer – sur la base de ces anciennes traditions – que le Dieu d’Israël n’oublie pas Israël en Égypte. Il le sauve avec puissance de l’esclavage dans lequel il était tenu. Lui seul est le Sauveur d’un peuple, bien trop faible pour réaliser par ses seules forces un tel exploit. Ce chant est un résumé de l’acte de naissance du peuple d’Israël. Repris solennellement dans la liturgie pascale, il invite le croyant à se souvenir que son Dieu est un Dieu qui sauve, libère. Ces textes à caractère guerrier fondent l’espérance que l’on peut mettre en lui. Ce que Dieu a fait autrefois en faveur de son peuple, il peut le faire pour le croyant d’aujourd’hui. La liturgie chrétienne a repris, elle aussi, ce chant dans la même perspective de célébration du Dieu libérateur de son peuple, au cours de la célébration du Samedi-Saint. Pris au premier degré, il suscite beaucoup de réticences dans l’esprit et le cœur des personnes qui le chantent. Cette exaltation d’un dieu guerrier qui jette à la mer cheval et cavalier heurte la sensibilité de nombreux croyants qui refusent cette violence divine. Mais si l’on se souvient que ces récits ont été écrits et mis en forme à une époque durant laquelle Israël subit la domination étrangère, on comprend un peu mieux leur fonction. L’exaltation du Dieu qui libère, qui se souvient de son peuple humilié, peut faire renaître, au cœur du petit peuple, la force, le courage et l’espérance.

Un Dieu de la destruction ?

     Prenons un autre récit également très connu que l’on trouve dans le livre de Josué, l’homme qui après la mort de Moïse, prend la responsabilité de conduire le peuple d’Israël dans la terre promise. Après un passage du Jourdain, décrit de manière similaire à celui de la mer Rouge, tout le peuple campe devant la première cité-forteresse du pays, Jéricho. Telle qu’elle est décrite, cette ville est imprenable. Encore une fois, l’auteur utilise le langage de l’épopée pour montrer que Dieu va prendre le relais, face à l’impuissance de son peuple. Suivant l’ordre divin relayé par Josué, les prêtres tournent autour de la ville sept jours de suite, précédés par les joueurs de trompette.Le septième jour, Josué s’adresse au peuple d’Israël en disant :

La ville sera vouée à l’anathème pour le Seigneur, elle et tout ce qui s’y trouve… Mais vous, veillez à éviter l’anathème, de peur que, prenant de ce qui est anathème, vous ne rendiez anathème le camp d’Israël et n’y semiez la confusion. L’argent, l’or, les objets de bronze et de fer, tout sera consacré au Seigneur et entrera dans le trésor du Seigneur.  (Josué 6,17-19)

     Que signifie une ville vouée à l’anathème ? Depuis la nuit des temps, les hommes ont impliqué les dieux dans les guerres qu’ils menaient. Avant de partir au combat, on passe d’abord par le temple pour consulter la divinité et lui offrir les sacrifices qui la mobiliseront. La victoire sur un peuple est considérée comme la victoire de son dieu sur celui des autres. Et parfois, la ville conquise est entièrement détruite et les vaincus sont massacrés, offerts dans un immense sacrifice d’Action de grâces à la divinité qui a donné la victoire. Cela heurte la sensibilité moderne; j’en suis bien conscient et je refuse cette conception du « divin » dont on trouve les traces dans les premières traditions bibliques mises par écrit, et qui reste présente dans certaines mentalités d’aujourd’hui. En fait, selon l’archéologie moderne, la conquête de Canaan s’est faite progressivement dans un pays vidé de ses habitants où les villes-états, telles que Jéricho, n’étaient plus que des amas de cendres depuis très longtemps. Plusieurs siècles après ce peuplement, l’écrivain sacré magnifie ce moment-là dans des récits épiques dont le but est encore une fois de montrer que c’est par la puissance de Dieu qu’Israël est sorti vainqueur de cette conquête. La conception du divin, présente dans ces anciennes traditions, est encore très archaïque. Il faudra attendre des siècles pour qu’elle évolue et que l’on quitte cette idée du dieu « jupitérien » qui manie la foudre et la force pour mettre les hommes au pas et détruire ce qui s’oppose à lui.

     Faut-il se scandaliser de trouver une telle mentalité dans la Bible ? S’il n’y avait que cela, la Bible ne présenterait guère d’intérêt. Les guerres claniques, les massacres et les conquêtes se sont faits « à la manière de l’époque ». L’histoire biblique s’inscrit dans l’histoire et la culture des hommes de ce temps. Les auteurs sacrés s’attachent à interpréter cette histoire et à montrer l’action d’un Dieu qui se soucie sans cesse de son peuple, malgré sa faiblesse et ses démêlés avec ses voisins. Même si les rédacteurs le dépeignent encore à l’image des divinités concurrentes ou de Baal en particulier, le dieu cananéen, le dieu d’Israël prend, sous leur plume, un visage différent. Il se souvient de son peuple humilié et finit toujours par le tirer des situations catastrophiques dans lesquelles il se trouve pris. Il est le Dieu qui libère « à main forte et à bras étendu » comme chante le psalmiste.

     À partir du VIIIe siècle avant notre ère principalement, des hommes vont se lever, que l’on appelle les prophètes. Par leurs paroles et leurs actions retentissantes, ils vont permettre au peuple d’Israël d’affiner peu à peu le visage du Dieu qui s’exprime à travers eux. La situation de l’homme face à la violence va aussi changer, ainsi que la compréhension de Dieu. C’est ce que je vous inviterai à découvrir dans mon prochain article.

Roland Bugnon

Suite de la série :
Découvrir le visage d’un Dieu différent avec Élie

Article précédent :
Chercher Dieu en tâtonnant

 

 

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