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Bible et culture
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JÉSUS À L'ÉCRAN (5/6)
 
Jésus à l'écran : d'hier à aujourd'hui

Première partie :  Un défi pour les cinéastes

PAR JEAN-FRANÇOIS PERREAULT

 

Jésus et Judas

Jésus Christ, Superstar
Norman Jewison, 1973

     Cette version cinématographique de la Passion du Christ est la transposition sur écran d'un opéra rock conçu en 1971 par Tim Rice et Andrew Lloyd-Webber. Jésus y est présenté d'amusante façon comme un rebelle contestataire, à l'image de la jeune génération des années hippies. L'histoire est racontée selon le point de vue de Judas l'Iscariote (interprété par Carl Anderson) et la trame narrative est fondée sur la relation entre lui et Jésus (incarné par Ted Neely). Cette production ne manque pas d'originalité et sait susciter une certaine réflexion. Le mélange de costumes antiques et contemporains ainsi que l'utilisation d'accessoires modernes (à un moment, Judas est pourchassé par un tank) donnent au film un cachet tout à fait unique, pour ne pas dire singulier. La force de ce film réside surtout dans son genre narratif qui, regroupant en un système cohérent des numéros musicaux autonomes, rappelle un peu l'organisation littéraire des péricopes évangéliques.

Pier Maria Rossi

Le Messie
Roberto Rossellini, 1975

     Intéressante oeuvre du grand cinéaste italien Rossellini, ce film représente un premier essai d'illustrer à l'écran la dimension sociohistorique de la figure du Christ. Cette production est en tous points conforme au genre néoréaliste qui caractérise le cinéma de Rossellini. Le ton du film est donc empreint d'un vérisme assez sec qui tranche sur l'allure aseptisée de la majorité des oeuvres cinématographiques inspirées des évangiles. Le réalisateur était surtout préoccupé de donner autant que possible à son film une saveur de « neutralité ». C'est pourquoi l'oeuvre est marquée par une ambiance d'austérité et un aspect extrêmement dépouillé. On peut toutefois s'interroger sur la réelle possibilité de concevoir une oeuvre « neutre » et « objective » sur la personne de Jésus puisqu'une bonne part de projection est inévitable lorsqu'on aborde ce sujet. Quoiqu'il en soit, le film « humaniste » de Rossellini, soucieux de montrer le renouveau apporté par Jésus dans le rapport à la question religieuse, constitue une nette percée dans la représentation du « Jésus historique » au cinéma. Le personnage de Jésus est cependant interprété sans grande envergure par l'acteur Pier Maria Rossi et l'ensemble de la production souffre d'un certain manque de tension dramatique.

La réanimation de Lazarre

Jésus de Nazareth
Franco Zeffirelli, 1977

     Grandiose production télévisée, cette mini-série a fortement marqué et influencé les perceptions populaires en ce qui a trait au christianisme. Il faut reconnaître que l'oeuvre ne manque pas de mérites et se signale notamment par son souci de la reconstitution historique, qui réussit à donner un semblant d'authenticité. On peut toutefois formuler quelques réserves face à cette ambitieuse production. En effet, par son ton révérencieux, son rigoureux souci de fidélité aux traditions et son approche calculée, l'ensemble de la production fait preuve d'un académisme plutôt froid. Jésus, tel qu'incarné par Robert Powell, a certainement beaucoup de présence mais apparaît malheureusement comme un personnage irréel, distant et langoureux. Cela dit, on peut considérer cette mini-série comme un grand classique du genre, dont l'impact culturel a été incontestable. La distribution est impeccable et plusieurs acteurs sont fort convaincants. Parmi ceux-ci, mentionnons Anne Bancroft, inoubliable dans le rôle de Marie-Madeleine, Valentina Cortese, sublime dans celui d'Hérodiade, et James Farentino, très pittoresque en Simon Pierre.

affiche

     Une suite, intitulée A.D. Anno Domini (Stuart Cooper, 1985), aussi soignée et académique que la série de Zeffirelli, a été réalisée par le même producteur, Vincenzo Labella, et couvre la période allant de l'expérience pascale aux persécutions de Néron. De grands noms d'Hollywood ont été associés à l'entreprise, notamment James Mason (dans le rôle de Tibère), Ava Gardner (dans celui d'Agrippine la Jeune) et Susan Sarandon (qui incarne Livilla, belle-fille de Tibère). Le personnage de Jésus est interprété par Michael Wilding, Jr., fils du couple d'acteurs Elizabeth Taylor et Michael Wilding, Sr.

     Constituant les deuxième et troisième volets d'une « trilogie biblique » commencée avec le téléfilm Moïse (Gianfranco De Bosio, 1975), les séries Jésus de Nazareth et A.D. Anno Domini sont respectivement tirées des romans L'Homme de Nazareth (1976) et Le Royaume des mécréants (1985), écrits par l'auteur de L'Orange mécanique, Anthony Burgess. Ce dernier a d'ailleurs contribué au scénario de chacune de ces productions.

Le baptême de Jésus

Jésus, le film
Peter Sykes et John Kirsh, 1979

Pour voir le film
(requiert RealPlayer)

     Cette illustration très littérale de l'évangile de Luc, bien qu'elle se présente comme un « documentaire » sur Jésus, constitue d'abord et avant tout un outil de prosélytisme produit par le Campus Crusade for Christ, International. Rigoureusement fidèle au texte lucanien et porté par un certain souci du détail, ce film, au ton très didactique, a l'intérêt d'avoir été tourné entièrement en Israël. Les acteurs et figurants sont tous originaires de cette région du globe, à l'exception de Brian Deacon, acteur anglais incarnant le personnage de Jésus. Par son irréprochable fidélité aux sources et par la simplicité de son traitement, ce film peut certainement servir d'introduction aux évangiles. Cependant, on ne peut dire qu'il s'agit de la meilleure production sur le sujet à avoir vu le jour. La réalisation, peu inventive, est plutôt poussive et l'interprétation manque singulièrement de tonus. Le fait de transposer le plus littéralement possible le texte biblique n'a pas non plus été la meilleure idée qui soit puisque ce faisant, tout le sens du langage métaphorique et symbolique des évangiles se trouve dilué dans le produit filmique.

Jésus et Marie-Madeleine

La Dernière Tentation du Christ
Martin Scorsese, 1988

     Tiré du roman de Nikos Kazantzakis, ce film se veut « une exploration fictive de l'éternel conflit spirituel », « impitoyable bataille entre l'esprit et la chair ». Il s'agit d'une oeuvre à la fois sensible et insolite, très librement inspirée de la vie du Christ. Rompant avec les règles établies, le cinéaste Martin Scorsese a choisi de présenter le Christ comme un être engagé dans une difficile quête spirituelle. L'histoire est donc conçue comme une allégorie du cheminement intérieur de l'être humain. La grande « tentation » qu'éprouve le Christ et à laquelle le titre fait référence semble être celle de se trahir lui-même, en choisissant de mener une existence paisible et tranquille, au lieu de rester fidèle à son « appel » intérieur. Cette illustration du tiraillement entre l'ego et le soi profond est particulièrement intéressante et très bien rendue. Il est toutefois un peu regrettable que le scénario, s'appuyant sur une anthropologie dualiste de la personne humaine, reproduise l'éternel cliché opposant spiritualité et sexualité. Sur le plan cinématographique, le film est splendide, avec sa photographie soignée, sa musique envoûtante, sa réalisation alerte et sa distribution exceptionnelle. L'oeuvre baigne dans une atmosphère onirique qui lui confère un aspect fascinant et qui excuse certains passages un peu forcés (comme lorsque le Christ retire son coeur sanglant de sa poitrine). Willem Dafoe est tour à tour amusant, troublant et pathétique dans son interprétation du Christ. Cependant, cette version sur écran de la vie de Jésus, par son côté parfois burlesque et son approche superficielle du contenu évangélique, ne propose pas un regard vraiment approfondi de la question chrétienne.

affiche

Jésus de Montréal
Denys Arcand, 1989

     Brillante transposition des évangiles dans un contexte contemporain, cette oeuvre, saluée unanimement par la critique, est sans aucun doute l'une des plus marquantes à avoir été tournée sur le sujet. Au moyen de détours assez astucieux (le film porte sur une troupe de jeunes acteurs engagés pour « revitaliser » une pièce sur la Passion du Christ), le cinéaste parvient à réactualiser la figure de Jésus, tout en lui donnant un aspect très « terre à terre ». Ce faisant, il réussit à très bien dépeindre le côté subversif et profondément dérangeant du Jésus historique, ce que fort peu de réalisateurs avaient accompli avant lui. Les parallèles entre les évangiles et le quotidien des acteurs impliqués dans la pièce sont extrêmement intéressants et permettent de mieux saisir l'impact qu'a pu avoir Jésus de Nazareth sur la société de son époque. L'interprétation des comédiens est très convaincante, Lothaire Bluteau (qui incarne Daniel Coulombe, l'acteur choisi pour « jouer » Jésus) se distinguant par son côté sensible et engagé. Le film n'est cependant pas parfait, les données du scénario n'étant pas toutes très rigoureuses sur le plan historico-critique (pour présenter les origines de Jésus, le cinéaste a préféré se baser sur une polémique issue d'anciens écrits rabbiniques plutôt que sur les résultats de la recherche exégétique). Malgré cela, cette oeuvre se démarque avantageusement de la plupart des autres films portant sur Jésus et se révèle un vibrant plaidoyer en faveur de la dignité humaine.

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