LES BÉATITUDES (6/10)

Heureux les miséricordieux,
car il leur sera fait miséricorde

PAR YVES GUILLEMETTE

La miséricorde que Jésus exige de ses disciples doit normalement être conçue à partir de l'idée que l'on se fait de la miséricorde de Dieu. La miséricorde est un attribut de Dieu dans sa conduite avec les êtres humains. Telle est la définition que Dieu donne de lui-même à Moïse: « Yahweh passa devant lui et il cria: "Yahweh, Yahweh, Dieu de miséricorde et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité; qui garde sa grâce à des milliers, tolère faute, transgression et péché mais ne laisse pas impuni et châtie les fautes des pères sur les enfants, jusqu'à la troisième et la quatrième génération." » (Ex 34,6) Sa miséricorde apparaît illimitée envers ceux qui lui sont fidèles malgré leur faute, en contraste avec le châtiment qui se révèle modéré et limité dans le temps. La miséricorde de Dieu est associée au pardon des péchés, mais de manière plus large, elle manifeste la sollicitude dont Dieu entoure les malheureux dans leur détresse: « Seigneur, tu es pardon et bonté, plein de miséricorde pour tous ceux qui t'appellent. » (Ps 86,5)

     La miséricorde que Jésus demande à ses disciples d'exercer doit nécessairement être en rapport avec celle de Dieu, que Jésus a lui-même manifestée à l'égard des personnes qu'il a rencontrées. Étant nous-mêmes bénéficiaires de la miséricorde de Dieu, nous sommes dans l'obligation de nous conformer à notre tour à la conduite de Dieu, en sachant pardonner et venir en aide aux personnes qui vivent une situation de misère. Nous agirons ainsi comme d'authentiques fils et filles de Dieu: « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés; remettez, et il vous sera remis. » (Lc 6,36-37)

     L'évangile selon saint Matthieu offre de nombreuses illustrations de la pratique de la miséricorde. Il suffit de mentionner la parabole du serviteur qui s'est montré impitoyable à l'égard d'un confrère de travail qui lui devait de l'argent, alors que son patron venait tout juste de le libérer de sa propre dette (18,23-35). Jésus se sert de cette parabole pour enseigner à ses disciples qu'ils doivent se montrer pleins de miséricorde les uns envers les autres, s'ils veulent eux aussi être considérés avec miséricorde par Dieu. Le pardon reçu de Dieu entraîne l'obligation de pardonner aux autres. La parabole du jugement dernier exploite l'autre dimension de la miséricorde chrétienne à l'égard de tout être humain (25,31-46). Si nous voulons être accueillis dans la communion de Dieu, il faut déjà pratiquer cette communion dans nos rapports avec les autres. Agir avec miséricorde, c'est le meilleur témoignage que nous puissions rendre à la vérité et à la réalité du salut accompli par Jésus.

Source : Le Feuillet biblique 1515 (1993).

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