Le Christ enseignant (détail). Artiste inconnu du 6e siècle. Icône du monastère Sainte-Catherine, mont Sinaï (Wikipédia).

3. Bonne nouvelle… Paroles de la vie éternelle… Que comprendre?

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 21 juin 2021

Cette série s’inspire de l’invitation pressante faite par le pape François à tous les baptisés : devenir des disciples missionnaires de l’Évangile de Jésus Christ. Dans cet article, l’auteur parle de la nouveauté de l’enseignement et des gestes de Jésus qui ont marqué plusieurs de ses contemporains et surtout ses premiers disciples.

Dans les premiers chapitres du livre des Actes des Apôtres, Luc nous permet de découvrir, pas-à-pas, la naissance des premières communautés chrétiennes rassemblées autour de ces hommes qui annoncent, à qui veut les écouter, la victoire de Jésus de Nazareth sur la mort. Ils proclament haut et fort qu’il est bien l’envoyé de Dieu, le Messie attendu et proposent sa Parole comme un chemin du salut pour l’ensemble de l’humanité.

Ils sont les premiers missionnaires de l’Évangile, bien conscients d’annoncer un message qui bouscule tout le monde et apporte à celle ou celui qui l’accueille la joie et le bonheur. Des mots nouveaux apparaissent dans ce contexte : « Bonne nouvelle » ou « Évangile » ou « Paroles de la vie éternelle » ou encore « Évangile de Dieu ». Ces mots sont communément utilisés aujourd’hui dans le langage de l’Église, mais il faut se rendre compte qu’ils traduisent d’abord l’expérience vécue par les disciples.

En méditant sur tout ce qu’ils ont vécu auprès de leur rabbi, ils prennent conscience de la nouveauté de son enseignement, de la libération qu’il apporte et du visage de Dieu qu’il fait apparaître en lui. Progressivement, remontent dans leurs souvenirs les faits et gestes de Jésus… les signes posés à travers les guérisons faites pour sortir des petites gens de leur malheur ou malédiction… le pardon donné à celles et ceux qui se croyaient punis ou maudits par Dieu… son enseignement si particulier, dans ses discours ou ses paraboles, développé avec autorité… le visage du Dieu de tendresse accessible à tous les humains, dont la grande joie est de voir revenir le fils égaré, de retrouver la brebis perdue et de les remettre debout.

Dans leur enseignement, ils évoquent tout ce qu’a été Jésus pour eux et les bouleversements qui se sont opérés en eux, lorsqu’ils l’ont entendu remettre ses adversaires en place ou prendre du recul par rapport à la loi juive… ils découvrent qu’ils sont libérés d’une pratique religieuse purement ritualiste et qu’il n’existe devant Dieu qu’une seule loi essentielle, celle de l’amour. Ces récits gardés précieusement en mémoire seront peu à peu mis par écrit par des scribes désireux de donner à leur communauté croyante ce qu’ils considéreront comme l’essentiel de l’enseignement du rabbi de Nazareth.

À l’écoute du témoignage des apôtres et des souvenirs marquants de leur rencontre avec le Ressuscité, de nouveaux disciples seront séduits et demanderont à pouvoir devenir eux aussi disciples de Jésus. Ils ne deviennent pas chrétiens à la suite d’un endoctrinement. Ce qu’ils entendent de la bouche de Pierre, Jean, Paul ou Matthieu, les comble de joie. Marc ne dit pas autre chose dans les premières lignes de son récit. En parlant de « l’Évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu… », il avertit son lecteur que la personne de Jésus est tout entière Bonne nouvelle pour celle ou celui qui accepte de se mettre en route avec lui. Ce fut le cas des premiers disciples qui l’ont écouté et suivi.

L’aspect « bonne nouvelle » de la vie et du message de Jésus n’apparaît pas immédiatement. Il faut entrer dans le type de démarche proposée : réécouter et redécouvrir la qualité de la Parole qui nous a été transmise. Seule une décision personnelle et profonde est en mesure de nous ouvrir le cœur à l’intelligence des Écritures et de raviver en nous la foi en Jésus Christ et Fils de Dieu. Y sommes-nous prêts?

Pour mieux comprendre le caractère de « Bonne nouvelle » de l’enseignement de Jésus, évoquons quelques situations concrètes que rapportent les évangiles! Dans une société qui considère le lépreux, le malade ou la victime d’une infirmité comme des personnes punies par Dieu à cause de leurs péchés, le regard plein de tendresse ou la main de Jésus posée sur le lépreux ont quelque chose de stupéfiant. Lorsqu’il appelle Matthieu à sa suite ou s’invite chez Zachée, le chef des collecteurs d’impôts de Jéricho, il prend tout le monde à rebrousse-poil ; ou encore lorsqu’il relève la pécheresse venue pleurer à ses pieds, en lui annonçant le pardon de ses péchés, il suscite contre lui la colère des bien-pensants, alors que la femme est libérée de la culpabilité qui l’accable et repart débordante de joie.

Sur le visage de Jésus prend forme le visage du Dieu de tendresse qui offre à toute personne humaine un avenir et relève sans cesse l’être humain prisonnier de sa misère. Une espérance prend forme, offrant à chacun une possibilité d’exister dans la dignité sans être condamné à priori. Les paroles et les faits et gestes de Jésus surprennent celles et ceux qui les découvrent. Alors que certains rejettent violemment tout changement d’attitude et de pratique religieuse, d’autres, venus de tous bords, laissent éclater leur joie et retrouvent l’espoir. Les paroles de Jésus deviennent alors la source d’une joie indicible, « Évangile ou Bonne nouvelle » qui change complètement une vie, lui donnant un sens nouveau qui libère de la peur de Dieu ou de l’angoisse de rester prisonnier d’un destin inexorable.

La nouveauté chrétienne entre dans l’histoire en contradiction complète avec le Judaïsme de l’époque, pour qui l’annonce d’un Messie crucifié est scandaleuse, et avec la philosophie religieuse gréco-romaine, pour qui l’idée d’une divinité incarnée est ridicule (voir 1 Co 1,22-24). Le message de Jésus situe la divinité au plus près de l’humain et la vraie grandeur, dans l’amour donné et le service du prochain. La nouveauté est radicale. Elle va séduire en priorité les petites gens qui se découvrent brusquement aimés de Dieu, remis debout et dignes de vivre en sa présence. L’adhésion à ce message va transformer le monde.

Je ne sais pas dans quelle mesure les chrétiens d’aujourd’hui sont conscients de la force de renouvellement humain que porte en lui l’Évangile de Jésus Christ annoncé par les apôtres. Beaucoup n’y prêtent guère attention, plus désireux d’écouter les promesses de la publicité et de suivre leurs désirs de grandeur qui privilégient la richesse personnelle et la réussite humaine. Il ne s’agit pas de dénigrer systématiquement toutes les valeurs de notre temps, mais d’oser y demeurer les témoins de l’appel évangélique. Y sommes-nous prêts?

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

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La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.