Paul prêchant à Athènes. Artiste anonyme du 19e siècle. Huile sur toile, 120 x 178 cm (Wikimedia).

7. D’Athènes à Corinthe

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 20 décembre 2021

Cette série s’inspire de l’invitation pressante faite par le pape François à tous les baptisés : devenir des disciples missionnaires de l’Évangile de Jésus Christ. L’auteur poursuit ici sa réflexion. Après une mise au point suscitée par la décision d’admettre les païens dans la communauté, Paul se remet en route accompagné par Silas cette fois-ci. À Philippes, il rencontre Lydia et il tente d’inventer un langage nouveau à Athènes.

Leur premier voyage missionnaire terminé, Barnabé et Paul rentrent à Antioche de Syrie, leur point de départ, et ils racontent ce qu’ils ont vécu. « Une fois arrivés, ayant réuni l’Église, ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux nations la porte de la foi. » (Ac 14,27) S’il suscite l’admiration de certains, ce rapport en laisse d’autres perplexes. Ils se demandent si cette ouverture aux nations païennes, sans conditions, n’est pas une trahison. La raison de ce changement d’opinion est donnée : « Des gens, venus de Judée à Antioche, enseignaient les frères en disant : « Si vous n acceptez pas la circoncision selon la coutume qui vient de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. » (Ac 15,1) Il n’en fallait pas plus pour semer la zizanie au sein d’une communauté qui vivait dans la paix jusque-là. Ce qui venait de Jérusalem a dû paraître, aux yeux de certains, plus sûr que les idées de Paul ou Barnabé. La communauté est divisée, il est nécessaire de régler le problème. « Alors on décida que Paul et Barnabé, avec quelques autres frères, monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des Anciens pour discuter de cette question. » (15,2b)

Cette situation de crise est caractéristique de la vie de l’Église depuis les origines. Avec l’assemblée de Jérusalem réunie pour discuter du statut des chrétiens venus du paganisme et des conditions de leur admission, on pose la question de l’ouverture de l’Église. Sera-t-elle restreinte au cercle judéo-chrétien et à ses lois particulières ou bien ouverte à tous? Paul et Barnabé ont répondu de manière concrète à cette question en s’adressant résolument aux populations païennes qui les ont écoutés. Seront-ils maintenant désavoués? Le sort de l’Église universelle ou « catholique » – selon l’étymologie du mot – est en jeu. La discussion est très animée.

Manifestement, la majorité des membres de l’Église de Jérusalem n’imagine pas que l’on puisse devenir chrétien sans rester en même temps fidèle à la loi mosaïque. Pour beaucoup, Paul a trahi sa mission. L’intervention de Pierre qui rappelle ce qui s’est passé chez le centurion Corneille à Césarée (Ac 15,7-10) et celle de Jacques invitent à un consensus minimal avec l’invitation au respect de la très ancienne loi donnée par Dieu à Noé (Ac 15,19-21). La proposition acceptée, les hommes et les femmes qui croient en Jésus, Christ et Seigneur, peuvent entrer dans l Église, sans condition autre que la foi. La cabale menée contre Paul et Barnabé n’est pas finie pour autant, mais elle ne bénéficie plus de l’appui de l’Église de Jérusalem. Jude et Silas sont envoyés avec eux à Antioche pour y rendre compte de la décision prise. La paix peut revenir au sein de cette communauté. Après quelque temps de repos, un deuxième voyage missionnaire est organisé. Un désaccord sur la direction à prendre, sépare Barnabé et Paul. Silas accompagnera ce dernier.

Une nouvelle étape commence. Paul reprend la route de son premier voyage et en profite pour visiter les communautés qui se sont constituées et les encourager. Cherchant à prendre une nouvelle direction, il se trouve, par deux fois, empêché de le faire. Voyant là un signe de l’Esprit, il comprend, à la suite d’une vision (Ac 16,9), qu’il doit aller en Macédoine. Il arrive à Philippes, une colonie romaine habitée par les anciens des légions. La présence juive est trop faible pour qu’une synagogue ait été construite. Néanmoins, le jour du sabbat, il sort de la ville à la recherche d’un point d’eau autour duquel on peut se rassembler pour la prière. Il trouve effectivement un groupe de femmes au milieu desquelles il s’assoit et leur parle. L’une d’elles, Lydia, est saisie par la grâce et demande le baptême. C’est une commerçante qui sait ce qu’elle veut. Tout de suite, elle s’impose avec autorité : « Si vous avez reconnu ma foi au Seigneur, venez donc dans ma maison pour y demeurer. » (Ac 16,14) Et voilà qu’une première assemblée de maison se constitue sous l’autorité d’une femme. Paul et Silas vont passer quelque temps à Philippe et c’est chez Lydia qu’ils résident jusqu’au moment de leur départ.

Ils arrivent finalement à Athènes, la capitale culturelle de tout l’empire romain, où les écoles philosophiques sont nombreuses, où l’on s’efforce de penser rationnellement les problèmes de l’homme et sa présence au monde. Dans un premier temps, Paul se promène dans la ville où se sont multipliés les constructions fastueuses et les temples en l’honneur de différentes divinités. Il y découvre même un temple dédié au dieu inconnu (Ac 17,23).

Resté seul, il se met sans tarder à discuter avec les personnes qu’il rencontre. Intrigués par une annonce qu’ils ne comprennent pas, certains l’entraînent jusqu’à l’Aréopage et l’invitent à parler publiquement de sa doctrine. Paul se trouve pour la première fois confronté à un public exclusivement païen. L’argumentaire qu’il utilise devant des juifs est incompréhensible ici. Il doit inventer un langage nouveau (Ac 17,22-32). C’est un défi qui se pose à lui. Pour annoncer le Dieu unique et créateur de toutes choses, il ne craint pas d’intégrer dans ses paroles des citations d’un poète et d’un philosophe grec. On l’écoute, mais quand il commence à parler de Jésus ressuscité d’entre les morts, il déclenche des rires et des quolibets (17,32) : « Là-dessus nous t’écouterons une autre fois. » Même si quelques personnes s’intéressent à lui, Paul ressort de cette expérience un peu frustré. Il quitte très vite Athènes et part pour Corinthe. C’est là qu’il trouvera la véritable manière de gagner le monde au Christ.

Une chose apparaît désormais. Ce n’est pas dans de grands débats religieux ou intellectuels que va se faire le travail d’évangélisation. À Corinthe, Paul trouvera un autre chemin.

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

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Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.