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MESSIANISME ET SCIENCE FICTION (3/4)
 

Messies et science-fiction

introduction | contexte | messies |

PAR PATRICE PERREAULT

 

Les messies possèdent les attributs propres à tous les héros des mythes et des légendes. Ils sont courageux, honnêtes, persévérants, loyaux envers leurs compagnons, souvent prêts à mourir pour leur cause. Cependant, certaines caractéristiques semblent être particulières aux personnages messianiques. Ceux illustrés dans le cinéma de science-fiction n'y font pas exception. Nous allons maintenant présenter les caractéristiques associées aux messies et nous verrons de quelle façon cela est transposé dans les films de science-fiction.

Le caractère religieux des messies
 

Tron       Matrix
 

     L'un des premiers aspects associés à beaucoup de personnages de messies est bien entendu leur caractère religieux. Par aspect religieux des messies, nous entendons leur capacité d'incarner une certaine représentation du divin, ce qui leur confère une nature sacrée. C'est surtout de cet aspect religieux que provient le charisme des messies. Dans le film Tron (Steven Lisberger 1982), nous retrouvons une très belle illustration d'une figure messianique à caractère divin. Le personnage principal (incarné par Jeff Bridges) est un informaticien qui se retrouve projeté dans le monde des programmes (chaque programme est une « personne » avec une identité qui lui est propre) où il parvient à vaincre le Maître Ordinateur. Dans l'univers des programmes, les utilisateurs sont conçus comme des divinités, capables d'influencer le cours des événements. C'est pourquoi lorsque le héros fait preuve de pouvoirs exceptionnels, tel que contrôler les champs énergétiques, il est rapidement associé à un utilisateur, c'est-à-dire à une figure divine. Par sa présence, il redonne aux programmes leur foi aux utilisateurs, discréditée par le Maître Ordinateur, et guérit « miraculeusement » un programme, réplique virtuelle de la femme qu'il aime. Un thème semblable est traité dans La Matrice (Andy et Larry Wachowski 1999) où le héros (nommé Neo, le « nouvel homme »), venu d'une réalité différente, est reconnu comme le libérateur tant attendu pour sauver l'univers virtuel. Il y parvient au moyen de ses qualités extraordinaires, mobilisées par sa foi « toute-puissante » en lui-même. Des films comme Superman (Richard Donner 1978), Dune (David Lynch 1984), Le Jour où la Terre s'arrêta (Robert Wise 1951) et L'Homme des Étoiles (John Carpenter 1984) sont encore d'autres exemples où l'on retrouve des personnages de messie incarnant un principe divin.
 

Superman          E.T.
 

     Les exemples précédents nous permettent de bien voir que, dans ces films, les figures divines et messianiques sont souvent conçues de façon très archaïque, c'est-à-dire comme une extrapolation de nos fantasmes de toute-puissance (les aventures de Superman en sont sans doute le meilleur exemple). Ceci n'empêche pas certains scénaristes de doter leur héros d'attributs divins qu'on retrouve généralement dans la tradition chrétienne. Dans le film E.T., une telle association est frappante. De nombreux éléments chrétiens peuvent être facilement dégagés de la trame narrative, tant ils correspondent à ce qu'on retrouve dans les Évangiles: un être, venu « du ciel », descend sur Terre, apporte amour, réconfort et force à ceux et celles qu'il rencontre, puis, en butte avec les autorités, est tué pour ensuite « ressusciter » et retourner « dans les cieux », non sans avoir laissé dernière lui son esprit d'amour et de compassion. E.T. est un film de science-fiction qui a su à la perfection présenter une figure messianique très bien circonscrite, faisant même penser à celle du Serviteur Souffrant de la Bible.
 

Anakin Skywalker          Darth Vader
 

     On ne peut conclure cette section sans parler d'Anakin Skywalker, le véritable messie de la saga de la Guerre des Étoiles. Les caractéristiques religieuses associées à ce personnage abondent. Dans l'Épisode I: La Menace Fantôme (Georges Lucas 1999), Anakin est rapidement identifié, par le maître Jedi Qui-Gon Jinn, comme étant l'Élu de la Galaxie (on peut penser aux moines tibétains qui reconnaissent le prochain Dalaï Lama). La conception « virginale » d'Anakin, engendré par la volonté de la Force, nous permet de faire un certain parallèle avec le Christ des Évangiles. Hormis ses attributs « divins » et ses capacités hors du commun, le jeune Anakin est aussi pourvu de qualités du cœur incontestables, notamment un sens oblatif et une ouverture à autrui qui étonnent son entourage. Ces valeurs sont chères à beaucoup de religions, dont le christianisme. Ayant succombé aux tentations du côté obscur, Anakin, devenu Darth Vader, saura retrouver la compassion et l'oblativité qui le caractérisaient dans sa jeunesse. Après des années à vivre dans les ténèbres (on pourrait dire à vivre une « nuit obscure » ou une « traversée du désert »), il réintègre le côté clair de la Force au contact de l'amour rédempteur de son fils Luke et fait le sacrifice de sa vie. Comme on peut le constater, Anakin est un messie peu conventionnel et assez paradoxal. À la fois un héros divin et un méchant inégalé (sauf par l'Empereur), Anakin Skywalker/Darth Vader réussi à incarner et à assumer totalement les deux pôles opposés de l'être humain, réalisant ainsi l'ancienne prophétie des Jedi voulant qu'un Élu rétablisse l'équilibre entre les côtés clair et obscur de la Force.

L'humanisme

      Une caractéristique qui ressort chez beaucoup de héros messianiques est leur humanisme. Pour eux, toute vie est sacrée, à fortiori celle des êtres conscients. C'est pourquoi les messies résistent aux structures déshumanisantes de la société. Par exemple, au contact d'E.T. les techniciens deviennent beaucoup plus humains. À cause de cet humanisme qu'ils incarnent, qui est parfois totalement opposé aux valeurs véhiculées par leur monde, les héros messianiques doivent très souvent se mettre, « socialement hors jeu », c'est-à-dire refuser de suivre des règles qui fondent un système oppresseur ou injuste. Cela encourage parfois la révolte contre les institutions, tel qu'on peut le voir dans la saga de la Guerre des Étoiles, où Luke Skywalker joint la rébellion et y reste fidèle, au lieu de mettre ses talents au service de l'Empire. Le père de Luke, Anakin, s'est lui aussi insurgé, à sa manière, contre les règles se son époque, puisqu'il a décidé, par amour, de violer le code d'éthique des Jedi en épousant la sénatrice Padmé Amidala (Épisode II: L'Attaque des Clones, Georges Lucas, 2002). Cet aspect du messie, qui choisit de se mettre « hors jeu » pour poursuivre un idéal, ou qui incite les autres à faire de même, est également illustré dans Rencontre du troisième type (Steven Spielberg 1977). En effet, un des personnages quitte son emploi pour suivre l'extraterrestre, un peu comme les apôtres avaient « tout abandonné » pour suivre Jésus.
 

Rencontre du troisième type

Rencontre du troisième type (Spielberg 1977)
 

     Cette affirmation de la dignité humaine et du dépassement des règles s'enracinent dans notre tradition judéo-chrétienne et biblique. Les quatre évangiles en sont tissés d'exemples et nous dirions que la dignité de l'être est le cœur même du message évangélique. Citons simplement Mc 2,27: « Le sabbat a été fait, pour l'homme et non l'homme pour le sabbat » ou la guérison d'une femme courbée le jour du Sabbat (Lc 13,10-17) et la parabole des ouvriers de la dernière heure (Mt 20,1-16).

     Ces trois exemples illustrent le caractère central de la dignité humaine pour Jésus de Nazareth. Ce dernier n'a pas hésité à remettre en question tout ce qui déshumanisait sa société, en particulier le Temple qui est le cœur du développement social et économique de son époque. En remettant en question le Temple, il affirmait que le religieux et la société étaient au service du devenir de l'être humain.

 

Fin de l'article :
Messies et science-fiction (2)

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Un cadavre embarrassant