La vision du Macédonien. Mosaïque moderne à Véria (ancienne Bérée), Grèce.

La mission de Paul à Philippes

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 12 octobre 2020

Une nuit, Paul eut une vision : un Macédonien lui apparut, debout, qui lui faisait cette prière : « Passe en Macédoine, viens à notre secours ! » (Actes 16,9)

La vision du Macédonien donne à Paul une détermination totale. Il voit dans ce signe un appel de l’Esprit et se met en route. Les Actes en font le récit : « De Troas nous avons gagné le large et filé tout droit sur l’île de Samothrace, puis, le lendemain, sur Néapolis,et ensuite sur Philippes, qui est une cité du premier district de Macédoine et une colonie romaine. » (16,11-12)

Des vétérans de légions romaines sont installées à Philippes et donnent à la ville une importance particulière. Les fouilles archéologiques ont révélé la présence d’une synagogue, mais le nombre d’hommes n’est peut-être pas toujours suffisant pour qu’y soit organisée régulièrement la réunion du sabbat. Paul décide de s’y arrêter. Comme chaque fois, il cherche d’abord à établir un contact avec la communauté juive. La synagogue étant resté fermée ce jour-là, il part à la recherche d’un groupe de prière qu’il espère trouver au bord de la rivière pour y faire les ablutions rituelles. Des femmes se sont rassemblées là. Paul et Silas s’installent auprès d’elles et, sans plus attendre, commencent à parler, affirmant avec force que Jésus de Nazareth, le prophète rejeté par les autorités de Jérusalem est bien le Messie attendu par Israël. Il est mort, mais Dieu l’a ressuscité et en lui tout être humain peut trouver le salut ou le plein accomplissement de sa personne.

Que se passe-t-il alors? « L’une d’elle nommée Lydie, une négociante en étoffes de pourpre, originaire de la ville de Thyatire, et qui adorait le Dieu unique, écoutait. Le Seigneur lui ouvrit l’esprit pour la rendre attentive à ce que disait Paul. » (16,14) La parole semée dans le cœur de ces femmes porte du fruit et certaines, parmi lesquelles Lydie, demandent le baptême. La suite vaut la peine d’être méditée : « Quand elle fut baptisée, elle et tous les gens de sa maison, elle nous adressa cette invitation : « Si vous avez reconnu ma foi au Seigneur, venez donc dans ma maison pour y demeurer. » Cest ainsi qu’elle nous a forcé la main. » (16,15) Merveilleuse Lydie, une femme de caractère qui sait ce qu’elle veut et entraîne toute sa maisonnée dans la foi en Jésus. En plus de cela, elle s’impose à Paul et le prie de s’installer chez elle. On devine en elle, la femme qui joue exactement le rôle de « l’ancien », dévolu généralement à l’homme. Sa maison devient le lieu de naissance de la première église de Philippes. Elle sait se faire entendre et, en toute logique, demande à Paul d’être conséquent avec la parole qu’il annonce. Rien de précis n’est dit à propos du rôle et de la place qu’elle jouera à Philippes. On perçoit, dans la lettre qu’il envoie aux Philippiens, toute la joie qu’éprouve l’apôtre en pensant aux personnes qu’il a rencontrées dans cette ville : « Je rends grâce à mon Dieu chaque fois que je fais mémoire de vous. À tout moment, chaque fois que je prie pour vous tous, c est avec joie que je le fais, à cause de votre communion avec moi, dès le premier jour jusqu’à maintenant, pour lannonce de l’Évangile. » (Ph 1,3-5)

Paul et la femme possédée de Philippes. Lambert Jacobsz (1598-1636). Huile sur toile, 156 x 207 cm, collection privée (WGA).

Poursuivant son travail d’évangélisation et d’organisation de la jeune communauté de Philippes, Paul connaît une aventure un peu particulière qui le confronte aux maîtres d’une jeune servante possédée par un esprit de divination (Ac 16,16-24). Elle ne cesse de les poursuivre, lui et Silas, de ses cris. Excédé, Paul finit par se retourner et, comme Jésus, il expulse l’esprit de divination de la jeune servante. Celle-ci perd son pouvoir, source de revenu pour ses maîtres. Un nouveau type de conflit commence, entre la Parole évangélique et l’Argent, qui vaut à Paul et Silas d’être traînés devant la justice et accusés de troubler l’ordre public. « Ces gens troublent notre cité : ils sont Juifs, et ils prônent des coutumes que nous navons pas le droit d accepter ni de pratiquer, nous qui sommes citoyens romains. » (Ac 16,20b-21)

Que l’on vive à l’époque de Paul ou aujourd’hui, la situation n’a guère changé. En prônant d’autres valeurs, l’Évangile dérange et peut susciter des réactions violentes. Après avoir été fouettés, les deux hommes sont confiés à un geôlier qui les place au fond de la prison, avec les pieds pris dans des entraves de bois. La suite prête à sourire. Un tremblement de terre se produit en pleine nuit, qui libère tous les prisonniers. Croyant à la fuite de ceux qui ont été placés sous sa garde, le gardien fait le geste de se suicider (vv. 26-27). Mais Paul et Silas sont restés et sans plus attendre, font entendre la Parole du salut à leur gardien et l’amène à découvrir l’œuvre de l’Esprit divin. Une nouvelle conversion a lieu sur-le-champ et donne naissance à une nouvelle église ou communauté de croyants. Le récit fait par Luc n’est certainement pas à prendre au pied de la lettre. Il n’a d’autre but que de montrer au lecteur que rien ne peut arrêter le travail de l’Esprit de Jésus. « Une fois sortis de la prison, Paul et Silas entrèrent chez Lydie ; ils virent les frères et les réconfortèrent, puis ils partirent. » (Ac 16,40) Ce que Paul et Silas vivent n’a rien de simple et de facile. Par sa présence et son action en eux, l’Esprit a entièrement bouleversé leurs vies. Paul le dit dans la lettre qu’il enverra plus tard : « Oui, je considère tout cela (les avantages que j’avais, étant pharisien) comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. » (Ph 3,8a) Les obstacles qui se dressent devant eux sont nombreux, mais rien ne les fera renoncer à leur tâche. Cette force ne vient pas d’eux mais de l’Esprit que Jésus leur a donné.

Dieu, Père au cœur plein de tendresse, tu ne fais décidément rien comme on serait tenté de le faire nous-mêmes. Lorsque ton Esprit réalise ton œuvre au milieu de nous, il n’agit pas avec puissance. L’Église de ton Fils Jésus grandit progressivement au gré des actions des hommes et des femmes qui se laissent saisir par lui et répondent à son appel. Comme le grain de blé semé en terre, ta parole s’enracine et grandit avant de donner son fruit. Rappelle-nous que rien ne peut se développer ou renaître dans ton Église sans la collaboration de femmes et d’hommes qui croient véritablement en toi et acceptent de prendre en main une part du travail nécessaire en restant à l’écoute des signes que tu leur donnes.

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

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La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.