Le lavement des pieds. Ghislaine Howard, 2004. Acrylique sur toile, 102 x 127 cm.
Utilisé avec la permission de la Methodist Modern Art Collection © TMCP.

L’Esprit qui rend libre

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 18 janvier 2021

Avec l’évocation de la lettre de Paul aux Galates, nous sommes entrés dans un sujet qui est au cœur de la réflexion qui nous occupe depuis plus d’une année. Nous l’avons déjà commencée dans la dernière méditation que je vous ai proposée, mais il me semble important d’y revenir pour en comprendre tous les enjeux.

Dans le message bouillonnant qu’il adresse aux Galates, Paul lui-même ne parvient pas du premier coup à préciser toute sa pensée. Il faudra attendre la lettre aux Romains pour atteindre le pic de sa réflexion. Rappelons quelques éléments importants. Paul se met en colère lorsqu’il apprend que des « frères judéo-chrétiens » de Jérusalem sont venus rendre visite aux communautés de Galatie et cherchent à les influencer pour qu’elles adoptent les lois du Judaïsme, sous prétexte que Paul n’est pas un véritable apôtre, qu’il n’a pas connu Jésus et qu’il s’est donné des libertés que l’Église de Jérusalem n’accepte pas. À leur avis, pour vivre en conformité avec la volonté de Dieu, il faut revenir à une fidèle observance des pratiques de la loi juive de l’époque, avec la circoncision, le respect des lois du pur et de l’impur au niveau alimentaire et dans la vie sociale, vivre en conformité avec le modèle d’organisation des Judéo-chrétiens de Jérusalem.

Pour Paul, c’est un retour en arrière, une négation de la vérité de l’Évangile, le rejet de l’ensemble de son action auprès de tous les gréco-romains ou païens, qu’il a visités et à qui il a annoncé « l’Évangile de Dieu » et le salut offert en Jésus-Christ. Il se fâche en traitant ses interlocuteurs de stupides, leur rappelle sa propre expérience, son ancienne pratique sans défaut du judaïsme, sa rage meurtrière contre les premiers groupes chrétiens qu’il a pourchassés. Et puis un jour sur la route de Damas, sans qu’il n’ait rien fait pour mériter cela, il rencontre Jésus qui l’interpelle et fait de lui l’instrument avec lequel il va s’adresser aux peuples non-juifs. Il a fait cette découverte essentielle qui vaut pour les Juifs et les Païens : Dieu ne s’achète pas à coup de pratiques religieuses particulières, il veut être reçu par des cœurs qui découvrent en eux sa présence et l’accueillent au plus profond d’eux-mêmes.

Dieu? Il se donne en Jésus Christ! Il s’offre à qui accepte de le recevoir. Paul en a fait l’expérience ; il a rencontré l’amour de Dieu pour lui et, du jour au lendemain, il s’est retrouvé libre face à toutes les contraintes que la Loi juive lui imposait, libre par rapport à toute autre forme de sagesse humaine, ne se réclamant plus désormais que de Jésus Christ crucifié, en qui il voit désormais le chemin qui conduit vers la plénitude. Il ne veut plus vivre désormais en se soumettant aux lois et traditions que se donnent les hommes, mais en plaçant sa vie sous le signe de la vérité de l’Évangile. « Pour moi, vivre c’est le Christ ! » écrit-il avec force. Il n’a plus d’autre modèle de vie que Jésus lui-même, son chemin qui passe par la croix et ses paroles qui nous font connaître le vrai visage de Dieu et sa volonté pour les humains. « Je n’ai voulu connaître parmi vous, dira-t-il bientôt aux Corinthiens,  que Jésus crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens! »

Durant la rencontre qu’il a faite avec le Christ sur le chemin de Damas, Paul a été investi par l’Esprit qui habitait le cœur de Jésus. Il prend conscience, pour lui-même d’abord, puis pour toutes les personnes qui s’ouvrent au message de Jésus, qu’une nouvelle échelle de valeur est mise en place. L’importance donnée par Dieu à une personne humaine, ne vient ni de son appartenance ethnique, ni de son sexe, ni de sa situation sociale, ni de sa circoncision ou sa non-circoncision, pas davantage de son respect scrupuleux des lois de pureté légales ou pas. Tous ces éléments sont culturels, étroitement liés à l’histoire et la situation personnelle de chacune et chacun. Dieu ne fait pas de différence entre les humains.  Il se donne sans conditions à qui l’accueille et lui ouvre son cœur.

Pour Paul, l’exemple le plus éclatant est donné par Abraham, l’ancêtre du peuple d’Israël. Dieu le bénit et le considère comme juste parce qu’il croit à la parole qui lui est dite et agit conformément à elle. Le message de l’Évangile ouvre la même perspective. Ce qui est important pour Jésus, c’est la foi donnée en réponse à sa parole. « Va ! Ta foi t’a sauvé. » Cette parolerevient sans cesse dans les dialogues qu’il a avec les personnes qu’il rencontre. Ou encore, « Va et fais de même ! » dit-il au terme de la parabole du bon Samaritain donné en exemple au scribe qui lui demande quel est le plus grand commandement. Ce qui plaît véritablement à Dieu n’est pas de pouvoir vivre dans le respect absolu des quelques six cent commandements que certains ont répertoriés dans les Saintes Écritures, mais bien plutôt dans le respect de l’autre quel qu’il soit ou la capacité de se mettre au service des plus petits. C’est dans cet Esprit que Jésus invite ses propres disciples à vivre : « Si moi, le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. » Avant découvert pour lui-même la liberté à laquelle nous ouvre l’Esprit de Jésus, Paul ne veut pas que ceux qui l’ont écouté et suivi se rendent à nouveau esclaves de pratiques religieuses qui restent vaines et ne leur permettent pas d’avancer dans la foi.

Seigneur, je crois comprendre ce que tu attends de moi comme de toute personne qui te cherche. Depuis la nuit des temps, les humains ont cru pouvoir t’influencer et bénéficier de tes faveurs en t’offrant des sacrifices. Le culte qu’ils te rendaient, suivait scrupuleusement les lois et les préceptes que des prêtres ou des rois croyaient pouvoir édicter en ton nom. La loi devenait une obligation pour tous et le contrevenant risquait l’exclusion et même la mort. Et pourtant, dès les prophètes anciens, tu tentais de nous faire comprendre que ce qui te plaît vraiment, c’est le droit, la justice, la miséricorde accordée à des petits et tout ce qui vient du cœur. Mais il a fallu la venue de ton Fils Jésus pour que ces paroles prennent corps et tracent le chemin de vie que tu proposes à chacun. Tu ne veux pas faire de nous des esclaves enfermés dans l’angoisse et la peur, mais des filles et des fils, libres et joyeux, vivant en relation étroite avec toi, Dieu notre Père. C’est l’appel que tu nous as adressé en Jésus de Nazareth et que Paul ne cesse de nous rappeler. Au terme de ce parcours, nous te prions, fais de ton Église aujourd’hui, ce lieu d’amour et de liberté, de joie et de vérité, par lequel tu continues à faire luire ta lumière au cœur de notre monde.

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

Caravane

La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.