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L'usage liturgique du livre des Lamentations
Dans la Bible hébraïque, le livre des Lamentations fait partie des « Hagiographes » ou « Écrits » 1, et parmi ces « Écrits », Lamentations est l’un des cinq « meguillôt », cinq petits rouleaux qu’on lit aux grandes fêtes dans le judaïsme.
La fête du 9e jour du mois de 'Av
Au calendrier liturgique juif, le livre des Lamentations - on devine aisément pourquoi – est associé au deuil et au jeûne. On le lit lors d’un mois qui modère la joie (le mois de Av, cinquième mois après Nisan) 2, et plus précisément lors d’une fête (le Tish’a be-Av, littéralement « 9 Av », 9ème jour de ce mois) qui commémore à la fois la destruction du premier Temple par l’armée babylonienne, mais aussi la destruction du dernier Temple par les Romains, en l’an 70 de notre ère.
Depuis ce jour, la joie d’Israël ne peut être parfaite, en l’absence du Temple. Ce jour-là est donc journée de jeûne strict, et y on adopte des attitudes de deuil : on ne se lave pas, on ne lit pas la Torah (car la Torah est joie pour le cœur ; Ps 19,9), mais bien plutôt les livres plus « souffrants » de la Bible qui incitent au repentir et à la confiance en Dieu, tels Job, certains passages des prophètes et ce rouleau des Lamentations qu’on lit, assis par terre :
Assis à terre, silencieux,
les anciens de la Belle Sion
se mettent de la poussière sur la tête;
ils se sanglent dans des sacs.
Elles laissent choir leur tête jusqu'à terre,
les jeunes filles de Jérusalem (Lm 2,10).
Les Lamentations et la passion du Christ
Du côté chrétien, on associe spontanément les Lamentations aux évènements de la Passion du Christ, soit à la souffrance de Jésus ou de Marie au Calvaire. Qui n’a jamais vu une image du Christ en croix au pied de laquelle se trouve sa mère, avec ces paroles directement issues du livre des Lamentations :
Vous tous qui passez par le chemin,
regardez et voyez
s'il est une douleur pareille
à ma douleur (Lm 1,12).
Dans la liturgie catholique, autrefois3, on lisait le livre des Lamentations, à l’office divin4 lors de la Semaine Sainte, plus précisément lors des Matines (qu’on appelle aujourd’hui « Office des lectures ») des Jeudi et Vendredi Saints. En effet, le livre des Lamentations sied bien à cette période liturgique qui commémore la Passion de Jésus, cette œuvre trouvant certainement l’éloquence et la force d’expression qu’il faut pour nommer la souffrance du Christ.
Dans la liturgie actuelle cependant, le livre des Lamentations est pratiquement disparu. Peut-être est-ce la raison pour laquelle ce livre biblique est si mal connu des catholiques ? Autant dans la Liturgie des heures qu’à la messe, sa lecture liturgique est pratiquement absente. Tout au plus lit-on les Lamentations, pour quelques jours seulement, durant l’été, à l’Office des lectures du bréviaire5. Durant la messe, on ne trouve qu’une seule lecture tirée des Lamentations, lors d’une messe de semaine et, qui plus est, ne revient qu’aux deux ans6. Jamais le dimanche, jamais dans la Semaine Sainte, curieusement ! Dans le Lectionnaire des funérailles, une seule péricope des Lamentations est proposée lors de funérailles particulièrement tragiques où notre espérance est mise à rude épreuve.
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1 La Bible hébraïque se divise traditionnellement en trois grandes parties : la Torah (le Pentateuque ou les cinq premiers livres de nos bibles), les Nevi'int (les Prophètes) et les Ketouvim (les autres écrits ou Hagiographes). Cette dernière partie (Ketouvim), se subdivise encore en sous section. Le livre des Lamentations est classé parmi les Hamesh Meguillôt, c'est-à-dire les Cinq rouleaux, lesquels contiennent les cinq livres suivants : le Cantique des cantiques, Ruth, Lamentations, L'Ecclésiaste et Esther.
2 Pour comprendre le calendrier juif, voir le tableau comparatif qui se trouve dans les appendices de la Bible de Jérusalem. Le mois de Av correspondrait à juillet/août de notre calendrier.
3 Avant la réforme liturgique de Vatican II.
4 Office divin qu'on appelle Liturgie des heures ou Bréviaire. C'est la prière officielle et quotidienne de l'Église à laquelle sont tenus le clergé ainsi que les religieux.
5 On trouve aussi une trace de la liturgie d'avant concile au bréviaire actuel : on peut utiliser un extrait du chapitre 3 des Lamentations en guise de Cantique aux vigiles de la Semaine Sainte. Liturgie des heures, volume II.
6 Messe du samedi de la douzième semaine du temps ordinaire, années paires.
Source: Le Feuillet biblique, no 2216. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.
Chronique précédente :
Le livre des Lamentations - Quel auteur et quel message?
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