Le lavement des pieds. Ghislaine Howard, 2004. Acrylique sur toile, 102 x 127 cm.
Utilisé avec la permission de la Methodist Modern Art Collection © TMCP.

Vivre selon la vérité de l’Évangile

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 14 décembre 2020

Le séjour de Paul à Corinthe dure un an et demi, un temps durant lequel il se consacre pleinement à l’évangélisation d’une population d’origine essentiellement gréco-romaine. Le lien avec les communautés mises en place auparavant se poursuit à travers un échange de correspondance dans laquelle passent les questions qui préoccupent les uns les autres. Paul y répond de manière particulière dans des lettres adressées désormais à « l’Église qui est à … », comme on le voit dans sa Première lettre aux Thessaloniciens, l’un des premiers écrits du Nouveau Testament : « Paul, Silvain et Timothée, à l’Église de Thessalonique qui est en Dieu le Père et dans le Seigneur Jésus Christ. À vous, la grâce et la paix. » (1 Th 1,1)

Un genre littéraire nouveau apparaît qui prendra le nom « d’épîtres » dans lesquelles l’auteur répond à des questions concrètes ou évoque des situations dont il a pris connaissance. En même temps, chaque question l’oblige à développer une réflexion théologique nouvelle sur tout ce qui est en discussion. S’il se trouve en désaccord avec ce qui se passe ici ou là, il le fait savoir avec force. La lettre « aux Galates » en est un exemple frappant. Elle révèle le problème qui trouble les esprits de cette communauté. Elle va fournir les bases de l’enseignement de Paul et préciser ce que signifie « Vivre dans la liberté de l’Esprit ».

Que se passe-t-il en pays galate ? Lors de leur premier voyage missionnaire, Paul et Barnabé ont rencontré des personnes très réceptives à leur message, qui ont cru en Jésus, le Messie crucifié. Ils les ont alors baptisées. Fidèles aux options prises à Antioche, ils ont ouvert ces nouvelles communautés aux juifs et aux païens, sans établir de différence entre eux, sans autre exigence que la foi en Jésus crucifié, mort et ressuscité d’entre les morts, par qui le salut est offert à tous. La conséquence sera l’entrée de nombreux gréco-romains dans cette jeune Église et la minorisation des judéo-chrétiens. Cela ne plaît pas à tout le monde et Paul rencontre de plus en plus d’hostilité dans les synagogues où il va prêcher. En Galatie, des frères venus de Jérusalem manifestent ouvertement leur désaccord avec son enseignement. Ils estiment que pour être sûr d’être sauvé, il faut observer intégralement les lois mosaïques et reprendre le rituel de la circoncision, signe de l’alliance des enfants d’Abraham avec Dieu. Pour les tenants de cette position, la foi en Jésus ne suffit pas. Cette prise de position déstabilise les chrétiens baptisés par Barnabé et Paul et certains sont disposés à se faire juif en plus d’être chrétien. Lorsqu’il apprend cela, Paul se fâche et leur écrit une lettre très personnelle où il précise certains points essentiels à ses yeux. Nous quittons pour un temps le livre des Actes des Apôtres pour entrer très concrètement dans la discussion qui a cours au milieu des communautés nées de la prédication de Paul et ses compagnons.

Après une adresse assez solennelle, Paul commence par identifier le problème rencontré par les Galates : « Je m’étonne que vous abandonniez si vite celui qui vous a appelés par la grâce du Christ, et que vous passiez à un Évangile différent. Ce n'en est pas un autre : il y a seulement des gens qui jettent le trouble parmi vous et qui veulent changer l’Évangile du Christ. » (Ga 1,6-7) Aussitôt, il rejette avec force cette idée-là. Le verset 9 est sans appel : « Si quelqu’un vous annonce un Évangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème! » Les versets suivants ouvrent une séquence dans laquelle il éprouve le besoin de se justifier devant des personnes qui ont discrédité son action sous prétexte qu’il est moins apôtre de Jésus que ceux de Jérusalem. Il évoque son parcours personnel, sa conversion sur la route de Damas et la certitude, authentifiée par l’assemblée de Jérusalem et l’accord de Pierre. Dieu l’a choisi pour être l’apôtre des païens. Il identifie ensuite la source du problème.

En effet, avant l’arrivée de quelques personnes de l entourage de Jacques, Pierre prenait ses repas avec les fidèles d’origine païenne. Mais après leur arrivée, il prit l’habitude de se retirer et de se tenir à l’écart, par crainte de ceux qui étaient d origine juive. Tous les autres fidèles d origine juive jouèrent la même comédie que lui, si bien que Barnabé lui-même se laissa entraîner dans ce jeu. Mais quand je vis que ceux-ci ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Pierre, devant tout le monde : « Si toi qui es juif, tu vis à la manière des païens et non des Juifs, pourquoi obliges-tu les païensà suivre les coutumes juives ? » Nous, nous sommes des Juifs de naissancenous avons reconnu que ce n est pas en pratiquant la loi de Moïse que l homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ(Ga 2,12-16)

Voilà ce que Paul appelle « vivre selon la vérité de l’Évangile ». Sa conversion à Jésus Christ l’a libéré des servitudes de la Loi. Revenir en arrière serait à ses yeux la négation de l’action de Dieu en lui. S’adressant directement à ces fidèles qu’il a évangélisés, Il leur adresse des mots très durs : « Galates stupides, qui donc vous a ensorcelés? À vos yeux, pourtant, Jésus Christ a été présenté crucifié. Je n’aiqu’une question à vous poser : l’Esprit Saint, l’avez-vous reçu pour avoir pratiqué la Loi, ou pour avoir écouté le message de la foi ? Comment pouvez-vous être aussi fous? Après avoir commencé par l’Esprit, allez-vous, maintenant, finir par la chair ?Celui qui vous fait don de l’Esprit et qui réalise des miracles parmi vous, le fait-il parce que vous pratiquez la Loi, ou parce que vous écoutez le message de la foi? » (Ga 3,1-3.5)

Paul oppose la pratique de la Loi à l’écoute du message de la foi. Il rappelle qu’Abraham a été considéré juste parce qu’il a cru à la parole de Dieu. En d’autres termes, il met en évidence deux types de pratique religieuse : celle qui pense accomplir la volonté de Dieu par une obéissance stricte aux différents préceptes de la Loi (comme le pharisien dans le Temple), et celle qui se vit dans un acte de confiance totale en Dieu, la foi (celle du publicain qui s’en remet totalement à Lui ; voir Lc 18,9-14). Le salut est une grâce, un cadeau de l’amour de Dieu ; on ne peut que le recevoir en lui ouvrant son cœur. Et il conclut sa démonstration par ces mots extraordinaires : « Car tous, dans le Christ Jésus, vous êtes fils de Dieu par la foi. En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. » (Ga 3,26-28) À ses yeux, la foi en Jésus, ouvre un monde nouveau que son Esprit vient façonner, un monde où toutes les différences qui séparent ou excluent, n’ont plus aucune importance.

Seigneur, en ton Fils Jésus, tu nous as révélé un chemin de liberté qui nous permet de vivre, guidés par ton Esprit. Répands-le dans nos cœurs et nous serons capables de vivre selon la vérité de l’Évangile et de produire les fruits que tu attends de nous : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi (Ga 5,22-23). Alors nous serons libres de toutes ces contraintes que la loi du monde fait peser sur nous.

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

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La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.