Paul et Barnabé à Lystre. Jacob Pynas, c. 1605-1650. Huile sur toile, 48 x 28 cm. Metropolitan Museum of Art, New York (Wikimedia).

6. Paul à Antioche de Pisidie

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 22 novembre 2021

Cette série s’inspire de l’invitation pressante faite par le pape François à tous les baptisés : devenir des disciples missionnaires de l’Évangile de Jésus Christ. Dans cet article, l’auteur raconte brièvement le premier voyage de Paul à Antioche et la décision importante qu’il a prise devant l’hostilité de ses coreligionnaires.

Le premier envoi en mission de Barnabé et Paul est le fait de l’Église d’Antioche de Syrie, mais, rappelle l’auteur des Actes, tout se passe « dans l’Esprit » (Ac 13,4). Les deux hommes commencent une longue route qu’ils vont parcourir tantôt à pieds, tantôt en bateau.

Ils commencent par Chypre qu’ils parcourent de Salamine à Paphos. Dans les villes où ils s’arrêtent, ils recherchent en premier lieu les éventuelles communautés juives qui s’y sont installées, vont prier dans les synagogues, y annoncent Jésus ressuscité, Christ et Seigneur. Leur annonce est reçue de différentes manières. Revenus sur le continent, ils arrivent à Antioche de Pisidie où Paul s’adresse à une communauté juive visiblement importante, dans laquelle cherchent à s’intégrer de nombreux sympathisants, appelés également « des craignants Dieu », venus du monde païen alentour (Ac 13,14-49). Il amorce une longue prédication destinée prioritairement aux Juifs de l’assemblée : « Et nous, nous vous annonçons cette Bonne Nouvelle : la promesse faite à nos pères, Dieu l’a pleinement accomplie pour nous, leurs enfants, en ressuscitant Jésus, comme il est écrit au psaume deux : Tu es mon fils ; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré… » (Ac 13,32-33) Poursuivant son argumentation, il annonce à tous que le Messie attendu est venu en la personne de Jésus de Nazareth, rejeté par les autorités du Temple de Jérusalem, condamné à mort, crucifié mais ressuscité d’entre les morts. Il vient ouvrir à toute personne qui croit en lui, le chemin du salut.

Les paroles de Paul avaient de quoi sortir l’assemblée de son ronron hebdomadaire. Les uns s’enthousiasment, tandis que les autres se braquent contre ces voyageurs venus troubler la tranquillité de leur vie. À la sortie de la synagogue, Paul et Barnabé sont assaillis de questions ; l’intérêt suscité par leur annonce est immense. Beaucoup désirent en savoir davantage. Le sabbat suivant, la synagogue est remplie de curieux et d’un grand nombre de sympathisants avides d’entendre à nouveau Paul et Barnabé. La jalousie fait le reste. Les anciens se déchaînent contre les deux prédicateurs et rejettent avec force tout ce qu’ils peuvent dire. Paul interprète la situation comme un signe de l’Esprit. Il prend alors une décision forte qui le fait changer d’orientation : « C’est à vous d’abord qu’il était nécessaire d’adresser la parole de Dieu. Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien! nous nous tournons vers les nations païennes. En entendant cela, les païensétaient dans la joie et rendaient gloire à la parole du Seigneur ; tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants. » (Ac 13,46.48)

Le tournant déjà amorcé à Antioche est pris. Les conséquences de ce choix vont bouleverser l’avenir. Barnabé et Paul quittent l’univers juif dans lequel ils s’intègrent naturellement, pour se tourner vers cette population d’hommes et de femmes qui cherchent du côté du Judaïsme des réponses à leurs questions. Ne parvenant pas à accepter dans son intégralité la loi mosaïque, ils découvrent dans le message de Paul une ouverture et une liberté qui leur parlent. En grand nombre, ils viennent l’écouter et demandent le baptême. L’Évangile de Dieu ne connaît désormais plus de frontières et se répand dans toute la région. Il n’en fallait pas plus pour susciter, dans le cœur des opposants, une haine farouche.

Antioche de Pisidie étant devenue trop dangereuse pour eux, les deux hommes quittent la région pour aller vers d’autres villes. Iconium, Lystres, Derbé (Ac 14) les voient passer. Chaque fois qu’ils y trouvent de l’accueil, ils s’arrêtent et continuent à semer, avec plus ou moins de bonheur, la Bonne Nouvelle qu’ils ont reçue. Désormais, ils doivent compter avec l’hostilité grandissante des milieux juifs, avertis par leurs frères d’Antioche de Pisidie, de la menace que constituent les deux prédicateurs itinérants. Les polémiques que suscite son annonce d’un Messie crucifié, permettent à Paul de découvrir le scandale inacceptable qu’elle constitue pour un Juif pieux. L’hostilité grandissante ne les empêche pas d’aller jusqu’au terme du voyage, à Derbé. La route du retour leur permet de visiter à nouveau les petites communautés qu’ils ont mises en place. « Ils affermissaient le courage des disciples ; ils les exhortaient à persévérer dans la foi, en disant : « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu. » Ils désignèrent des Anciens pour chacune de leurs Églises et, après avoir prié et jeûné, ils confièrent au Seigneur ces hommes qui avaient mis leur foi en lui. » (Ac 14,22-23)

Ce premier voyage missionnaire de Paul nous aide à découvrir les facettes les plus importantes du travail d’un missionnaire de l’Évangile. Sa qualité première est une foi profonde en Jésus mort et ressuscité, présent en lui par son Esprit Saint. Cette conviction intérieure est une force qui lui permet de rester debout dans la tempête et capable d’affronter les difficultés et les pièges de la route. Il ne se comporte pas comme un agent de commerce, ne fait pas du prosélytisme ; il porte à la connaissance de ses interlocuteurs la Parole et les convictions qui l’habitent, laissant chacun libre de son choix. Il accompagne ensuite celles et ceux qui l’écoutent avec intérêt et demandent le baptême. Enfin, il aide les petits groupes qui se forment autour d’un homme ou d’une femme, à s’organiser et à former de petites communautés ou mini-églises qui vont vivre, se développer et essaimer en fonction du dynamisme de celles et ceux qui les composent.

Cette caractéristique interroge notre temps. Nous vivons à une époque où la foi chrétienne est encore pour beaucoup l’adhésion à un enseignement auquel on croit plus ou moins, parce que c’est notre culture. La foi des premiers siècles chrétiens est une foi de conviction en Jésus le Messie de Dieu, source de vie. Cette conviction profonde, chacun éprouvait l’envie de la partager. Est-ce encore le cas dans nos communautés chrétiennes d’aujourd’hui?

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

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La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.