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LA COUPE 5/5

 

La nouvelle alliance en son sang

introduction | coupe du salut | vin | sang du Christ | nouvelle alliance

La dernière cène

La dernière cène
Duccio di Buoninsegna
Détrempe sur bois, 50 x 53 cm
Museo dell'Opera del Duomo, Sienne

     Le Christ s'était engagé à ne plus boire de vin jusqu'à l'avènement du royaume afin d'orienter l'espérance des siens vers cet accomplissement futur de leur commensalité avec lui. Cet accomplissement ne connaîtra sa pleine réalisation que dans le Royaume céleste où le Christ sera tout en tous : « Alors le Christ boira du vin, mais du vin nouveau, le vin nouveau dans le ciel nouveau et la terre nouvelle, dans l'homme nouveau, en compagnie des hommes nouveaux qui chantent le cantique nouveau. Il ne peut boire à la coupe nouvelle de la nouvelle vigne celui qui se trouve encore revêtu du vieil homme et de ses actes. Car personne ne verse du vin neuf dans des outres anciennes. Si tu veux boire de ce vin nouveau renouvelle-toi, au point de pouvoir dire: encore que l'homme extérieur en nous s'en aille en ruines, l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour. » [5]

     C'est sur la coupe de vin que Jésus la veille de sa Passion prononça ces paroles : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui va être versé pour vous. L’expression rappelle Exode 24,8 : « Ceci est le sang de l’alliance que Yahweh a conclue avec vous. » Au Sinaï Dieu s'était révélé comme une personne vivante entrant en alliance. Sa seigneurie se manifeste dans le mouvement d'alliance avec l'homme.

     L’alliance du Sinaï unit le peuple à son Dieu, puisqu'une partie du sang est versée sur l'autel, symbole de la présence de Dieu et une partie est aspergée sur le peuple. Le sang devient symbole de fraternité nouvelle. Il unit parce qu'il a le pouvoir divin de donner la vie (Ps 104,29). Dans l'expérience que Jésus fait de la paternité de Dieu, l'aspect relationnel du mystère divin prend une nouvelle profondeur. Dieu se révèle par la relation qui l'unit au Fils dans l'Esprit. Il est plus grand que la loi, plus grand que la tradition d'Israël. C'est dans son dernier repas avec les disciples qu'il a révélé la vie intime et débordante de Dieu. Le Père ne l'a pas abandonné, mais le laisse se décider en toute liberté. Jésus va donner un sens à sa mort. Le pain rompu préfigure sa mort violente et lui donne son sens. Le pain distribué, c'est la vie du Christ donnée pour que la communion plénière avec les hommes advienne. La coupe de vin est la nouvelle alliance en son sang. De sa mort Jésus fait la grande Pâque de l'humanité, le passage de tous les hommes vers Dieu. Le sang du Christ n'est pas le prix exigé pour apaiser la colère de Dieu. Ce sang est versé pour la multitude en rémission des péchés. C'est par sa mort en croix que jésus va réaliser l'union entre Dieu et les hommes. Ce sang est celui de la nouvelle alliance. Jérémie, lorsqu'il avait annoncé la nouvelle alliance l'avait caractérisée par le fait que la loi serait écrite dans les cœurs. Le commandement nouveau de l'amour n'est possible qu'à ceux qui acceptent d'entrer dans cette alliance nouvelle. Ainsi le sang de Jésus est à la fois symbole de mort et de vie. Jésus a épousé l'amour du Père pour tous les hommes. Cet amour l'a conduit à un excès d'ouverture aux autres et en a fait un exclu au milieu de son peuple. Jésus en a accepté toutes les conséquences : il livre son corps et son sang pour que l'alliance nouvelle puisse être conclue, l'alliance qui donne un cœur nouveau et un esprit nouveau. Le vieux monde est détruit en la personne de Jésus. Le monde de la nouvelle proximité de Dieu est ouvert à tous les hommes. C'est l'amour du Père pour les hommes qui l’a conduit à cet excès d'amour; il a suivi jusqu'au bout l'Esprit que le Père lui a communiqué. Dans sa mort même il pouvait livrer cet Esprit aux siens.

     Récemment un exégète a voulu contester l'historicité de la parole de Jésus sur la coupe [6]. Un juif n'aurait jamais pu accepter de boire le sang. La Bible appelle déjà le vin sang de la vigne [7]. Il est vrai que dans l'Ancien Testament le sang était un tabou pour l'usage profane, parce qu'il appartient à Dieu [8]. Jésus accomplit cependant l'Ancien Testament en le dépassant. La parole sur le sang est d'origine juive puisqu'elle évoque l'alliance du Sinaï. Dans le rite de conclusion de l'alliance en Exode 24, 8 Moïse dit : Ceci est le sang de l’alliance que Yaweh a conclue avec vous moyennant ces clauses. Dans la tradition juive le vin est associé à la Pâque [9]. Le vin coupé d'eau est attesté pour l'eucharistie à partir de Justin dans la tradition chrétienne. À travers l'eucharistie l'eau n'est pas liée à la purification, mais au sacrifice, c'est-à-dire au sang que le vin exprime bien. On a l'impression qu'une grande inclusion encadre la révélation judéo-chrétienne. En Genèse 3,3, Dieu donne l’ordre : Vous ne mangerez pas du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin. Avant sa mort Jésus dit : Prenez et mangez. Prenez et buvez. La défense originelle devient maintenant un ordre positif. Or il faut rappeler que dans la tradition juive l’arbre de la connaissance du bien et du mal avait été assimilé à la vigne par R. Judah ben Ilai (GenR 15,7) et par R. Aibu (GenR 19,5). Le psaume 80,9-16 avait médité l'histoire d'Israël comparé à une vigne arrachée d'Égypte. La version grecque des Septante avait ajouté au verset 15 : Restaure la vigne plantée par ta main droite, regarde le Fils de l'Homme que tu as rendu fort pour toi. Quant au Targum du Psaume, il lit : « Regarde le roi Messie qui a reçu la force. »

     Jésus s'était défini comme la vraie vigne et il demande à ses disciples de boire le sang de sa vigne. De symbole de la mort, le sang est devenu symbole de la vie et symbole de l'alliance nouvelle qui inscrit le commandement nouveau dans le cœur des croyants. Le sang du Christ purifie parce qu'il est la vie. Il réalise la communion entre Dieu et les hommes.

     Jérôme, dans sa Lettre 120, souligne l'accomplissement sacramentaire des paroles de Jésus : « Nous buvons son sang et sans lui nous ne pouvons nous abreuver. Chaque jour, dans les sacrifices qu'il a institués, nous foulons les moûts rubescents, produits par la vraie vigne de Sorec, qui signifie "élue"; nous buvons le vin qui en est extrait dans le royaume du Père, non pas selon la vétusté de la lettre, mais dans la nouveauté de l'Esprit, en chantant ce cantique nouveau que nul ne peut chanter si ce n'est dans le Royaume de l'Église qui est le royaume du Père. »

5. Hom Lev 7,2.
6. J.-M. Van Cang, « Le déroulement primitif de la Cène (Mc 14,18­26 et parallèles) », RevBib 102 (1995) 193-225. L’auteur oublie de citer le scandale des disciples lorsque Jésus annonce le don de l'Eucharistie. La réponse de Jésus en Jn 6,63 situe le problème : « La chair ne sert de rien, c'est l'Esprit qui fait vivre. Mes paroles sont Esprit et Vie. »
7. Genèse 49, 11; Deutéronome 32,14; Sirac 39,24. Genèse 49 est devenu un texte messianique dans le Targum.
8. Lévitique 17, 11.14;  Dt 12, 26.
9. Jubilés 49,6.

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Frédéric Manns

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