Le côté oriental de la citadelle israélite avec la porte et les deux tours de défense.
(photos © Rosario Pierri, OFM / SBF)

Arad et Mamshit, villes du désert

AuteurPietro Kaswalder | 9 mai 2014

Dans cette chronique, nous partons à la découverte de deux antiques cités dans le désert du Néguev. Elles sont classées par l’Unesco au Patrimoine mondial « sur la route de l’encens ».

La colline de Tel Arad (570 m) domine le Néguev central, là où prennent fin les monts de Judée. Sur les hauteurs de cette colline, deux villes ont fait l’objet de fouilles archéologiques, l’une datant du Bronze ancien (3200 av. J.-C.) et l’autre de la période israélite (1000-586 av. J.-C.). À proximité du site, vivent aujourd’hui les familles de Bédouins du Néguev qui continuent à perpétrer les traditions ancestrales incluant quelques concessions modernes. En arrière-plan, en direction de la mer Morte, on aperçoit les gratte-ciels de la ville moderne d’Arad, renommée pour ses soins et remise en forme. L’air du désert associé aux eaux de la mer Morte est une combinaison bénéfique et efficace pour retrouver la santé.

La route moderne traverse le territoire des Bédouins d’Ar’ara et mène directement à la grande artère provenant d’Eilat pour ensuite continuer en direction de Beer Sheva, capitale du Néguev. Après un bref trajet, la route mène jusqu’à la ville nabatéenne de Mamshit, célèbre pour ses mosaïques. À l’occasion des fêtes civiles, de nombreux Israéliens viennent visiter ces ruines pour y redécouvrir les parfums des épices d’autrefois, y compris les plus rares. La tradition caravanière de la ville nabatéenne est parvenue, à sa manière, à ressusciter à l’époque moderne.

Arad, la plus ancienne ville du Néguev (3200 av. J.-C.)

La zone d’Arad présente un climat particulièrement défavorable. En effet, le froid et le chaud y sont féroces et les précipitations toujours insuffisantes. Le désert d’Arad a été le lieu de quelques épisodes de l’Exode. Le livre des Nombres (21,1-3) rappelle notamment un combat opposant Moïse aux Cananéens du Néguev entre Horma et Arad. Enfin, c’est également sur les terres d’Arad que les fils de Juda s’établirent avec les fils de Hobab, autre nom de Jéthro, le beau-père de Moïse (Jg 1,16).

La colline méridionale de Tel Arad a fait l’objet de fouilles archéologiques réalisées par Ruth Amiran entre 1962 et 1978. Les découvertes réalisées se sont avérées particulièrement utiles pour l’étude de la préhistoire du Néguev. On apprit qu’au cours des derniers siècles du IVe millénaire av. J.-C, fut construit un village de mineurs qui exploitaient les grottes naturelles. Au fil des années, le village devint une ville fortifiée dotée d’un puits, de murailles, de portes monumentales, de bâtiments publics et d’un sanctuaire. Le centre connut une période de prospérité grâce à l’extraction des métaux et pierres précieuses présents dans le Néguev et dans la Vallée de la Arabah (3200-2700 av. J.-C.). Le pharaon Narmer (Première Dynastie) la conquit et la détruisit pour s’emparer des trésors de la région. Cet événement peut être considéré comme le premier acte d’impérialisme de l’Égypte envers la région de Canaan, point de repère qui permet de retracer la chronologie de l’histoire de Canaan en lien avec les dynasties égyptiennes. Le palais royal et le temple constituent les découvertes les plus importantes faites à l’intérieur de la ville.

Tell Arad

La zone du temple vue de haut (10 x 12 m).
Au premier plan, la cour et l’autel pour les sacrifices. En arrière plan, la tranchée creusée sous le saint des saints.

Arad, la citadelle israélite (X-VIe siècle av. J.-C. )

La colline nord de Tel Arad a été l’objet de fouilles archéologiques réalisées sous la direction de Yohanan Aharoni au cours des années 1962-1967. Les fouilles et les restaurations se poursuivent encore actuellement. Il est important de noter qu’il existe encore de nombreuses zones d’ombre et que certaines théories et interprétations n’ont pas fourni d’explications satisfaisantes. On espère que les dernières fouilles parviendront à donner des résultats aptes à reconstruire une histoire plus proche de la réalité, notamment en ce qui concerne les phases de développement de la zone sacrée.

Aux environs du IXe siècle av. J.-C, fut construite une forteresse de 50 x 50 m visant à protéger la route reliant Hébron à Beer Sheva. L’importance stratégique d’Arad est attestée par la découverte des archives d’Éliashub, le dernier commandant militaire d’Arad (586 av. J.-C.), et plus récemment, par la découverte d’une forteresse du limes Palaestinæ utilisée jusqu’à la fin de la période byzantine.

On suppose qu’au IXe siècle av. J.-C. un sanctuaire fut construit à l’intérieur du fort. Il s’agit de l’une des découvertes les plus intéressantes jamais réalisées dans le domaine de l’archéologie : une enceinte sacrée (10 x 12 m) divisée en trois secteurs. À l’est, se trouve la cour extérieure avec l’autel des sacrifices (2,5 x 2,5 m), la salle des lévites et la niche (debir, ou sancta sanctorum), espace réservé à la divinité. Cette niche, aux dimensions réduites (1,20 x 1,20 m), est surmontée de trois jardins et abrite deux petits autels pour les sacrifices mineurs. Derrière la façade occidentale, se trouvent deux stèles sacrées (mazzebot). Certains objets cultuels découverts à l’intérieur de l’édifice sacré, dont des plats pour présenter les offrandes, un cratère portant l’inscription « sacre aux prêtres », et les inscriptions de l’architrave font penser à un temple israélite détruit à l’époque de la réforme de Josias (620 av. J.-C.). La présence des stèles et des deux autels suggère la pratique d’un culte vénérant deux divinités, un couple, dont la femme aurait été la déesse Asherah. La pratique de ce culte aurait été abandonnée suite à la réflexion prophétique. Le temple israélite d’Arad démontre que l’ancien Israël est passé des cultes cananéens au monothéisme progressivement. Les inscriptions que l’on retrouve sur les ostraca d’Arad mentionnent les familles des prêtres Meremot, Pashehur et les fils de Coré, auteurs de certains Psaumes.

Tell Arad

Le saint des saints ou debir  du temple israélite (1,20 x 1,20 m). Il contient deux autels pour l’encens et deux stèles de culte (mazzebot)
(photo : Ian Scott / Wikimedia).

Mamshit, ville caravanière des Nabatéens

À 40 km de Beer Sheva, sur la route reliant Dimona à la mer Rouge, se dresse la ville nabatéenne de Mamshit. Lorsque la ville atteignit son étendue géographique maximale, le périmètre urbain permettait de contenir environ 1500 habitants. Construite au Ier siècle av. J.-C. la ville constitue l’un des derniers centres urbains fondés par les Nabatéens du Néguev. Commerçants et militaires habiles dotés d’un goût prononcé pour l’art raffiné, les Nabatéens conquirent le désert du Néguev à partir du IVe siècle av. J.-C, pour bénéficier de voies de communication vers la mer Méditerranée. Ils transportaient les précieuses marchandises en provenance de l’Inde et des Arabies jusqu’au golfe d’Aqaba. Mamshit était reliée à la vallée de la Arabah et donc à Pétra par la montée d’Akrabbim, des scorpions.

Memshit

Le torrent de Mamshit. Le barrage construit par les Nabatéens permettait de collecter les eaux pluviales d’hiver.

Le flanc méridional de Mamshit est protégé par un profond torrent creusé par les eaux de pluie. Des barrages et canaux permettaient de collecter et d’utiliser les pluies pour les besoins des habitants, l’élevage et l’agriculture. Les Nabatéens étaient également de grands agriculteurs comme en témoignent les restes d’oliveraies, de vignobles, de culture de grenadiers et d’autres arbres fruitiers présents aux alentours de la ville.

À la fin de la période romaine, à partir du Ve siècle ap. J.-C., la population de Mamshit fut christianisée et les temples païens firent place aux basiliques chrétiennes.

Memshit

Les étables du palais est, exemples typiques d’architecture nabatéenne.

La ville fut explorée à plusieurs reprises, mais commença à faire l’objet de fouilles régulières à partir de 1965 par Avraham Negev. Les principaux édifices ont été nettoyés ainsi que deux basiliques chrétiennes ornées de mosaïques. Thermes, étables et installations pour la production d’huile d’olive de Mamshit sont emblématiques de l’architecture nabatéenne. À l’extérieur de la ville, a été conservé un caravansérail à chameaux.

Memshit

Le baptistère de Mamshit creusé en forme de croix grecque.

L’église qui se dressait sur l’acropole était dédiée aux Saints et Martyrs comme nous l’indique l’inscription devant le presbytère. La basilique à trois nefs et au sol orné de mosaïques mesure 15 x 27 m. Un baptistère avec des marches se trouve dans la partie sud. Des restes de bases de petites colonnes suggèrent la présence d’un dais au-dessus de la cuve baptismale.

Memshit

Mosaïques où sont représentés deux paons.

L’église occidentale plus petite (10,5 x 15 m) a gardé elle aussi ses mosaïques avec inscriptions. La dédicace nous révèle que le constructeur de l’église s’appelait Nil, nom courant dans la Province d’Arabie et dans la Palestine Troisième. Sont également mentionnés Irénée et Zénobie. Les murailles de la ville reconstruites sur de longues portions datent de l’époque de Dioclétien (284-305). Les trois cimetières de Mamshit abritent des inscriptions funéraires romaines et byzantines. Parmi les plus importantes, on note celle d’un centurion de la Legio III Cirenaica et d’un cavalier de la Cohors I Augusta Tracum.

Membre de l'Ordre des frères prêcheurs, Pietro Kaswalder (1952-2014) a enseigné l'exégèse de l’Ancien Testament au Studium Biblicum Franciscanum de Jérusalem et il était guide pour les excursions archéologiques de la même institution.

Source : La Terre Sainte 626 (2013) 6-11 (reproduit avec autorisation).

Caravane

Caravane

Initiée par Chrystian Boyer, cette chronique a été ensuite partagée par plusieurs chroniqueurs. Messieurs Boyer et Doane livrent leur carnet de voyage en Terre Sainte. Ensuite, une série d’articles met en scène un personnage fictif du premier siècle qui raconte ses voyages dans les villes où saint Paul a entrepris ses voyages missionnaires. Et plus récemment, la rubrique est alimentée grâce à une collaboration de Terre Sainte magazine.