(photo : Tachina Lee / Unsplash)

Notre rédemption approche

Yvan Mathieu Yvan Mathieu | 1er dimance de l’avent (C) – 2 décembre 2018

La venue du Fils de l’homme : Luc 21, 25-28.34-36
Les lectures : Jérémie 33, 14-16 ; Psaume 24 (25) ; 1 Thessaloniciens 3, 12–4, 2
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

En entendant la page d’Évangile de ce jour, on serait tenté de croire que le Lectionnaire s’est trompé de saison. Un peu plus de trois semaines avant la grande fête de Noël, nous nous serions attendus à lire une page de l’Évangile de l’enfance. Nous aurions aimé contempler Joseph et Marie accueillant l’annonce de la naissance de Jésus. Ou encore voir Marie partir en toute hâte pour rendre visite à sa cousine Élisabeth enceinte de Jean Baptiste. Mais au lieu de ces scènes qui annoncent celle de la crèche, Jésus nous parle de sa venue. Non pas de sa première venue, mais bien plutôt de sa venue à la fin des temps! Que se passe-t-il donc?

Le sens du temps de l’Avent

Pour comprendre le choix de cette page d’Évangile, il importe de redécouvrir le sens du mot « Avent ». Le mot latin adventus signifie « venue, avènement ». Dans la Bible latine, produite par saint Jérôme, la Vulgate, adventus traduit souvent le mot grec parousia, « qui désigne la venue glorieuse du Seigneur à la fin des temps » [1]. Il traduit aussi le mot epiphaneia, « manifestation ». C’est pourquoi, « le temps de l’Avent a une double caractéristique : c’est à la fois un temps de préparation aux solennités de la Nativité, où l’on commémore le premier avènement du Fils de Dieu parmi les hommes, et un temps où, par ce mémorial, les âmes se tournent vers l’attente du second avènement du Christ à la fin des temps. Pour ces deux raisons, le temps de l’Avent se présente comme un temps de pieuse et joyeuse attente » [2]. Les évangiles du premier dimanche de l’Avent insistent sur le retour du Christ à la fin des temps : Jésus parlait à ses disciples de sa venue...

Un discours différent

Dans les trois évangiles synoptiques, Jésus parle de son retour en prédisant des phénomènes cosmiques touchant le soleil, la lune et les étoiles. Mais il y a des différences importantes entre le discours de Jésus chez Luc et le même discours dans les deux premiers évangiles. Chez Matthieu et Marc, ces phénomènes sont précédés par une détresse. « En ces jours-là, après une pareille détresse… » (Mc 13,24). Aussitôt après la détresse de ces jours-là… » (Mt 24,29). Rien de tel chez Luc. Chez Matthieu et Marc, Jésus décrit ces phénomènes en suivant de près un texte d’Isaïe, où le prophète parle du jour du Seigneur : Les étoiles du ciel et ses constellations ne brilleront plus de leur lumière ; le soleil, dès son lever, s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté (Is 13,10). Dans les deux premiers évangiles, Jésus déclare : le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel et les puissances célestes seront ébranlées (Mc 13,24-25 || Mt 24,29). Mais chez Luc, Jésus ne parle pas de ténèbres, mais plutôt de signes, sans qualifier ceux-ci de bons ou de mauvais : Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles (Lc 21,25).

Savoir lire les signes

En entendant Jésus parler de sa venue chez Matthieu et Marc, on a nettement l’impression qu’il veut susciter peur et tremblement chez ses auditeurs. En entendant le même discours chez Luc, on a plutôt l’impression que Jésus invite ses disciples à avoir une réaction différente. Il ne s’agit pas de choisir la détresse, mais bien l’espérance. Les changements qui arriveront dans le soleil, la lune et les étoiles n’annoncent pas la victoire des ténèbres sur la lumière. Pour que l’on puisse voir la lumière surgir, n’est-il pas nécessaire qu’il fasse noir? Avant qu’un film ne soit projeté au cinéma, on plonge la salle dans l’obscurité!

La terre, la mer et l’univers

Quand il parle de sa venue, Jésus ne parle pas seulement des signes qui surviendront dans les cieux. Il y aura aussi des événements terrifiants sous les cieux. Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots. Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde (Lc 21,25-26). Fait à noter, ce sont « les nations » qui sont affolées et désemparées, ce sont « les hommes » qui meurent de peur. Les disciples, eux, sont invités à avoir une attitude et une perspective différentes.

Au-delà des signes, savoir reconnaître celui qui vient

Depuis que Jésus a prononcé son discours, bien des signes sont apparus dans le ciel, bien des cataclysmes sont venus ébranler notre terre. Quels que soient les temps ou les lieux où ils ont vécu, les hommes et les femmes ont toujours été exposés à ces phénomènes. Évoquons simplement chez nous le tremblement de terre de Charlevoix, le déluge du Saguenay, la crise du verglas et les tornades qui ont frappé cet automne les villes d’Ottawa et de Gatineau. Pensons encore aux changements climatiques. À travers tout cela, Jésus nous invite à ne pas fixer notre attention sur les signes, mais plutôt sur ce qu’ils annoncent. Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire (Lc 21,27).

Relever la tête

Les signes des temps sont déjà commencés. Ils le sont depuis très longtemps. Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche (Lc 21,28). Le temps de l’Avent nous est donné, non pour que nous nous enfermions dans la peur, mais pour que nous nous tenions droit, que nous relevions la tête en choisissant l’espérance. Plutôt que d’attendre « ce qui doit arriver au monde », nous pouvons attendre celui qui vient dans le monde. Notre rédemption approche ! Or, pour que nous ayons part à ce salut, il importe que nous soyons debout et que notre tête soit tournée vers le lieu d’où viendra le Fils de l’homme.

Se tenir sur ses gardes

Comment donc pouvons-nous rester debout dans l’espérance? Comment être attentifs aux signes du retour définitif du Christ notre Sauveur? La fin de l’évangile de ce dimanche nous propose des pistes intéressantes. Jésus commence par nous dire : Tenez-vous sur vos gardes (Lc 21,34a). Une autre traduction possible serait : Prenez garde pour vous-mêmes (Boismard). Pourquoi? Jésus répond : de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie (Lc 21,34b). J’entends ici un écho à l’explication de la parabole du semeur : Ce qui est tombé dans les ronces, ce sont les gens qui ont entendu, mais qui sont étouffés, chemin faisant, par les soucis, la richesse et les plaisirs de la vie, et ne parviennent pas à maturité (Lc 8,14). J’entends encore l’avertissement de Jésus à l’intendant à qui il confie sa maison : Si le serviteur se dit en lui-même : “Mon maître tarde à venir”, et s’il se met à frapper les serviteurs et les servantes, à manger, à boire et à s’enivrer, alors quand le maître viendra, […] il l’écartera et lui fera partager le sort des infidèles (Lc 12,45-46).

Un chemin de prière et de fidélité

Pour empêcher que nos cœurs s’alourdissent, accueillons l’invitation que nous lance Jésus : Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme (Lc 21,36). Ainsi, non seulement nous célébrerons la Nativité dans la joie, nous serons prêts pour la venue définitive du Fils de l’homme à la fin des temps.

Père mariste, Yvan Mathieu est professeur à l’Université Saint-Paul (Ottawa).

[1] Philippe Rouillard, « Le lectionnaire dominical du temps de l’Avent », dans Assemblées du Seigneur, 4 (1975), p. 4-17 (4).
[2] Normes universelles de l’Année liturgique et du Calendrier, No. 39

Source : Le Feuillet biblique, no 2596. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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