Saint Pierre baptisant le centurion Corneille. Giacinto Calandrucci (1646-1707). Plume et encre brune sur trait de crayon noir et sanguine, 37,5 x 26 cm. (Marché des antiquités).

5. Envoyés porter la Bonne Nouvelle aux nations

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 20 septembre 2021

Cette série s’inspire de l’invitation pressante faite par le pape François à tous les baptisés : devenir des disciples missionnaires de l’Évangile de Jésus Christ. Dans cet article, l’auteur rappelle les débuts de l’expansion du christianisme dans les villes du bassin méditerranéen à la suite d’un événement, à la fois tragique et providentiel, survenu dans la ville sainte.

Il est intéressant, maintenant, de poser une question plus précise. Comment le message chrétien va-t-il se répandre progressivement dans l’ensemble de l’Empire romain? Nous pouvons le découvrir grâce encore aux Actes des Apôtres.

Tout commence à Jérusalem avec le petit groupe des disciples qui se réunissent pour célébrer le souvenir de Jésus. Il reste pourtant marginal. On peut en parler comme d’une nouvelle secte juive qui a ses particularités, mais reste toujours fidèle à la loi mosaïque et au Temple. Son expansion se fera de manière fortuite, au gré des événements de l’histoire.

Si les disciples d’origine palestinienne se fondent dans la masse, ce n’est pas le cas pour les convertis de la Diaspora, les hellénistes, comme on les appelle. Ils parlent grec et vivent selon des coutumes juste tolérées durant le temps de leur pèlerinage. Parmi eux, beaucoup sont restés sur place, désireux qu’ils sont de vivre leur nouvelle foi dans la ville sainte. Mais ils sont plus bruyants et peut-être plus enthousiastes que leurs frères chrétiens habitant sur place. Cela suffit pour les faire remarquer et dresser contre eux les autorités du Temple, peu enclines à accepter d’être mises en cause par des « étrangers ». Le premier, le diacre Étienne en paie le prix fort. Il est lapidé par une foule en colère. L’alerte est donnée et le groupe des hellénisants quitte Jérusalem, fuyant la menace qui pèse sur eux. « Ce jour-là, éclata une violente persécution contre l’Église de Jérusalem. Tous se dispersèrent dans les campagnes de Judée et de Samarie, à l exception des Apôtres… Ceux qui s’étaient dispersés annonçaient la Bonne Nouvelle de la Parole là où ils passaient. » (Ac 8,1b.4)

Cette première persécution a quelque chose de providentiel. Elle projette, hors de Jérusalem, des hommes et des femmes qui ont une foi vivante en Jésus Christ, mort et ressuscité. Certains d’entre eux reprennent leur vie d’avant sans plus, alors que d’autres parlent haut et fort de la foi qui les anime désormais. Ce témoignage suscite l’intérêt des proches ; des petits groupes se forment et se réunissent autour d’eux et se mettent à vivre en fidélité aux paroles de Jésus. Alors que le diacre Philippe parcourt la Samarie en annonçant à tous la Bonne Nouvelle (Actes 8), Pierre répond à l’invitation du centurion Corneille de Césarée et témoigne de Jésus Christ, pour la première fois, devant un groupe de païens. Il accepte d’entrer dans la maison de son hôte, de manger à sa table et d’y loger.

La réponse qu’il reçoit à la suite de sa prédication est suffisamment explicite pour lui faire prendre la décision de donner le baptême à toute la maisonnée. À ceux qui l’accompagnent et qui pourraient être scandalisés par sa décision, il a cette parole qui guidera l’ensemble de l’Église, par le suite : « Quelqu’un peut-il refuser l’eau du baptême à ces gens qui ont reçu l’Esprit Saint tout comme nous ? » Et il donna l’ordre de les baptiser au nom de Jésus Christ. (Ac 10,47-48) Cette première diffusion du message chrétien ne s’arrête pas aux frontières de la Palestine. Parmi les hellénistes chassés de Jérusalem, beaucoup viennent des grandes villes gréco-romaines de l’Asie mineure. À Antioche, troisième ville de l’Empire avec ses 400 000 habitants, des groupes de disciples se rassemblent désormais pour célébrer le mémorial de Jésus, le Ressuscité. Des sympathisants païens se joignent à eux, suscitant une première polémique entre les partisans d’une Église ouverte à tous et les partisans d’une fidélité stricte aux lois mosaïques. Ils refusent toute contamination avec le paganisme ambiant. Les disciples de Jérusalem apprennent ce qui se passe à Antioche. Ils y envoient Barnabé, originaire lui aussi de la Diaspora, qui semble être l’homme de la situation. Il connaît ce monde gréco-romain et devrait pouvoir intervenir sans difficultés.

Située au carrefour des routes commerciales de l’époque, Antioche est riche et prospère. Le commerce entre le lointain Orient et l’empire romain passe par son port. Sa population est d’origines diverses ; tous les cultes s’y pratiquent librement. Comme ce fut le cas à Alexandrie, une forte communauté juive s’y est installée. Sa présence en milieu païen l’a contrainte à vivre une forme de vie plus libre que les scribes de Jérusalem n’accepteraient certainement pas. Ne serait-ce que pour des raisons commerciales, les contacts existent entre Juifs et Païens ; les synagogues sont ouvertes aux « sympathisants », des hommes et des femmes cherchant hors des temples païens, un message, une doctrine qui satisfasse leur quête de sens ou de Dieu.

C’est ainsi que les premières communautés de disciples virent entrer en leur sein des personnes, venues d’horizons divers, qui vont adhérer au message de Jésus et devenir membres de ces communautés nouvelles qui, probablement par dérision, reçurent le nom de « chrétiens ». L’essor de cette nouvelle communauté a dû surprendre Barnabé. La tâche qui l’attend lui apparaît trop importante pour la mener à bien tout seul. Il se souvient alors de Saul, resté sur la touche et reparti à Tarse. Il décide d’aller l’appeler à l’aide : À son arrivée, voyant la grâce de Dieu à l’œuvre, il (Barnabé) fut dans la joie… Une foule considérable s attacha au Seigneur. Barnabé partit alors à Tarse chercher Saul. L’ayant trouvé, il l’amenaà Antioche. Pendant toute une année, ils participèrent aux assemblées de l’Église, ils instruisirent une foule considérable. Et c’est à Antioche que, pour la première fois, les disciples reçurent le nom de « chrétiens ». (texte complet en Ac 11,20-26)

Les bases de l’Église future sont posées là : ouverture à tous et accueil de gréco-romains à qui personne à Antioche ne demande de suivre la loi mosaïque. Elle s’édifie autour du message évangélique. C’est aussi là que va se produire un événement qui donne une nouvelle dimension à l’action missionnaire : Or il y avait dans l’Église qui était à Antioche des prophètes… Un jour qu’ils célébraient le culte du Seigneur et qu’ils jeûnaient, l’Esprit Saint leur dit : « Mettez à part pour moi Barnabé et Saul en vue de l’œuvre à laquelle je les ai appelés. » Alors, après avoir jeûné et prié, et leur avoir imposé les mains, ils les laissèrent partir. Eux donc, envoyés par le Saint-Esprit, descendirent à Séleucie et de là s’embarquèrent pour Chypre ; arrivés à Salamine, ils annonçaient la parole de Dieu dans les synagogues des Juifs. (Ac 13,1-5)

L’Église d’Antioche a pris conscience de sa responsabilité. Le message évangélique n’appartient à personne. Il doit être diffusé plus loin pour que tous puissent l’entendre. Paul et Barnabé sont les premiers grands acteurs d’une mission itinérante qui commence dans les grandes villes de l’Asie mineure, une mission qui fera faire à Paul en particulier, des milliers de kilomètres à pied ou en bateau. L’Évangile de Dieu ne se répand plus par seule diffusion du témoignage de la communauté. Il est porté au monde à travers l’engagement total de ces deux missionnaires que sont Paul et Barnabé. Nous regarderons, dans le prochain article, comment ils accomplissent leur tâche.

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

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La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.