La marche vers Emmaüs. Ftitz von Uhde, 1891. Pastel sur papier, 66 x 90 cm. Galerie des nouveaux Maîtres, Dresden (Wikimedia).

2. Les disciples, porteurs d’une Bonne Nouvelle

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 24 mai 2021

Cette série s’inspire de l’invitation pressante faite par le pape François à tous les baptisés : devenir des disciples missionnaires de l’Évangile de Jésus Christ. Dans cet article, l’auteur cherche à montrer comment et pourquoi s’est faite la transmission de la Parole et de la foi.

Revenons sur ce qui se passe après la rencontre des disciples avec le Christ ressuscité. Les quatre évangiles s’accordent pour dire, de différentes manières, qu’ils reçoivent de Jésus la mission d’être les témoins de la Bonne Nouvelle découverte auprès de lui. Comment cela va-t-il se faire? Luc est le plus explicite des évangélistes. Dans son évangile, il évoque la rencontre de deux disciples en route vers Emmaüs (Lc 24,13-34).

Leur cheminement se révèle comme une nécessité qui leur permet de poser les questions qui les habitent et de les partager avec l’inconnu qui les a rejoints sur le chemin. L’échange avec lui traduit l’état d’esprit de toutes celles et ceux qui ont suivi Jésus et cru en lui : « Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé. » (v. 21) Il y a bien eu quelque chose de nouveau avec l’annonce de quelques femmes revenues du tombeau pour leur annoncer qu’elles l’ont trouvé vide et qu’elles ont eu une vision et reçu l’annonce que Jésus est vivant. Tout cela n’a fait qu’augmenter leur trouble. Ces hommes ne savent plus où ils en sont. Ils cherchent à comprendre ce qui a bien pu se passer et restent traumatisés par la mort de Jésus en croix. Luc met dans la bouche de Jésus une première explication : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit !Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » (v. 25-26) Le verset suivant est plus explicite : « Et, partant de Moïse et de tous les prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait. » Autrement dit, pour comprendre le sens profond de la passion et de la mort de Jésus, il faut reprendre et méditer les paroles des prophètes.

Le livre d’Isaïe y prend une place particulière avec les quatre chants du serviteur souffrant que tous rejettent et qui, par ses souffrances, sauve son peuple (voir Is 52,13 – 53,12) Voici un extrait du quatrième de ces chants : « Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien. En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié. Or, c’st à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris. »

À l’idée du chemin à parcourir, s’ajouteront, chez Luc, les quarante jours qui séparent les célébrations pascales de la Pentecôte juive, période symbolique qui rappelle les quarante jours de prière et de méditation de Jésus au désert, le temps qu’il faut aux disciples pour entrer dans le mystère de Pâques, avant de commencer leur mission. Le jour de la Pentecôte est le moment crucial qui voit les disciples investis d’une force nouvelle, celle de l’Esprit qui force les portes closes et les propulse sur le devant de la scène. En leur nom à tous, Pierre se met à parler et à annoncer la victoire du crucifié : « Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié. » (Ac 2,36) Pour ces hommes qui vivaient auparavant dans l’angoisse et la peur, Jésus est devenu la figure centrale autour de laquelle tout s’organise. C’est lui qui ouvre le chemin de salut que tous attendent ; il est bien le Messie annoncé par les prophètes, l’envoyé de Dieu auprès des hommes.

Mais sa venue bouleverse les attentes communes. Il n’utilise ni la force armée, ni la violence, pour chasser l’occupant romain hors de Palestine. Sa toute-puissance est celle de l’amour qui se donne jusqu’au bout quel qu’en soit le prix. Cette annonce est suffisamment forte et crédible pour susciter de l’intérêt. Une première communauté va naître, qui constituera un groupe particulier, au sein du Judaïsme de l’époque, comme beaucoup d’autres. Les Actes des Apôtres en résume les caractéristiques : « Ils étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. » (Ac 2,42) Ces éléments caractérisent le groupe d’hommes et de femmes qui se rassemble autour des apôtres. L’ordre dans lequel ces caractéristiques sont énumérées n’est pas fortuit. L’enseignement des Apôtres est en première place car il rassemble et rend raison de l’enthousiasme ou de la foi dont ils font preuve. Dans un premier temps, ils témoignent avec force de l’impensable : Jésus, le crucifié du Golgotha est bien le Messie attendu, le Seigneur. Dieu l’a ressuscité d’entre les morts pour le faire entrer dans sa gloire. Dans un deuxième temps, ils redisent ce qu’ils ont découvert, vu et entendu auprès de lui durant les années passées à le suivre et l’écouter.

Les récits de guérison ou de rencontre avec Jésus prennent forme, ainsi que son enseignement, ses paraboles, ses réponses aux scribes et aux pharisiens dans les débats qui l’opposent à eux, sans oublier les dialogues qu’ils ont eu avec lui. J’imagine fort bien entendre Pierre raconter à ses auditeurs la réponse qu’il a donnée au rabbi qui craignait de voir ses apôtres le quitter après le discours sur le pain de vie : « Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle.Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. » (Jn 6,68-69). Il faut comprendre ce qui se passe bien avant la formation des évangiles, qui débutera une génération plus tard. Les apôtres et les premiers disciples de Jésus, hommes et femmes, racontent autour d’eux ce qu’ils ont vécu, expliquent le pourquoi du changement radical de leur vie. Leur témoignage rassemble des hommes et des femmes de tous les horizons, qui affirment à leur tour : « Oui ! Les paroles de Jésus sont les paroles de la vie éternelle! »

Cette conviction ou foi partagée va les amener à vivre ensemble ce qu’ils ont appris du Seigneur, et ce mode de vie leur vaut d’avoir la faveur du peuple tout entier (voir Ac 2,43-47). En prenant comme défi de vivre en fidélité aux paroles de Jésus, les premiers disciples posent les bases d’une communauté qui marque les esprits et les cœurs. Leur parole est soutenue par le témoignage du style de vie qu’ils manifestent ouvertement et cela suffit pour intéresser des hommes et des femmes en quête de réponses à leurs questions.

Voilà bien un point que les communautés paroissiales d’aujourd’hui gagneraient à se souvenir. La foi en Jésus, Christ et Seigneur, se transmet d’abord par un témoignage de vie. En sommes-nous suffisamment convaincus?

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

Caravane

La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.