Deux hommes se disputant (souvent identifiés comme étant Pierre et Paul).
Rembrandt, 1628. Huile sur panneau, 72 x 60 cm. Galerie nationale de Victoria, Melbourne (Wikimedia).

Se laisser guider par l’Esprit qui fait tomber les barrières

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 15 juin 2020

Le premier voyage missionnaire de Barnabé et Paul les conduit jusqu’à Pergé. Estimant avoir accompli leur travail, ils rejoignent le port d’Attalia d’où ils s’embarquent pour revenir à leur point de départ, Antioche. Le récit des événements vécus durant leur voyage et l’annonce du succès de la Parole auprès des populations païennes suscitent une grande joie au sein d’une communauté qui découvre avec émerveillement la fécondité de ses choix.

Sans plus attendre, Barnabé et Paul reprennent leurs anciennes activités. C’est alors que se pose un problème qui jette le trouble parmi les fidèles. L’événement est rapporté en Actes 15,1 : « Des gens, venus de Judée à Antioche, enseignaient les frères en disant : “Si vous n acceptez pas la circoncision selon la coutume qui vient de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés.” » Il n’en fallait pas plus pour semer le trouble dans les esprits et susciter des discussions orageuses entre eux et Paul et Barnabé.

Essayons de comprendre! Les échos du succès de la mission de Barnabé et Paul en milieu païen sont parvenus aux oreilles de l’Église de Jérusalem dont les membres, tous issus du monde juif ambiant, n’ont pas changé de style de vie depuis leur adhésion au Christ Jésus. Ils sont nés juifs et continuent à vivre autour du Temple et selon les exigences de la Loi mosaïque. Ils forment bien un groupe à part, mais ne dépareillent pas dans la culture ambiante. C’est la raison pour laquelle ils vivent en relative harmonie avec les autorités du Temple. Ce qui se passe alors, on le retrouvera à toutes les époques de l’histoire de l’Église. Parmi ceux qui s’estiment les dépositaires légitimes du message de Jésus de Nazareth, certains n’acceptent pas ce qui se passe à Antioche et dans les nouvelles communautés que la prédication de Barnabé et Paul a fait naître. Ils sont scandalisés d’apprendre que puissent vivre ensemble des chrétiens d’origine juive et des chrétiens d’origine païenne, sans demander à ces derniers de suivre les exigences de la Loi mosaïque. Autrement dit, il faut se convertir au judaïsme avant de pouvoir devenir un adepte de Jésus Christ. Cela signifie : se faire circoncire pour un homme, respecter les interdits alimentaires et les lois de pureté…

La polémique est lancée. Les groupes se divisent ; des « judéo-chrétiens » ne participent plus aux repas communautaires et prennent leurs distances par rapport aux « pagano-chrétiens ». Barnabé et Paul sont désavoués et leur activité remise en question. Un nouveau combat s’engage, qui sera celui de Paul durant toute sa vie. Pour éviter l’affrontement et les discussions interminables, on décide de porter la question devant les autorités reconnues de Jérusalem, le groupe des apôtres qui s’y trouve toujours. « Alors on décida que Paul et Barnabé, avec quelques autres frères, monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des Anciens pour discuter de cette question. L’Église d Antioche facilita leur voyage. » (Ac 15,2b-3)

C’est une première dans l’histoire de l’Église. Parce que les querelles internes et les divergences d’opinion ne peuvent trouver de solution au niveau local, on fait appel à ceux qui jouissent d’une autorité plus grande pour résoudre le conflit. Les apôtres jouissent de ce type d’autorité et c’est naturellement qu’on se tourne vers eux, mais aussi parce que les problèmes de l’Église d’Antioche concernent l’ensemble de la communauté naissante. Paul, Barnabé et leurs compagnons se retrouvent à Jérusalem où les apôtres organisent une assemblée qui porte le débat à la connaissance de tous. Elle sera, pour les siècles à venir, le modèle des rassemblements ecclésiaux qui se réuniront en conciles œcuméniques pour discuter des questions litigieuses qui menaceront l’unité. L’assemblée de Jérusalem est confrontée à un problème bien spécifique. Parce qu’ils sont tous d’origine et de culture juive, les « judéo-chrétiens » n’ont pas changé de mode de vie. Ils n’imaginent même pas qu’il puisse en aller autrement. Ils forment un groupe à part – comme il en existe beaucoup à l’époque – mais sont vus comme une nouvelle « secte juive ». On comprend que, parmi eux, certains soient scandalisés d’apprendre ce qui se passe à Antioche ou ailleurs. L’attachement à Jésus n’empêche pas un attachement viscéral au Judaïsme et aux traditions des pères. Paul et Barnabé font face à une situation des plus délicate. Ils exposent à tous les résultats de leur action, mais certains groupes n’en démordent pas et demandent qu’on impose aux païens la circoncision. Cela provoque une intense discussion. Faisant preuve d’autorité, Pierre intervient et rappelle sa rencontre avec Corneille :

« Frères, vous savez bien comment Dieu, dans les premiers temps, a manifesté son choix parmi vous : c 'est par ma bouche que les païens ont entendu la parole de l’Évangile et sont venus à la foi. Dieu, qui connaît les cœurs, leur a rendu témoignage en leur donnant l Esprit Saint tout comme à nous ; sans faire aucune distinction entre eux et nous, il a purifié leurs cœurs par la foi. Maintenant, pourquoi donc mettez-vous Dieu à l’épreuve en plaçant sur la nuque des disciples un joug que nos pères et nous-mêmes n’avons pas eu la force de porter? Oui, nous le croyons, c’est par la grâce du Seigneur Jésus que nous sommes sauvés, de la même manière qu’eux. » (Ac 15,7-11)

L’intervention de Pierre suffit à calmer les esprits et tous acceptent d’écouter Paul et Barnabé qui leur parlent « de tous les signes et les prodiges que Dieu avait accomplis grâce à eux parmi les nations. » (Ac 15,12) Jacques, le « frère du Seigneur », intervient alors pour proposer un compromis inspiré de l’alliance conclue entre Dieu et Noé : « Dès lors, moi, j’estime qu’il ne faut pas tracasser ceux qui, venant des nations, se tournent vers Dieu, mais écrivons-leur de s’abstenir des souillures des idoles, des unions illégitimes, de la viande non saignée et du sang. » (Ac 15,19-20)

La question est réglée. La délégation d’Antioche peut repartir annoncer à tous la bonne nouvelle et lire le message officiel qui leur est adressé. Paul pourra reprendre son bâton de pèlerin et repartir annoncer la Parole dans d’autres villes d’Asie Mineure. L’Église d’Antioche prend son autonomie par rapport au Judaïsme, par la force de l’Esprit Saint qui l’anime et la garde des faux pas.

Encore une fois, tu étais là, Seigneur, et tu n’as cessé d’agir par la puissance de ton Esprit. Les questions et les disputes n’arrêtent pas ton action. Alors que la situation semble bloquée, tu en profites pour faire découvrir à l’ensemble des églises comment tu agis en faveur de tous, sans réserver ton amour à un peuple particulier. Donne-nous aujourd’hui encore cette capacité d’ouverture et de ne jamais laisser les vieilles habitudes guider notre conduite au sein d’un monde nouveau. Viens Esprit Saint, viens ouvrir nos cœurs et nous aider à découvrir ta présence dans le cœur de l’autre dont nous nous méfions parce qu’il est né dans une culture différente. Viens et transforme nos cœurs de pierre en cœur de chair, ouverts à l’amour sans restriction.

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

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La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.