La lapidation d’Étienne. Fresque médiévale. Coupole de la cathédrale Saint-Étienne, Cahors (Wikipedia).

L’Esprit qui pousse la jeune communauté à l’inventivité

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 27 janvier 2020

Si, comme nous l’avons vu, l’Esprit libère la parole et donne aux disciples la force d’affronter des autorités qui veulent les contraindre au silence, il va les pousser à inventer de nouvelles structures et prendre des initiatives qui seront déterminantes pour l’avenir de la jeune Église. Deux événements inattendus surviennent en son sein : le premier la pousse à s’organiser différemment et le deuxième provoquera une première expansion de la Bonne Nouvelle hors de Jérusalem. On peut découvrir ces évènements dans le livre des Actes en 6,1-4 et 8,1.4. En les regardant d’un peu plus près, on peut voir comment ils vont marquer la vie et l’avenir de la nouvelle communauté.

Rappelez-vous ! Pierre a pris la parole à la suite de l’irruption de l’Esprit, le jour de la Pentecôte. Il s’adresse à une foule de curieux rassemblés autour d’eux, des juifs de Jérusalem et d’autres venus de la Diaspora juive (voir Ac 2,8-11). Ces derniers s’étonnent de les entendre s’exprimer dans les langues parlées de différentes régions de l’empire romain. Ces pèlerins venus d’ailleurs sont bien Juifs, mais s’expriment plus volontiers en grec qu’en araméen. De plus, ils vivent selon des coutumes qui ne plaisent pas à Jérusalem. Avec l’augmentation du nombre de ces adeptes, cette différence va provoquer un premier problème rapporté par les Actes en 6,1-7 : « En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, les frères de langue grecque récriminèrent contre ceux de langue hébraïque, parce que les veuves de leur groupe étaient désavantagées dans le service quotidien. » Le problème vient d’une mauvaise compréhension. Parce que certains ne parlent que le grec et les autres araméen, on ne se comprend pas bien. L’oubli des uns crée le mécontentement des autres.

Les apôtres auraient pu décréter que tous doivent s’adapter aux coutumes locales. Ils ne le font pas. Leur réponse est un modèle du genre, un renvoi aux disciples parlant grec, invités à choisir librement, de l’intérieur d’eux-mêmes, la solution à leur problème : « Les Douze convoquèrent alors l’ensemble des disciples et leur dirent : « Il n’est pas bon que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables. Cherchez plutôt, frères, sept d’entre vous, des hommes qui soient estimés de tous, remplis d’Esprit Saint et de sagesse, et nous les établirons dans cette charge. » Le service diaconal est né, le travail est partagé en fonction des nécessités qui s’imposent et la solution est cherchée au cœur de cette communauté qui doit trouver en elle-même, le moyen de pallier à ses besoins. Les apôtres s’en remettent au bon sens de ce groupe et ne fournissent qu’un critère : choisir des hommes remplis d’Esprit-Saint et de sagesse.

Je ne peux m’empêcher de transposer cette situation à ce que connaissent de nombreuses communautés chrétiennes aujourd’hui. Est-il nécessaire de tout attendre d’en-haut. Ne devrait-on pas être plus inventif pour chercher ou suggérer des solutions aux différents problèmes qui se posent aujourd’hui ? Tous sont concernés et l’Esprit Saint n’est pas inactif. Peut-être que prêtres et évêques peinent à trouver les solutions qui s’imposent en notre temps par manque de confiance dans les suggestions qui pourraient être données.

Un deuxième événement nous fait découvrir le style d’action de l’Esprit Saint dans la vie de l’Église. Revenons à l’époque des premiers diacres entrés au service de la jeune communauté. Les Étienne, Philippe, Procore ou Nicanor sont des hommes qui se mettent au service du groupe et qui sont fortement engagés. Le nom d’Étienne semble être resté dans le souvenir de tous, pour la puissance de sa parole et sa profondeur spirituelle. Ces qualités ne plaisent pas à tout le monde. Il suscite, contre lui et le groupe de ces nouveaux convertis un peu trop bruyants, une forte animosité. La sanction est inévitable. Étienne veut parler (Ac 7), mais il ne fait que susciter une grande exaspération contre lui. Il est traîné hors de la ville et mis à mort par lapidation. Il meurt en prenant exemple sur son maître spirituel. Il pardonne à ses bourreaux. Ce mouvement de colère se tourne alors vers les autres membres du groupe des Hellénistes. Ils sont poursuivis et poussés hors de Jérusalem pour qu’ils rentrent chez eux.

L’épisode est rapporté en Ac 8,1b. : « Ce jour-là, éclata une violente persécution contre l’Église de Jérusalem. Tous se dispersèrent dans les campagnes de Judée et de Samarie, à l’exception des Apôtres. » Comprenons bien ce qui se passe. Il s’agit bien, pour la jeune Église d’une période dramatique. La dispersion provoquée manu militari fait souffrir l’ensemble du corps. Les croyants de Palestine ne sont pas directement inquiétés. Ils sont chez eux et ne se différencient pas vraiment de l’ensemble de leurs concitoyens. Ils sont pleinement fidèles à la loi mosaïque. L’autre groupe retrouve la région ou ville qu’il a quittée avant le départ en pèlerinage. Ces disciples pourraient rester prostrés à se lamenter sur leur sort. C’est tout autre chose qui se produit. « Ceux qui s’étaient dispersés annonçaient la Bonne Nouvelle de la Parole là où ils passaient. » (8,4) Dieu a beaucoup d’humour et il a le chic pour nous surprendre.Au moment où l’on peut croire que la jeune communauté chrétienne vacille sur sa base, elle est poussée vers le large, où la Parole n’a pas encore été reçue et reste inconnue. Pour Luc, l’auteur des Actes, l’Esprit est à l’œuvre et fait de ces nouveaux croyants les témoins de ce qu’ils ont vu et entendu.

Que tes œuvres sont belles, Seigneur ! Au moment où la peur et l’angoisse viennent nous faire douter de l’avenir, ton Esprit ouvre des chemins nouveaux. Par lui, tu agis en nos cœurs et nous donnes la force d’inventer l’avenir. Béni sois-Tu pour ces femmes et ces hommes qui ne se referment pas sur eux-mêmes durant les jours d’adversité, mais qui continuent à croire en toi et à chercher les solutions nouvelles qui aideront d’autres frères et sœurs à découvrir le chemin qui libère et conduit vers toi.

Les récriminations d’aujourd’hui, elles sont nombreuses, face à des difficultés bien réelles… Et si l’on recherchait un peu plus ensemble la solution pour les résoudre ! Cela pourrait nous aider tous. Qu’en penses-tu ? [Lire la suite]

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

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Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.