Paul et Barnabé (détails). Nicolaes Berchem, 1650. Huile sur toile, 164 x 135 cm. Musée d’art et d’industrie, Saint-Étienne (Wikimedia).

À l’écoute des signes de l’Esprit

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 14 septembre 2020

L’assemblée de Jérusalem a pris une décision claire. Il ne sera pas demandé aux populations venues du paganisme de suivre les préceptes de la Loi mosaïque. Deux hommes, Silas et Jude, sont envoyés avec Paul et Barnabé pour attester de cette décision et apporter le message envoyé par l’Église de Jérusalem, à l’église qui est à Antioche : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci, qui s’imposent : vous abstenir des viandes offertes en sacrifice aux idoles, du sang, des viandes non saignées et des unions illégitimes. Vous agirez bien, si vous vous gardez de tout cela. Bon courage ! » (Actes 15,28-29) On retrouve ici les termes de la loi donnée à Noé et sa descendance – c’est-à-dire à toute l’humanité – à la suite du déluge (voir Genèse 9,1-7). Il ne s’agit de rien d’autre que de vivre pleinement sa vie d’homme ou de femme dans le respect de la nature et de la vie de l’autre. C’est une loi fondamentale qui se retrouve peu ou prou dans toutes les cultures. On imagine fort bien le soulagement que la décision prise à Jérusalem a pu susciter dans la communauté d’Antioche, même si les adeptes d’une ligne dure – dans le groupe des « judéo-chrétiens » – ont pu être déçus.

L’essentiel est sauvegardé. L’église d’Antioche retrouve son unité et la paix et de son côté, Paul se sent conforté dans les options d’évangélisation qu’il a prises. Désormais, il n’a plus qu’un désir : retrouver les communautés qu’il a mises en place, leur annoncer la bonne nouvelle et voir ce qui s’y passe.

Quelque temps après, Paul dit à Barnabé : « Retournons donc visiter les frères en chacune des villes où nous avons annoncé la parole du Seigneur, pour voir où ils en sont. » Barnabé voulait emmener aussi Jean appelé Marc. Mais Paul n’était pas d’avis d’emmener cet homme, qui les avait quittés à partir de la Pamphylie et ne les avait plus accompagnés dans leur tâche. L’exaspération devint telle qu’ils se séparèrent l’un de l’autre. Barnabé emmena Marc et s’embarqua pour Chypre. Paul, lui, choisit pour compagnon Silas et s’en alla, remis par les frères à la grâce du Seigneur (15,36-40).

L’épisode est symptomatique de la vie de l’Église. Même si Luc brosse à certains moments des tableaux idylliques de cette première communauté, il n’hésite pas à montrer le caractère très humain des uns et des autres. La bonne entente n’est pas toujours assurée et les tensions entre Paul et Barnabé les conduisent à se séparer plutôt que s’entredéchirer. Chacun part de son côté et Silas devient le nouveau compagnon de Paul. L’humanité de ce dernier apparaît ici en pleine lumière : il ne dévie pas de ses convictions et sa parole est suffisamment assurée pour décourager toute opposition ; il ne transige pas avec ce à quoi il croit et bouscule tout sur son passage. Visiblement, ce n’est pas un homme facile à vivre et à faire dévier de ses convictions intérieures. En l’appelant au service de l’Évangile, Dieu met à son service toute la richesse humaine de cet homme.

Une nouvelle étape commence. Paul entreprend de visiter les communautés mises en place lors de son premier voyage. « Il traversait la Syrie et la Cilicie, en affermissant les Églises. » (15,41) Il sait qu’elles sont encore fragiles ; son soutien est, pour elles, important. Puis il continue son voyage jusqu’à Lystres et là il se trouve un nouveau collaborateur, Timothée qui va le suivre et sera l’un de ceux qui prendront le relais de son action après lui. Comme il est juif par sa mère, Paul lui demande de vivre en fidélité à la loi religieuse qui est la sienne et de se faire circoncire à cause des Juifs de la région qui connaissent sa situation. Même si l’Esprit a fait de lui un homme libre qui ne craint pas les affrontements, Paul n’en reste pas moins respectueux des personnes qui pourraient être scandalisées par la situation de ce nouveau compagnon de route.

Auprès des communautés déjà mises en place, le souci de Paul est de faire passer le message de l’assemblée de Jérusalem. On devine, derrière ces précisions, les difficultés de la cohabitation entre chrétiens d’origine juive et les nouveaux venus du paganisme. Les explications de Paul contribueront certainement à relancer la croissance de ces communautés. Notons également la manière utilisée par l’auteur des Actes pour décrire l’action de l’Esprit (voir 16,6-9). Paul veut aller vers la province de l’Asie, l’Esprit l’en empêche ; il veut poursuivre sa route en direction de la Bithynie, encore une fois l’Esprit s’y oppose. On ne saura rien de ce qui s’est passé ; un signe, un contretemps ou un incident particulier? Paul est attentif à ce que nous appelons « les signes de L’Esprit ». Rien n’est dicté d’avance ; aucun programme précis n’est donné. Paul est attentif aux événements vécus au jour le jour. C’est en eux qu’il voit les signes de ce que le Seigneur attend de lui. Arrivé à Troas, au bord de la mer, en face de la Macédoine, la vision d’un Macédonien l’appelant au secours lui fait comprendre que c’est là désormais que l’Esprit de Dieu l’attend (16,9-10). La suite du voyage se passera désormais sur le continent européen.

Tu nous parles, Seigneur, au cœur de tous ce que nous vivons, grands événements ou moments douloureux. Tu nous fais signe, tu nous parles et nous invites à aller plus loin, à travers la parole d’un frère lue ou entendue, lors d’une rencontre imprévue ou encore dans un échec inattendu. Tu t’adresses à chacun de nous, mais savons-nous entendre ou voir le signe que tu nous fais ? Si souvent nous sommes sourds et aveugles et nous restons incapables de comprendre l’appel que tu nous adresses ou le signe qui nous invite à nous relever. Rends-nous, Seigneur, attentifs aux signes de ton Esprit. Ouvre nos cœurs à l’intelligence des Écritures et libère-nous de la peur qui paralyse nos décisions et nous empêche d’aller dans la direction où tu nous attends.

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

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Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.