Le Christ parmi les lépreux. J. Kirk Richards (Pinterest).

Sur la route de Jésus, un lépreux 2/2

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 23 octobre 2017

Dans la première partie de son évangile, Marc décrit l’action de Jésus sur les routes de la Galilée. Il se manifeste d’emblée comme un thérapeute qui chasse les esprits impurs et guérit les malades. Il surprend la foule qui se presse autour de lui, par la qualité et l’originalité de sa parole et de son accueil des malades et infirmes qui viennent chercher auprès de lui la guérison. Tout de suite, sa renommée est grande et l’on accourt de partout pour le voir et l’écouter. C’est alors que Marc (1,40-45) situe la rencontre avec le lépreux qui brave l’interdit qui le frappe et vient au-devant de Jésus. Il tombe à genoux devant lui et le supplie de le guérir : « Si tu le veux, tu peux me purifier. »

Un lépreux…

Nous vivons à une époque où la lèpre a été en grande partie éradiquée et les médicaments actuels permettent de la stopper. Il n’en reste pas moins que saluer un lépreux qui n’a plus que deux moignons pour vous serrer la main que vous lui tendez provoque un choc. On imagine la peur qu’elle pouvait engendrer, à une époque pas si lointaine, où l’on ne savait comment la soigner. On assistait à la lente décomposition de corps malades. L’unique moyen de s’en protéger était de chasser les lépreux hors de la cité et de les parquer dans des mouroirs à ciel ouvert. Si Marc choisit de rapporter cette rencontre entre Jésus et le lépreux, c’est probablement qu’elle a pour lui une profonde signification. Le lépreux symbolise à ses yeux l’être humain aux prises avec les plus profondes détresses : la maladie inguérissable, la peur, l’abandon, le rejet de tous, le désespoir complet. Qui va s’occuper de lui? Ceux qui croisent son chemin le chassent ou le fuient et les religieux évitent soigneusement toute proximité par crainte de se rendre eux-mêmes impurs.

Figure de l’homme humilié, désespéré, rejeté, le lépreux prend pour nous une forte valeur symbolique. En lui se reflètent toutes les formes de rejet et de condamnations qui traversent les siècles et sont faites en raison de la peur, de l’incompréhension et de la loi religieuse ou civile.

Seigneur, en ce lépreux qui vient à toi, je reconnais bien l’être humain désespéré qui se sent rejeté de tous et ne voit plus quel sens peut encore avoir sa vie qui a fait de lui un paria de la société. En entendant parler de toi, l’espérance a resurgi. Ton accueil des pauvres, des malades et des désespérés l’a poussé à venir te voir, à affronter le regard de celles et ceux qui n’ont que mépris pour lui. Toi tu l’accueilles et ton regard plein d’amour l’encourage à te faire  sa demande : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Toute la foi ou la confiance qu’un homme ou une femme peut te manifester apparaît ici et me permet de découvrir aussi, qu’en certaines occasions, lorsque plus rien ne va, je peux de la même manière crier vers toi mon appel au secours: « Seigneur, prends pitié de moi ! Viens à mon aide et je serai sauvé ! »

Attardons-nous maintenant sur la réaction de Jésus. Elle commence par un regard de compassion qui accueille un homme plus habitué à voir la peur et le rejet sur les visages qui découvrent sa présence. Un regard suffit et tout change. Jésus ajoute à cela un geste simple; il étend la main pour la poser sur lui. A une époque si préoccupée par les questions du pur et de l’impur, dans les pratiques religieuses, son geste ne peut que choquer. En touchant un lépreux, Jésus rompt avec la tradition d’exclusion de toutes ces personnes que l’on croit pouvoir confiner dans les marges de la société, au nom d’une certaine conception de Dieu. Par son geste de compassion et les paroles qui l’accompagnent, Jésus dévoile un autre visage de Dieu. Aucune colère, ni condamnation, mais cette tendresse et cette pitié, dont parlent déjà les prophètes, et qui porte le souci des plus petits, de toutes celles et tous ceux que la vie a blessés. « Je le veux, sois purifié. » Cette simple phrase laisse entrevoir le désir de celui qui est pour les Chrétiens le révélateur de Dieu ou son visage humain, un visage dont l’infinie tendresse pour l’humain blessé, humilié dans sa chair, laisse entrevoir qui est Celui que les peuples appellent Dieu. On est très loin des vieilles conceptions religieuses qui rendent l’être humain coupable du malheur qui le frappe. Le désir de Dieu n’est pas un désir de domination ou d’imposition de sa volonté. Son infinie tendresse le pousse à chercher à relever tous les blessés de la vie et à les libérer de toutes les formes d’entraves physiques ou psychiques qui les empêchent de se remettre debout. Jésus voudrait éviter cette forme de publicité que provoque son geste; il fuit cette renommée qui fait de lui « une simple curiosité ». Mais l’homme guéri de sa maladie et remis debout, ne peut pas ne pas chanter les louanges de celui qui vient de le libérer des ténèbres de l’enfer.

Avec cet homme guéri, Seigneur, je voudrais aussi chanter tes louanges, te remercier pour ton regard de tendresse posé sur lui ou cette main tendue qui lui dit sa dignité d’homme et le relève. La maladie touche le corps, mais ne saurait toucher son âme. Il suffit qu’il crie vers toi sa détresse, implorant ta pitié, pour que tu lui répondes. Ton désir le plus cher est de le voir  debout et réintégrer la vie sociale. Merci Seigneur pour ton amour qui réponds à nos appels et vient nous rejoindre au plus profond de nos détresses. Donne à tant d’hommes et de femmes désespérés,  la foi ou la confiance de ce lépreux, pour qu’ils osent, sans crainte et en vérité, se tourner vers toi et t’adresser leurs propres demandes.

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

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Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.