La conversion de Paul (détail). Bartolomé Esteban Murillo, c. 1675-1682. Huile sur toile, 125 x 169 cm. Musée du Prado, Madrid (Wikipedia).

Quand l’Esprit vient bousculer une vie

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 24 février 2020

Lorsque la haine se déchaîne contre Étienne et provoque sa lapidation, le livre des Actes souligne la présence d’un jeune homme qui assiste à la scène et l’approuve sans restriction. Son nom nous est donné. Il s’agit de Saul, un jeune homme venu de Tarse se mettre à l’écoute d’un maître renommé, Gamaliel.

Le jeune homme fait partie de la confrérie religieuse des pharisiens et son avenir est tout tracé. Il se destine à être rabbin et il est prêt à se mettre au service des plus belliqueux d’entre eux. Son zèle pour combattre tous ceux qui dévient de la fidélité aux préceptes de la Loi mosaïque est décuplé par l’énergie de sa jeunesse. Voici ce que l’on apprend à son sujet dans le livre Actes des Apôtres : « Saul était toujours animé d’une rage meurtrière contre les disciples du Seigneur. Il alla trouver le grand prêtre et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas, afin que, s’il trouvait des hommes et des femmes qui suivaient le Chemin du Seigneur, il les amène enchaînés à Jérusalem. » (Ac 9,1-2) Muni de ses lettres d’accréditation et le cœur rempli de rage, Saul part pour Damas avec ses compagnons. Il est loin d’imaginer à cet instant, l’événement qui va complètement bousculer sa vie. Ce moment est considéré comme tellement important, que le rédacteur des Actes n’hésite pas à en faire trois récits, avec des variantes suivant les circonstances. Paul lui-même en parle directement dans sa lettre aux Galates (1,12 - 2,20). Alors que les Actes magnifient l’événement pour en faire ressortir la signification, lui-même est plus discret sur ce qui s’est passé. Il se contente de souligner ce qui suit : « Dieu m’a appelé ; et il a trouvé bon de révéler en moi son Fils, pour que je l’annonce parmi les nations païennes. » (Ga 1,15b-16)

L’essentiel est dit, mais Luc désire que ses lecteurs saisissent bien la portée d’une conversion que les peintres de la Renaissance reproduiront avec faste dans de nombreuses œuvres picturales célèbres. Revenons au récit de Actes 9. L’écrivain plante le cadre de l’action dans les deux premiers versets : la rage meurtrière de celui qui est encore nommé par son nom juif, Saul. Il en veut particulièrement aux adeptes de la foi en Jésus de Nazareth et demande une accréditation pour aller purifier la synagogue de Damas de celles et ceux qui adhèrent à cette nouvelle croyance. Seulement voilà, Jésus l’attend au tournant. Il en a décidé pour lui autrement.

Comme il était en route et approchait de Damas, soudain une lumière venant du ciel l’enveloppa de sa clarté. Il fut précipité à terre ; il entendit une voix qui lui disait : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? » Il demanda : « Qui es-tu, Seigneur ? » La voix répondit : « Je suis Jésus, celui que tu persécutes. » (Ac 9,3-5)

L’aveuglement et l’incompréhension sont total. Saul n’y voit ou ne comprend plus rien. Poursuivant sa route, c’est tenu par la main qu’il est conduit à Damas où il demeure, pendant trois jours, prostré dans le silence et le jeûne. Ce n’est qu’après l’intervention d’Ananie qu’il retrouve la vue et se relève pour être le disciple dont l’action sera déterminante durant les premières années de l’Église naissante. Pourtant, avant de commencer vraiment le travail pour lequel le Seigneur l’a appelé, il devra partir vivre son temps de désert ou de prière et réflexion.

En méditant sur cette histoire tellement importante pour les différentes églises qui se mettront progressivement en place ici et là, je me dis que Dieu a beaucoup d’humour. Le farouche adversaire des disciples de Jésus est retourné comme une crêpe, complètement « reformaté » par l’action de l’Esprit qui fait disparaître le pharisien fanatique et naître l’homme nouveau qui se nommera « l’apôtre des païens ». Libéré de l’enseignement qui lui a été inculqué, il mettra autant d’ardeur dans la nouvelle tâche qu’il en mettait auparavant à combattre les disciples de Jésus. Dieu va se servir de toutes ses qualités d’homme, de sa connaissance des Écritures et les mettre au service de l’édification de son Royaume. De son côté Saul expérimente en lui la puissance de la grâce qui le sauve gratuitement. Dans la nuit qui l’immobilise à Damas, il rencontre celui qu’il combattait frénétiquement et l’acte de foi qu’il pose en lui devient sa raison d’être et de vivre. Plus tard, il pourra écrire : « Pour moi vivre, c’est le Christ! » Sa rencontre avec le Ressuscité lui a ouvert les chemins d’une liberté qui va l’animer durant toute sa vie et le libérer de la tutelle de la Loi mosaïque à laquelle il reste fidèle, non plus aveuglément, mais dans la liberté de l’Esprit qui s’est emparé de lui.

Seigneur, tu ne cesses de nous surprendre. En choisissant Paul, pour en faire ton porte-parole, tu nous rappelles que le comportement extérieur d’un homme ne dit pas nécessairement tout de lui. Tu l’appelles à ton service parce que tu le connais intimement et tu sais que ses qualités pourront être d’une grande utilité pour le développement de l’Église naissante. Ton Esprit se montre bien ici comme le maître de l’impossible. Personne ne pouvait imaginer ce que serait la vie de cet homme. Par la puissance de ton Esprit d’amour et de force tu t’imposes à lui et lui donne la capacité d’accomplir une œuvre immense et déterminante pour l’édification de ton Église dans le monde. Sois loué pour les disciples d’aujourd’hui à qui tu confies la même mission : porter ta Parole et annoncer ton amour à toutes les nations.

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

Caravane

La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.

Gamaliel

Gamaliel

Selon la tradition juive, Raban Gamaliel l’Ancien est l’un des plus célèbres docteurs de la Loi (MishSot 9,15). Selon l’auteur des Actes, Paul lui devait son éducation dans le pharisaïsme (22,3). Son intervention au Sanhédrin aurait contribué à la libération des apôtres (voir Ac 5,34-39).

(photo : Wikipedia)