LES BÉATITUDES (7/10)

Heureux les coeurs purs, car ils verront Dieu

PAR YVES GUILLEMETTE

La béatitude des coeurs purs est propre à Matthieu. Sa formulation est tirée du Psaume 24 : « Qui montera sur la montagne de Yahweh? et qui se tiendra dans son lieu saint? L'homme aux mains nettes, au coeur pur: » (Ps 24,3). En partant du fait que l'homme travaille de ses mains et que le coeur est, pour les gens de la Bible, le siège des pensées et des sentiments, on voit se profiler l'idée que, pour paraître devant Dieu, il faut atteindre l'harmonie entre ses actes et ses pensées. Les gestes extérieurs doivent refléter la vie intérieure.

     Dans l'Ancien Testament, la pureté a d'abord le sens commun de « propreté », puis le sens spécifique de « pureté rituelle » (il faut se purifier des choses profanes pour s'approcher des choses et des actes sacrés, tel le culte). Petit à petit, la pureté prendra un caractère moral: le Juif pieux et fidèle doit devenir saint comme Dieu est saint. On parlera alors de la pureté du coeur. Mais la pureté du coeur ne peut se limiter au seul niveau des intentions: elle doit se traduire dans les actes. Jésus dira que c'est ce qui sort du coeur de l'homme qui le rend impur, et non ce qu'il mange (Mt 15,10-20). Selon la béatitude, sont heureux ceux dont les actes suivent les intentions de leur coeur. La promesse de « voir Dieu » est rattachée à un tel comportement. On ne peut s'approcher de Dieu que par la sainteté morale de sa vie. Mais celle-ci est au-dessus des seules possiblités humaines. Les prophètes, ces grands éducateurs du peuple de Dieu dans la recherche de la sainteté de vie, enseignent que la pureté du coeur est l'oeuvre de Dieu: « Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai. Et je vous donnerai un coeur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. [...] Je mettrai mon esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois... » (Éz 36,25-27).

     Les coeurs purs verront Dieu, dit Jésus. Dans la Bible comme partout au Proche-Orient ancien, l'expression « voir la face de » appartient au langage de la cour royale. Seuls certains personnages, au nombre de sept, peuvent paraître en présence du souverain. « Voir le roi » n'est pas l'apercevoir, mais faire partie de son entourage immédiat, de son Conseil des ministres. Les Hébreux transposeront cela sur la Cour de Yahweh. On dit par exemple que l'ange Raphaël est l'un des sept anges qui se tiennent devant la gloire de Dieu (Tb 12,15). L'idée est présente dans le désir de Moïse de voir la gloire de Dieu (Ex 33,18-23), lui qui est son serviteur. Dans les psaumes, on dit que les hommes droits contempleront Dieu. Pour Jésus, la pureté du coeur, recherchée dès maintenant par la sainteté de vie, la prière et l'application de l'Évangile, est une anticipation, en cette vie, de la promesse d'entrer dans l'intimité de Dieu: « Dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est. » (1 Jn 3,2)

Source : Le Feuillet biblique 1516 (1993).

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