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Le jugement dernier 3/5
Pierre Prud’homme | 13 janvier 2020
Le 18 septembre dernier, La Maison de la Parole de Saint-Hyacinthe m’invitait à faire une conférence sous le thème « Cultiver la confiance : engagement social et Parole de Dieu ». Cet article est le troisième d’une série de cinq qui en résume le contenu.
« Venez les bénis de mon Père et prenez possession du Royaume des Cieux qui a été préparé pour vous depuis la Création du monde. » (Mt 25,31)
Un Royaume de Dieu en processus
L’Évangile ne dit pas : « Prenez possession du Royaume des Cieux qui a été préparé pour vous dès la Création du monde », mais « depuis ». La notion de processus y est déjà. C’est comme si le Roi nous disait : « Venez les bénis de mon Père et prenez possession du Royaume des Cieux qui a été préparé pour vous depuis la Création, et auquel vous avez contribué. »
Or le Royaume de Dieu se construit au cœur même de nos sociétés qui sont plus complexes que celle dans laquelle a vécu Jésus de Nazareth. Pour que les progrès rapportés par l’Indice de développement humain de l’ONU aient été possibles, il a fallu que des millions d’hommes et de femmes mettent la main à la pâte. Le Royaume de Dieu appelle et passe par l’engagement social.
Dans la perspective du Jugement dernier, les Justes de notre époque seront en droit de demander : « Mais quand t’avons-nous vu affamé, assoiffé, malade, prisonnier, étranger? »
« Venez les bénis de mon Père »
Et les réponses du Roi risquent de ressembler à celles-ci :
« Venez les bénis de mon Père, vous qui vous êtes solidarisés avec d’autres pour mettre en place et faire fonctionner un Resto pop, un organisme communautaire ou une Saint-Vincent-de-Paul ; qui, en plus de distribuer gratuitement des aliments ou d’offrir des repas à prix abordable, cherchiez à briser l’isolement des personnes, à créer un réseau de relations, à les impliquer dans des comités de travail, à offrir de la formation pour prendre ou reconquérir la confiance en eux et leur permettre de se prendre en charge leur sécurité alimentaire.
« Venez les bénis de mon Père qui avez soutenu des organismes et milité dans des organisations ou comités de citoyens qui ont revendiqué auprès des gouvernements et de l’ONU que l’eau soit reconnue comme un droit inaliénable et un bien commun, et qui avez empêché une municipalité de confier sa gestion de l’eau à une entreprise privée soumise à la loi des meilleurs rendements pour les actionnaires.
« Venez vous qui avez milité dans des comités de citoyens pour revendiquer la construction de puits ou d’aqueducs, ou pour empêcher la construction d’un pipeline le long d’un cours d’eau comme le Saint-Laurent, menaçant la source d’approvisionnement en eau pour des centaines de milliers de personnes.
« Venez les bénis de mon Père qui, devant ma maladie et ma vulnérabilité, avez milité pour des soins de santé gratuits et accessibles pour tous, qui avez marché dans les rues pour empêcher les coupures dans les services de santé ou pour en faire augmenter leurs budgets, qui avez mis sur pied des cliniques de santé populaires, qui revendiquez une politique de médicaments pour tous.
« Venez vous qui, lorsque j’étais étranger, avez milité au sein d’organismes d’accueil des réfugiés pour défendre mes droits à un toit et à un revenu convenable, qui m’avez soutenu dans l’apprentissage de la langue ou dans la recherche d’un travail, ou dans l’organisation de sorties culturelles pour favoriser mon intégration.
« Venez vous qui, lorsque j’étais prisonnier, m’avez visité en prison, m’avez accompagné lorsque j’étais en libération conditionnelle ou avez participé à un groupe de justice réparatrice. Vous qui, devant les Bartimée de votre époque, avez passé outre aux murmures de votre entourage ou de votre société qui vous suggéraient de continuer votre chemin pour rendre le moins audible possible les cris de leurs souffrances causées par leurs prisons intérieures.
« Venez les bénis de mon Père qui avez donné de votre temps et de votre personne pour être présence aimante et bienveillante, qui avez risqué des prises de parole pour les sans-voix, qui avez redonné de l’espoir parfois au prix de votre liberté, de votre sécurité et même carrément de votre vie, venez et prenez possession du Royaume que vous avez contribué à construire depuis la Création du monde.
« Car vous m’avez permis de garder ma dignité et de savourer le bon goût de la liberté. »
Pierre Prud’homme est président du conseil d’administration du MTC (Mouvement des travailleuses et travailleurs chrétiens) de Montréal et membre de la Commission Engagement et Foi du MTC national. Il est fortement préoccupé par la défense de droits et la justice sociale et environnementale.